Bustiers hyper-sexualisants, décolletés abyssaux et épaulettes futuristes. La rétrospective, pensée par le Musée des Beaux-Arts de Montréal, laisse à voir jusqu’au 24 avril certaines des créations vestimentaires les plus emblématiques du créateur, connu entre autres pour ses défilés spectaculaires, son sens de la coupe et son exacerbation des stéréotypes du corps féminin.
Parmi elles, une robe. Rose, noire et dorée, elle provient de la collection haute couture automne-hiver 1995 et donne l’impression à celle qui la porte de sortir des eaux, debout dans la conque d’un coquillage, comme la Vénus de Boticelli, tableau de la Renaissance dont s’est inspiré Thierry Mugler.
“Ses inspirations n’étaient pas celles de l’industrie de la mode, elles étaient multiples, commente le commissaire de l’exposition, Thierry-Maxime Loriot, auprès du HuffPost. De saison en saison, il ne courait pas après les tendances. Ladite robe va au-delà des époques, elle est intemporelle, à l’instar de la peinture italienne.” Cette pièce, la rappeuse américaine Cardi B l’a remise au goût du jour, en 2019, sur le tapis rouge des Grammy Awards.
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Mugler et les stars
“J’ai toujours rêvé de mettre la main sur des pièces d’archives de [Thierry Mugler], renseignait le styliste de l’artiste, Kollin Carter, à WWD. C’est l’un de mes créateurs préférés depuis que je suis tombé amoureux de la mode.” Au mois de septembre dernier, Cardi B a récidivé lors du vernissage de l’événement dans deux autres tenues époustouflantes.
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Kim Kardashian, aussi. La star de télé-réalité, photographiée par Thierry Mugler en Une du Vogue Arabia et du magazine 7Hollywood, était apparue aux Hollywood Beauty Awards de 2019 dans une robe noire au décolleté surprenant, cachant simplement ses tétons grâce à deux fines bandelettes comprimées sur sa poitrine. Elle a été pensée en 1998 par le styliste, lequel entretient une relation privilégiée avec l’entrepreneuse américaine, comme le préfigure le corset “effet trempé” qu’il a imaginé pour elle à l’occasion du gala du Met.
Le phénomène n’est pas nouveau. Thierry Mugler a toujours habillé les grands noms de la pop culture. David Bowie, Céline Dion et George Michael peuvent en témoigner. Pourquoi les célébrités d’aujourd’hui viennent-elles encore piocher dans ses archives? “Ce sont des pièces uniques. Ce ne sont ni des costumes, ni de la mode. Ce sont des pièces qui vont révéler une individualité”, indique Thierry-Maxime Loriot.
Un outil de communication
Surtout, elles font parler d’elles. “Ce n’est pas le genre de vêtement qu’on porte pour aller faire ses courses chez Monoprix”, poursuit l’instigateur de l’exposition. Preuve à l’appui: la tenue qu’a revêtue Cardi B sur le tapis rouge des Grammy Awards a sans doute fait d’elle la personnalité la plus commentée de la cérémonie. “C’est ce qui nous intéresse dans la mode, le fait [qu’un vêtement] devienne l’objet des conversations”, a précisé son styliste, toujours chez WWD.
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Ses shows l’ont bien montré. Ce n’étaient pas seulement des défilés, mais des spectacles. Comme l’avait fait en 1973 le styliste japonais Issey Miyake, Mugler est le premier créateur français, en 1984, à faire payer l’entrée d’un défilé au public. Il a été organisé au Zénith de Paris devant plus de 6000 personnes et a notamment nécessité 800 projecteurs.
Une hyper-sexualisation assumée
Cette philosophie de vie, il se l’était lui-même appliquée. “Sa mode s’est accompagnée d’une mise en scène de soi très importante”, ajoute la co-autrice du livre Histoire des modes et du vêtement. Son corps et son visage, le public les connaissait, comme ceux d’autres couturiers illustres des années 1980, période au cours de laquelle ils accèdent à la starification.
Depuis son retrait du milieu en 2002, Thierry Mugler s’était fait plus discret pour se consacrer au monde du spectacle. L’ancien danseur au physique de colosse, qui avait décidé de se faire appeler Manfred Thierry Mugler, avait fait salle comble, en 2013, avec sa revue Mugler Follies au Comédia. À Berlin où il vivait, il avait fait briller Cindy Sander dans son spectacle The Wyld, réunissant 800.000 spectateurs en 2014.
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“Elles montrent, selon l’enseignante de l’École du Louvre, qu’il n’y a pas de dichotomie entre l’hyperféminité, le corps sexualisé et le fait d’être indépendantes, libres.” C’est l’essence même de la “glamazone”, terme créé par le couturier dans les années 1970 pour définir ses silhouettes féminines urbaines et modernes, ”à contre-courant de la mode flower power et hippie de l’époque”, lit-on sur un cartel de l’exposition.
L’essor du vintage
“Quand une femme porte du Mugler, elle se sent trop bien. C’est presque magique”, ajoute à son tour le styliste Nicolas Dureau. Celles qui arborent ses créations ne sont pas objets de la sexualité, mais sujets. “Elles ne peuvent que se sentir sexy et à l’aise”, estime-t-il. Ce dernier, qui compte dans ses clientes des célébrités françaises comme Shy’m, a revêtu Anggun d’un tailleur vintage du créateur, dans le cadre d’un épisode de la prochaine saison de Mask Singer sur TF1.
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L’approche des nouvelles aficionados du couturier phare des années 1980 est-elle similaire à celle de l’acteur hollywoodien, connu pour son engagement écologique? Elles n’en ont peut-être pas parlé ouvertement, mais ont bien les deux pieds dans notre époque. “Même si c’est un vintage que personne d’autre ne peut se permettre, il y a une inscription dans la mode durable, constate Sophie Lemahieu. Cela se serait-il fait autant il y a dix ans? Je ne crois pas.” La seconde main a bonne image. Meilleure, encore, si c’est Mugler.
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