Procès du meurtre de George Floyd: un dispositif de sécurité exceptionnel à Minneapolis
Un procès exceptionnel, du fait de la mobilisation gigantesque contre les violences policières qu’avait engendré ce décès, qui s’ouvrira, pendant trois semaines d’abord, avec la sélection du jury investi de la mission de se prononcer sur le sort du désormais ex-policier.
Les autres membres des forces de l’ordre intervenus au cours de l’arrestation de George Floyd (également congédiés à la suite du drame) seront, eux, jugés lors d’un procès disjoint organisé au mois d’août, principalement pour des raisons liées à la pandémie de covid-19 et à la nécessité de respecter les distances de sécurité au tribunal.
“Beaucoup d’émotion dans tous les camps”
En attendant, le passage au tribunal de Derek Chauvin est déjà en tous points hors du commun, tant la problématique des violences systémiques commises par la police contre les minorités s’est imposée dans le débat public outre-Atlantique depuis un an. En effet, aux États-Unis, les procès et a fortiori les condamnations de policiers accusés de violences, voire comme dans ce cas précis d’homicide, sont extrêmement rares.
C’est la raison pour laquelle les autorités locales s’attendent à une attention toute particulière sur l’événement, et qu’elles craignent des débordements. Ainsi, plusieurs semaines avant le début des discussions, un dispositif de sécurité dantesque a été installé aux abords du tribunal. “Il va y avoir beaucoup d’émotion dans tous les camps, et nous serons préparés”, assurait alors le gouverneur démocrate du Minnesota, Tim Walz.
Stephen Maturen / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Des émeutes d’ampleur en mai dernier
Des moyens humains d’ampleur ont également été mobilisés, avec notamment le déploiement de la garde nationale (des soldats de réserve de l’armée américaine, normalement utilisés en situation d’urgence comme une catastrophe naturelle ou une émeute), mais aussi des polices de la ville, du comté et de l’État. Au total, quelque 3000 membres des forces de l’ordre pourraient prendre part au dispositif.
Il faut dire que la question de la sécurité des débats est particulièrement brûlante à Minneapolis, où les critiques avaient fusé à l’encontre des autorités dans les jours ayant suivi la mort de George Floyd. Des émeutes avaient effectivement éclaté sans que les forces de l’ordre ni les responsables politiques ne paraissent à même de contrôler la foule. Des pillages importants et des incendies avaient été provoqués à la fin du mois de mai par les manifestants, la ville prenant des allures de théâtre de guerre.
Dans cette ville du nord-ouest des États-Unis, le commissariat avait même été incendié par les émeutiers, qui étaient parvenus à déjouer sans grande difficulté les systèmes de protection, alors constitués de quelques barrières. Face à la foule en colère, les policiers avaient même dû abandonner leurs locaux, suscitant l’ire du président de l’époque, Donald Trump. Selon les estimations, ces rassemblements violents auraient causé plus d’un demi-milliard de dollars de dégâts.
KEREM YUCEL / AFP
Une volonté d’intimider les activistes?
Il n’en reste pas moins que les activistes anti-violences policières qui prennent part à ce nouveau mouvement de lutte pour l’égalité et les droits civiques voient d’un mauvais œil cette démonstration de force. Beaucoup d’entre eux y décèlent une tentative d’intimidation. “Ils ont plus peur du peuple que de la violence de la police”, a par exemple déploré dans la presse locale Michelle Gross, membre d’une association dénonçant les violences commises par les forces de l’ordre. “Ils veulent faire croire que les manifestants sont le problème, et non pas les violences qui ont provoqué nos manifestations.”
Un point de vue partagé en partie par certains membres du conseil municipal, qui craignent que l’ampleur du dispositif n’envoie un message confus. “Comment faire pour avoir une organisation suffisamment sûre, mais pas au point de faire que la population se sente en danger?”, s’est par exemple interrogé Phillipe Cunningham, jeune élu afro-américain du nord de la ville et membre de la majorité.
Ce à quoi le maire démocrate de Minneapolis, Jacob Frey, a répondu qu’il ne cherchait aucunement à provoquer les manifestants, mais davantage à “protéger les personnes et les biens” chez ses administrés. “Nous ne voulons surtout pas interférer avec la liberté d’expression”, a complété Marion Greene, élue au niveau du Comté.
Reste qu’avec un procès aussi médiatique et qui durera de longues semaines (la sélection des jurés devrait se terminer fin mars, avant un procès qui durera entre deux et quatre semaines selon les prévisions), la situation devrait rester inflammable pendant longtemps à Minneapolis. Au vu de l’importance historique de ce qu’il s’y joue pour la société américaine, les activistes opposés aux violences systémiques prévoient ainsi de se montrer à l’occasion de l’événement. “Ces barricades, ces barrières et ces barbelés ne nous empêcheront pas de descendre dans la rue et de clamer la vérité”, ont déjà assuré des militants des droits civiques. Et le procès n’a même pas encore commencé.
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