Pourquoi et comment Blanquer doit remettre des maths au lycée
L’annonce de Jean-Michel Blanquer intervient deux ans et demi après sa réforme des lycées de 2019, décriée alors par les enseignants. Elle a mis fin aux séries L, S et ES et relégué les mathématiques à une spécialité en première et sous forme de spécialité ou d’options en terminale (mathématiques complémentaires, enseignement de spécialité et enseignement de spécialité couplé à l’option mathématiques expertes).
“Soit un tout, soit un rien”, résume Sébastien Planchenault auprès du HuffPost., alors que “les mathématiques sont nécessaires dans un nombre très important de filières post-bac, comme les sciences, l’économie, en première année de psycho, etc.”.
Les filles moins nombreuses à faire des maths en terminale
Si Jean-Michel Blanquer est prêt à revenir sur une partie de sa réforme, ce pour quoi les enseignants ont plaidé c’est en raison de la baisse du nombre d’élèves étudiant les mathématiques.
Selon des études relayées par les sociétés savantes et associations de mathématiques, “aujourd’hui, 140.000 élèves seulement font au moins 4h de maths” en terminale, quand ils étaient 330.000 avant la réforme. “Et 170.000 n’en font plus”, contre 50.000 auparavant. “Même la part de ceux qui suivent plus de 6h de maths chute de 29%”, ajoutent les auteurs du communiqué.
Un décrochage de l’enseignement des mathématiques au lycée particulièrement important chez les filles, qui “se considèrent souvent d’un niveau insuffisant”. Pourtant, “il n’y a aucune différence entre les filles et les garçons” dans leur capacité à faire des mathématiques, rappelle Sébastien Planchenault.
Les élèves issus des milieux défavorisés pénalisés
“Alors que la part des filles en terminale S progressait régulièrement depuis 1994, la part des filles dans l’enseignement de spécialité mathématiques en terminale est redescendue au-dessous du niveau de 1994”, déplorent les sociétés savantes et associations de mathématiques dans un communiqué publié fin janvier.
Rapportant les dernières données sur le sujet, ils expliquent qu’“en 2021, il y a toujours 56% de filles en terminale [comme en 2010], mais elles ne sont plus que 31% parmi les élèves qui font plus de 8h de maths [38% en 2010] et 47% parmi les élèves qui en font plus de 3h [52% en 2010]”.
Un accroissement des inégalités marqué aussi entre les classes sociales. Pour le président de l’Apmep, la réforme de 2019 a freiné encore plus l’accès des enfants issus de milieux défavorisés aux mathématiques, en raison d’un “manque de représentation parmi leurs proches et une difficulté à se projeter” dans ces filières ou dans les métiers où un diplôme incluant des mathématiques à un niveau poussé est nécessaire.
“L’aspect élitiste” des maths s’est accru
Interrogée par Ouest France, Claire Lommé, professeure de mathématiques en Normandie et membre de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (APMEP), dénonce “un vrai problème, si on regarde les populations défavorisées”, où “on voit aussi une vraie chute de l’accès aux maths”. Le risque pour la professeure est d’“accroître l’aspect élitiste” des mathématiques.
A la clé de la réforme de 2019, des difficultés, également, à moyens et longs termes comme le manque de professeurs de mathématiques. En juin 2021, le Canard enchaîné alertait sur le manque de professeur de mathématiques, due à la nette baisse du nombre de candidats aux épreuves du Capes -nécessaire pour enseigner en tant que titulaire en collège ou en lycée général- externe dans cette discipline. Entre 2010 et 2020, le nombre de candidats est ainsi passé de 2771 à 1946. Et avec la réforme, “on a diminué le vivier d’élèves qui font des mathématiques” et qui pourront à termes enseigner la discipline, déplore Sébastien Planchenault.
“Deux heures de mathématiques en plus”
Dimanche, Jean-Michel Blanquer n’a rien dit des moyens qui seront alloués à cet éventuel retour des mathématiques dans le tronc commun, pas plus qu’il n’a donné les contours de cette réadaptation de la réforme de 2019, suscitant le scepticisme des associations, dont l’Apmep. Pour Sébastien Planchenault, introduire plus de mathématiques dans le tronc commun des élèves en lycée général “ne sera pas possible l’an prochain”, à moins de le “minimiser en un cours ponctuel”.
Pour l’Apmep, il faudrait que les lycéens puissent bénéficier en première de “deux heures de cours de mathématiques en plus de l’enseignement scientifique”. “Une deuxième possibilité serait d’ajouter une option en première pour les élèves indécis”, propose Sébastien Planchenault.
Selon le président de l’Apmep, au-delà de l’enseignement des mathématiques en première et terminale en lycée général, il faudrait également “un accompagnement personnalisé en seconde pour les élèves en fragilité notamment”. Il s’inquiète aussi du sort des mathématiques en lycée technologique. Même inquiétude pour le lycée professionnel, où “l’ensemble des enseignements généraux est mis à mal” pour des élèves, dont une partie rencontraient des difficultés à leur sortie de troisième.
Enfin, le “peu d’heures de mathématiques au collège et en primaire” devrait également être mis sur la table. Autant dire qu’avec l’approche de la présidentielle, une réflexion d’ampleur sur la place des mathématiques à l’école semble compromise.
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