Présidentielle: Macron au défi de passer de « président des crises » à candidat
Ce qui va forcément déteindre sur sa campagne électorale, dans un contexte où ses adversaires, en piste depuis des mois, l’attendent de pied ferme pour en découdre sur ce terrain. D’ailleurs, ses principaux adversaires, de gauche, de droite et d’extrême droite, utilisent tous une présumée capacité à le battre au second tour comme argument électoral.
Il est impossible de ranger le costume de président le temps d’une campagneFranck Louvrier, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy
Comme si, en chassant l’actuel locataire de l’Élysée, on tirait un trait sur les crises et les tensions qui marquent l’exercice du pouvoir. Ce n’est pas nouveau. Avant lui, Nicolas Sarkozy avait eu aussi à descendre dans l’arène, au terme d’un mandat secoué par une crise économique qui faisait vaciller l’Europe.
“Toute la difficulté, c’est la duplicité”
En étant confronté au même défi: comment revêtir l’habit de candidat, tout en tirant profit du costume, a priori confortable, du capitaine debout dans la tempête pendant que d’autres rivalisent de propos d’estrade? “Si on perd le triple A, je suis mort”, avait-il confié, alors qu’il faisant de la préservation de cet indicateur de confiance économique l’une des clés de sa réélection. Depuis, la France n’a jamais retrouvé cette note. Ni Nicolas Sarkozy le pouvoir.
Franck Louvrier, aujourd’hui conseiller politique de Valérie Pécresse, officiait à cette époque pour la communication de l’ancien président. Selon lui, l’étiquette “président des crises” n’est pas forcément un handicap, à condition de savoir jouer les équilibristes. “Toute la difficulté, c’est la duplicité. Parce qu’il est impossible de ranger le costume de président le temps d’une campagne. Le candidat peut à tout moment être rappelé à ses fonctions présidentielles”, explique le maire de La Baule (Loire-Atlantique). Ce dernier en veut pour preuve les attentats commis par Mohammed Merah, qui sont survenus en pleine campagne en 2012.
“Alors candidat, Nicolas Sarkozy était obligé de renfiler son costume de président, avec toute la gravité que ce moment impliquait. Et donc, d’abandonner celui du politique en campagne qui fait des propositions aux Français”, se remémore Franck Louvrier, considérant que l’enjeu pour un sortant est surtout de se déclarer au bon moment, “pas trop tard”, car les aléas du pouvoir finissent toujours par rattraper le président-candidat. D’où l’importance d’avoir un peu de temps pour faire passer ses messages. Un chemin que ne semble pas prendre le président de la République qui, tourné vers la crise en Ukraine, repousse encore son annonce.
Il s’est quand même mangé la pire crise sociale depuis mai 68 et la pire pandémie depuis la grippe espagnole.Un communiquant de la galaxie macroniste
Au-delà du meilleur timing, qui est tout sauf une science exacte tant les campagnes sont faites d’imprévus, Emmanuel Macron pourra-t-il tirer profit de son costume présidentiel? “Ce qui restera, c’est qu’il aura tenu. Il s’est quand même mangé la pire crise sociale depuis mai 68 et la pire pandémie depuis la grippe espagnole, mais le pays ne s’est pas effondré. Les Français pourront lui en être reconnaissants”, décrypte un communicant de la galaxie macroniste, qui ajoute: “C’est d’autant plus bénéfique pour lui que ce jeune président inexpérimenté pâtissait d’un déficit d’incarnation en début de mandat, qu’il avait essayé de combler avec la posture jupitérienne”.
“Les crises, ça vous assèche”
Reste que, pour redescendre dans l’arène politique, il faut une niaque, un souffle. Ce qui est loin d’être une chose aisée quand on a navigué par gros temps. “Les crises, ça vous assèche, psychologiquement et physiquement. Je l’ai vu avec François Hollande, au moment des attentats ou des interventions en Syrie. Toute la force vitale est aspirée. C’est donc très difficile de revenir dans le jeu politique avec une position de conquérant”, observe Gaspard Gantzer, ancien conseiller en communication du prédécesseur d’Emmanuel Macron.
La tentation est grande pour les électeurs de vouloir tourner la page.Gaspard Gantzer, ancien conseiller de François Hollande
Un écueil que l’actuel locataire de l’Élysée serait en mesure d’éviter. “Quand il montera sur le ring, il prendra des coups, c’est sûr. Mais il n’est jamais aussi bon que dans l’adversité. On l’a vu face aux maires à la sortie des gilets jaunes, ou à chaque fois qu’il a eu un moment chaud avec un citoyen mécontent. Il est combatif et très à l’aise dans ces situations”, souffle un conseiller ministériel. Autre risque pour un chef de l’État ayant vécu de fortes perturbations durant son quinquennat, le risque de voir son visage être associé aux mauvaises nouvelles, en dépit des succès enregistrés pour y faire face.
“C’est le ‘syndrome Churchill’ ou ‘syndrome De Gaulle’. Les deux ont sauvé leur pays, mais l’un comme l’autre ont été licenciés comme des malpropres au lendemain de la deuxième Guerre Mondiale. Car quand vous êtes associé à une crise, à des temps douloureux, la tentation est grande pour les électeurs de vouloir tourner la page pour se projeter vers l’après”, décrypte encore Gaspard Gantzer.
Ce dernier rappelle que Nicolas Sarkozy n’avait pas su tirer profit de sa gestion de la crise libyenne, de la crise économique et des attentats de Montauban et Toulouse. “La capacité à affronter des crises ne joue donc pas forcément en la faveur du sortant”, prévient le communiquant. Charge à Emmanuel Macron de transformer ce cadeau empoisonné du costume présidentiel en atout électoral, et d’être en mesure de solder les malheurs du passé par la promesse d’un avenir joyeux.
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