Présidentielle 2022: Clément Beaune veut « un rôle de soldat et de combat »
La concomitance de calendrier avec le lancement du parti d’Edouard Philippe ce samedi 9 octobre au Havre risque une nouvelle fois de reléguer les tenants d’une ligne plus sociale, venus de la gauche, comme Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères ou Emmanuelle Wargon, ministre chargée du Logement, au second plan.
L’ancien socialiste Olivier Dussopt doit prendre la tête de ce mouvement au cours de ce congrès. Autre figure de cette aile gauche de la Macronie attendue, Clément Beaune, secrétaire d’d’État aux Affaires européennes.
Longtemps dans l’ombre, lui aussi, comme conseiller d’Emmanuel Macron à Bercy puis à l’Élysée, le jeune quadragénaire prend la lumière depuis qu’il est entré au gouvernement, en juillet 2020. Et ce n’est, sans doute, qu’un début, pour celui qui veut endosser “un rôle le plus actif possible” dans la campagne présidentielle.
Au HuffPost, il assure qu’“il n’y pas le déséquilibre qu’on décrit” entre la droite et la gauche au gouvernement, mais pense qu’il “ne faut pas d’autocensure si on veut corriger cette mauvaise perception”. A tout juste 40 ans, il réfléchit sérieusement à se présenter comme député aux prochaines législatives et rappelle qu’il “ne doit pas y avoir d’ambiguïté de la part de qui que ce soit sur le fait que cela serve un rassemblement derrière le président”, à propos du mouvement de l’ex-Premier ministre qui inquiète en Macronie. Entretien.
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Le HuffPost: Le mouvement Territoires de progrès fait sa rentrée avec Gilles Savary comme délégué général, Jean-Yves Le Drian comme fondateur et Olivier Dussopt (le ministre des Comptes publics) comme candidat à la présidence. Qui est le leader?
Clément Beaune: Olivier Dussopt sera le chef du mouvement politique puisqu’il va en prendre la tête à l’occasion du congrès. Il va prendre la responsabilité et l’organisation, avec Emmanuelle Wargon. Moi, je serai plutôt un compagnon de route qui partage leurs convictions, leurs idées, notamment sur l’Europe. Il y a une complémentarité à jouer entre nos différentes responsabilités.
Pourquoi ne pas vous être présenté à la tête du mouvement?
Ça n’a jamais été mon souhait. L’aventure a été édifiée, en partie, par Olivier Dussopt. Il s’implique dans l’organisation de Territoires de progrès depuis longtemps, et il a souhaité, aujourd’hui, en prendre la tête, en travaillant avec Emmanuelle Wargon. Il ne s’agissait pas, pour moi, de faire concurrence alors que nous sommes vraiment très proches sur le plan des idées.
Édouard Philippe lance son propre parti le même jour. N’avez-vous pas peur d’être éclipsés, une nouvelle fois, par l’aile droite de la majorité?
Les calendriers font que les deux événements ont lieu en même temps, ce n’était pas un souhait ou une mauvaise intention des uns ou des autres. Je ne pense pas qu’il y ait de compétition, ce sont des sensibilités différentes. L’idée est en tout cas de passer un message très clair: il ne doit pas y avoir d’ambiguïté de la part de qui que ce soit sur le fait que cela serve un rassemblement derrière le président. Après, la couverture médiatique de l’un ou de l’autre événement n’a pas valeur de baromètre.
On peut venir de la droite ou de la gauche, ce qui compte, c’est travailler ensemble derrière le président de la République.
Sur le fond, êtes-vous d’accord avec sa proposition de reporter l’âge de départ à la retraite à 67 ans?
Il est prématuré de mettre des chiffres dans le débat, ce n’est pas le sujet. Le président de la République l’a dit: Il faudra faire la réforme, travailler davantage et en même temps différencier ceux qui ont des carrières longues, ceux qui ont commencé à travailler plus tôt. Pour moi, cet équilibre-là doit primer sur la focalisation autour d’un chiffre.
Cinq ans après le lancement d’En Marche, et alors que débute la campagne présidentielle, on assiste au retour -sinon à la résistance- des différentes chapelles dans la majorité. N’est ce pas contraire à l’esprit du macronisme, et à la fameuse “maison commune”?
Emmanuel Macron n’a jamais prétendu abolir les débats ou les clivages. Il les a repositionnés sur des sujets où les partis politiques traditionnels s’étaient fracturés. L’Europe en est le meilleur exemple. L’autre erreur serait de croire que dépasser et rassembler revient à nier les cultures, les histoires politiques, les sensibilités ou les parcours différents. On peut venir de la droite ou de la gauche, ce qui compte, c’est travailler ensemble derrière le président de la République. Pour cela, la maison commune me semble être le bon chapeau, ou le bon socle.
Vous souhaitez, donc, que Territoires de progrès en fasse partie. Mais sous quelle forme?
