POOL / AFP
Le Premier ministre Jean Castex après sa conférence de presse sur les mesures du reconfinement, le 29 octobre 2020.

POLITIQUE – “Tout ne peut pas se décider depuis Paris. Je crois aux territoires, je crois aux valeurs de confiance et de responsabilité”. Cette phrase prononcée par le Premier ministre Jean Castex lors de son premier JT, au 20 heures de TF1, devait décrire la teneur de son mandat. C’est pour ça qu’il avait été choisi. C’était le 3 juillet, il y a quatre mois, autant dire une éternité.

Depuis, la crise sanitaire est repartie de plus belle et le Premier ministre semble avoir du mal à tenir sa ligne. Comme le 23 septembre, lorsque la fermeture des bars et restaurants marseillais est décidée depuis Paris, sans concertation avec les élus locaux. Bronca de ces derniers. Pour le couvre-feu, annoncé par Emmanuel Macron le 14 octobre, Jean Castex semble avoir retenu la leçon. Les maires ont été mieux associés, ils ne sont pas tous unanimes, mais appellent à soutenir la mesure, à l’image de la maire de Paris, Anne Hidalgo:

Mais patatras. Le nouveau confinement, décidé en urgence après deux Conseils de défense mercredi 28 octobre, vient remettre une nouvelle fois en cause cette stratégie. “C’est difficile qu’il y ait de la concertation puisque la grande faiblesse de leur gestion est l’absence d’anticipation”, pointe le président de la région Normandie, Hervé Morin. “L’option de régionaliser la gestion de crise a volé en éclat avec l’urgence du reconfinement. Je peux le comprendre, même si ça sentait le manque d’anticipation”, abonde Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France.

“Ils auraient pu nous appeler avant le reconfinement, mais l’impératif de communication l’a emporté sur l’impératif de concertation. Ils avaient sans doute peur que les informations fuitent. Résultat: on nous met devant le fait accompli et on doit gérer”, explicite l’ancienne ministre, citant la réunion de “concertation” avec les responsables des partis qui a tourné court, la veille de l’annonce du reconfinement parce que le Premier ministre refusait de donner les options sur la table du président de la République.

Le protocole sanitaire renforcé dans les lycées n’est pas applicable pour 70% d’entre eux en Ile-de-FranceValérie Pécresse, présidente de la région

Deux jours après la rentrée scolaire, les deux présidents de région déplorent le manque de concertation sur la question des lycées, au cœur de leurs compétences. “J’ai immédiatement tiré le signal d’alarme, le protocole sanitaire renforcé n’est pas applicable dans 70% des lycées d’Île-de-France”, constate Valérie Pécresse qui sortait, ce 4 novembre, d’une réunion avec les proviseurs pour tenter de trouver des solutions locales et qui pointe de manière générale “la faillite de la bureaucratie”, dans cette crise. “L’Etat aurait dû en profiter pour faire une vraie vague de décentralisation et nous faire confiance. Dès que c’est décidé au niveau national, ça devient théorique et ça ne va pas”, regrette-t-elle.

De son côté, Hervé Morin aurait aimé que l’été serve à mieux anticiper le rebond de l’épidémie, par exemple pour envisager une rentrée scolaire empêchée pour cause de Covid-19. “J’ai proposé à Jean-Michel Blanquer au mois d’août qu’on prépare des plans alternatifs à une scolarisation massive. Il a eu l’air agacé, mais ça ne peut pas s’improviser!”, insiste l’ancien ministre qui a eu des échos de directeurs d’hôpitaux régionaux lui assurant que le milieu scolaire était “un grand facteur de circulation du virus”. 

Même sentiment du côté de Marseille. “On nous dit ‘dans trois jours, il va se passer ça, faites pour le mieux’, alors on fait pour le mieux, on anticipe même parfois, mais on préférerait qu’ils nous consultent en amont pour nous demander notre avis et si la piste envisagée correspond à notre territoire”, explique-t-on dans l’entourage de la maire, Michèle Rubirola, sans animosité. 

Le confinement est une mesure qui relève du régalien. C’est normal que ce soit le chef du gouvernement qui assumeMatignon

 “L’urgence sanitaire implique de reprendre les rênes d’une nouvelle étape”, reconnaît-on à Matignon ce 4 novembre. “La décision du président de la République qui concerne tout le territoire et empêche les gens de sortir de chez eux est de l’ordre du régalien. C’est normal que ce soit le chef du gouvernement qui assume”, explique-t-on, tout en rappelant les “nombreuses réunions” organisées à Matignon ou en présence de Jean Castex avec les présidents de région et les autres associations d’élus depuis le mois de septembre.

Un exemple parmi d’autres à Marseille: les masques obligatoires pour les enfants de plus de six ans. “On est en train de les équiper, on en a commandé, mais le temps qu’ils arrivent, ils utilisent des masques pour adultes. Si seulement on nous avait dit ça un peu plus tôt…”, regrette-t-on, assurant pouvoir “citer vingt exemples” de ce type. A Matignon, on rappelle que ce ne sont pas aux maires de fournir les masques. La mairie qui se concentre actuellement sur l’urgence sociale à venir ne voit pas non plus d’accompagnement de l’État sur ce thème.

Des maires qui ouvrent les commerces de proximité contre les mesures du gouvernement

Tout le week-end, Jean Castex s’est démené avec les représentants des petits commerces non alimentaires pour tenter de contenir le vent de fronde qui montait après la décision de les fermer. Une mesure qui a conduit certains maires à prendre des arrêtés contraires à la politique gouvernementale pour les maintenir ouverts. Si l’initiative reste marginale, elle en dit long sur la grogne qui monte chez les édiles.

Enfin le “couac” de lundi sur l’annonce d’un couvre-feu à Paris et “peut-être” pour la région Île-de-France annoncé par le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal n’a fait qu’alimenter ce sentiment d’être court-circuités pour les élus locaux. “On ne nous considère pas comme des partenaires, on l’a dit au Premier ministre lors du congrès des régions de France: ‘faites avec nous’, on retombe dans les mêmes erreurs que lors du premier confinement: l’État veut tout faire tout seul, il n’est pas assez au cœur du terrain, il prend des décisions et ça retombe sur les collectivités locales. C’est pour ça que les maires sont fatigués”, analyse Valérie Pécresse, qui a tweeté son mécontentement après cette annonce très vite démentie par Matignon lundi matin.

Ce qui revient le plus, c’est le manque de partage d’informations sur les questions sanitaires. Beaucoup de nos interlocuteurs relèvent avec dépit que le ministre de la Santé n’a même pas de conseiller aux élus locaux: ”ça en dit long”, souffle-t-on en coulisses, alors que Jean Castex l’a imposé dans chaque ministère dès son arrivée. 

Un manque de concertation qui irait, à les entendre, bien au-delà de la crise sanitaire. Pour la mise en œuvre du plan de relance, censé s’appuyer largement sur les collectivités locales, les critiques sont les mêmes. “Pour la rénovation énergétique, au départ, les ruraux n’étaient pas prévus dans le public concerné, heureusement qu’on leur a demandé de rectifier le tir”, constate-t-on au sein de l’Association des maires ruraux de France, avant de conclure, dans un souffle d’espoir: “Beaucoup de politiques fonctionneraient mieux si on prenait vraiment le temps de les co-construire”.

À voir également sur Le HuffPostMacron et Castex n’ont pas la même approche sur les causes du “séparatisme


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