Pourquoi les médailles féminines sont encore plus belles que celles des hommes – BLOG
SPORT – Les JO de Tokyo accueillent presque 49% d’athlètes femmes, toutes nationalités confondues, un record. Et la parité devrait être tout à fait atteinte aux prochains jeux, en 2024, à Paris. Enfin, la parité… dans la participation. Celle relative aux performances est encore largement hors de portée, du moins en France. Ainsi, tous sports confondus et proportionnellement au nombre de sélections, les Françaises ont remporté 1,7 fois moins de médailles que les Français sur les trois dernières éditions des Jeux olympiques d’été (Pékin 2008, Londres 2012 et Rio 2016).
Or la France est la seule nation parmi les neuf meilleures –Chine, États-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Allemagne, Corée, Italie, Australie– à présenter une telle sous-représentation de médaillées. Le constat est particulièrement évident en athlétisme: sur ces mêmes trois événements, les hommes ont remporté cinq fois plus de médailles que les femmes!
Une enquête de haut niveau
Comme le révèlent les chiffres cités précédemment, les conclusions de l’analyse statistique sont sans appel. La première partie du contrat étant honorée, restait à savoir d’où venaient ces différences de performances. Pour répondre à cette question, ce ne sont pas les spécificités entre les hommes et les femmes qui ont été étudiées, mais plutôt les paramètres qui permettent de performer et, parmi eux, ceux contribuant au décalage dans les performances des sportifs et des sportives.
Premier défi: capitaliser sur la performance
Publicité
Stabiliser ses revenus demande des compétences sur la gestion du statut d’entrepreneur libéral, ce qui manque parfois dans l’apprentissage du métier de sportif de haut niveau. Ainsi, sur les 30 athlètes interrogés, 16 seulement bénéficient d’une stabilité économique dans le temps, leur permettant de se consacrer pleinement à leur carrière avec sérénité. Parmi eux, cinq hommes sont de multiples médaillés et/ou suffisamment médiatisés pour bénéficier de sponsors assurant des revenus stables. 11 autres (sept femmes et quatre hommes) cumulent des aides fédérales à des partenariats privés, et s’appuient également si nécessaire sur les revenus de leur conjoint. Les 14 athlètes restants sont quant à eux dans une situation plus précaire.
Or l’enquête révèle que lorsqu’il s’agit de capitaliser sur ses performances, la question du physique est beaucoup plus importante chez les femmes que chez les hommes. Cela peut poser problème, surtout lorsque les sportives ne correspondent pas aux standards de beauté normatifs. Il y a ainsi un paradoxe entre l’exigence de la performance, qui impose aux femmes d’accepter des transformations corporelles ou des changements de “féminité”, et l’obtention de contrats de partenaires privés, qui dépend fortement de l’image de “féminité traditionnelle”.
Deuxième défi: gérer son image en ligne
Hommes comme femmes manquent de compétences et de formation dans ce domaine, mais en plus, les secondes ont tendance à être surexposées sur les réseaux sociaux. Ce qui peut être à double tranchant. Pour celles qui ne correspondent pas aux standards de la “féminité traditionnelle”, cette nouvelle médiatisation peut devenir une source de pression supplémentaire. En revanche, pour les sportives qui savent construire leur image et adapter leur communication aux attentes de la société, les réseaux sociaux peuvent être une opportunité pour capter certains contrats financiers, par exemple, dans le domaine du bien-être, de la santé, du fitness, etc. En résumé? Si globalement ce “marché athlétique” n’est pas à l’avantage des femmes, il ne faut cependant pas nier la capacité “d’empowerment” de certaines d’entre elles lorsqu’elles en ont l’opportunité.
Troisième défi: la parentalité
En revanche pour sept sportives, dont deux mères, la maternité est incompatible avec la carrière sportive de haute performance et est ainsi envisagée en fin de carrière. L’étude démontre donc que des sportives sont prêtes à faire le deuil de la maternité au nom de la performance.
Or un tel sacrifice est-il indispensable? Le handball féminin s’est doté d’une convention collective pour assurer le salaire des joueuses professionnelles pendant un an lors d’une grossesse. Et la Fédération internationale de football cherche à créer un congé maternité pour les footballeuses professionnelles. De son côté, d’après nos informations, la FFA compte s’appuyer sur cette enquête pour mettre en place plusieurs mesures visant également à faire évoluer les pratiques et les représentations des femmes dans le sport.
Et du côté des solutions?
La première étape va consister à intégrer, dans l’ensemble des formations de la Fédération, des modules spécifiques reprenant les résultats de cette étude. L’objectif est de susciter des réflexions complémentaires chez les entraîneurs sur la façon de prendre en compte toutes les spécificités d’un individu, y compris son genre. Avec un équilibre à trouver: ne pas renforcer les stéréotypes, mais ne pas nier les spécificités. Un an de travail va ainsi être consacré à finaliser la transmission du rapport et à organiser les modules de formation.
Mais il ne s’agira pas de s’arrêter là. La FFA réfléchit aussi à déployer un système de mentorat pour permettre à des femmes leaders d’accompagner leurs consœurs sportives, ou encore à renforcer et systématiser des formations spécifiques aux réseaux sociaux pour les athlètes. Elle va également proposer des mesures incitatives pour encourager les femmes à passer des diplômes d’entraîneur, en particulier de haut niveau: en effet plus le niveau de certification monte, moins les femmes à s’y présenter sont nombreuses.
L’athlétisme, bien que sport mixte, reste encadré très principalement par des hommes, et il faudra là encore comprendre pourquoi. Cette recherche a ainsi fait émerger de nouvelles questions, dont il semble important de continuer à chercher les réponses. Avec l’objectif que l’équilibre ne se retrouve plus seulement dans la participation des sportifs et sportives français… mais aussi dans le nombre de médailles remportées.
Cet article a été écrit avec les contributions de Mathilde Julla-Marcy, Lucie Forté, Rémi Richard, Julia Elefteriou, Anaïs Sabot et Quentin Delarochelambert.
À voir également sur Le HuffPost: Les soutiens à Simone Biles se multiplient après son retrait
Laisser un commentaire