Je ne veux pas parler à la place d’Emmanuelle Wargon et Olivier Dussopt, mais oui, bien sûr, je souhaite que le mouvement soit un élément de la maison commune. Sous la forme d’une fédération, d’une association? Les éléments d’organisation ne sont pas encore définis et ils sont secondaires à partir du moment où on veut vivre sous le même toit.
Plus concrètement, souhaitez-vous que TdP forme un groupe autonome à l’Assemblée nationale ?
Ce n’est pas l’idée mais c’est un débat qu’il faudra avoir au sein de la majorité.
On monte le son du haut-parleur, et c’est tant mieux
Allez-vous franchir le pas et vous présenter aux prochaines élections législatives?
C’est une option à laquelle je réfléchis sérieusement. Mais je ne veux pas faire les choses dans le mauvais ordre. Pour moi il y a deux étapes qui sont la concentration du moment: la présidence française de l’Union européenne et la présidentielle en elle-même. J’ai envie de m’engager dans ce combat. Mon sort personnel sera l’étape suivante, et la continuité de tout cela. Mais si nous jouons l’élection présidentielle avant de l’avoir faite, nous commettons une erreur. Donc pour l’instant je suis concentré là-dessus, mais c’est quelque chose que j’envisage.
Avez-vous déjà un point de chute en tête?
Vous m’en demandez beaucoup. On n’en est pas encore là. (rires)
Quel rôle souhaitez-vous jouer dans la campagne?
Je veux un rôle de combat et de soldat si je puis dire, à la fois pour défendre l’action menée pendant cinq ans, en particulier sur les sujets européens, mais plus largement pour porter, s’il le décide, le combat politique nouveau du candidat Macron. J’ai envie de jouer un rôle le plus actif possible, ça dépendra de ce que souhaite le président. Je pense en tout cas que le sujet des rôles ou des titres n’est pas tellement important.
Question bilan, estimez-vous que l’aile gauche a assez pesé durant ce quinquennat? On a souvent estimé, au fil du quinquennat, qu’elle avait du mal à exister.
Quand on regarde un certain nombre de mesures sociales ou européennes, moi qui assume pleinement d’être aujourd’hui dans le dépassement et toujours de gauche et social-démocrate, je trouve qu’il n’y a pas le déséquilibre qu’on décrit. Après, il ne faut pas d’autocensure si on veut corriger cette mauvaise perception. Il faut que les personnes venues de la gauche aient la même fierté, la même expression publique et politique que celles venues de la droite. Nous le faisons sans doute davantage aujourd’hui, on monte le son du haut-parleur et c’est tant mieux.
Je ne fais pas de la politique depuis longtemps, mais je sais qu’il faut avoir une certaine audace dans l’expression pour mener ses combats, tout en jouant collectif et loyal.
La question est de savoir si vous avez des états d’âme, si vous êtes en désaccord avec une ligne au point de ne pas être à l’aise… et ça ne m’est jamais arrivé
De quelle mesure êtes-vous le plus fier?
Il y en a deux. La PMA, d’une part. On dit parfois qu’il n’y a pas de marqueur, pas d’avancée sociale visible qui restera dans le temps, mais je crois que celle-là en est une très importante. Et un sujet plus européen, de l’autre: c’est le plan de relance. Nous avons fait bouger l’Europe, nous avons montré que nous étions capables de protéger, de réagir et d’être solidaires dans les crises. Pour moi, c’est une avancée aussi importante que l’euro.
Et un regret?
La réforme institutionnelle. Nous avons essayé de la faire avancer, mais les choses ont coincé au Sénat. C’est un des sujets sur lequel nous devons encore plus nous engager dans les années qui viennent. À titre personnel, une réforme comme la proportionnelle me paraît très importante.
Rien sur le reste du quinquennat?
On peut avoir des nuances, cela me paraît normal. La question est de savoir si vous avez des états d’âme, si vous êtes en désaccord avec une ligne au point de ne pas être à l’aise… et ça ne m’est jamais arrivé. C’est ça la vie politique. En venant de la gauche, on est à l’aise dans ce gouvernement et avec ce bilan.
Ce début de campagne est marqué par la force de l’extrême droite dans les sondages. On voit aujourd’hui deux candidats de ce camp à plus de 15% dans les intentions de vote. N’est-ce pas un échec personnel pour Emmanuel Macron, qui voulait être le “rempart” à ces idées?
Il faut être très modeste là-dessus. Le combat contre l’extrême droite, contre les projets politiques violents, haineux, à la fois dans les mots, dans les propositions, dans la stigmatisation de certaines catégories, est malheureusement une tendance de fond dans nos démocraties.
Nous le menons et nous avons remporté une victoire importante en 2017, puisque le succès d’Emmanuel Macron a été un rempart positif contre l’extrême droite. Depuis, on a fait reculer cette idéologie sur un certain nombre de sujets, comme l’Europe. Cela ne veut pas dire que le combat est gagné pour autant, on ne résout pas le problème en quatre ou cinq ans de réformes et d’actions. Mais je constate, aujourd’hui, que l’extrême droite prends surtout la place des partis politiques traditionnels, qui ont renoncé à mener le combat, ou se laissent entrainer par elle.
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