Historien du monde contemporain, en particulier des violences et des totalitarismes du XXe siècle, Enzo Traverso a récemment publié aux éditions La Découverte une somme intitulée « Révolution. Une histoire culturelle ». Dans cet épisode de « La Grande H. », il revient d’abord sur la différence structurelle entre révolte et révolution, en partant de la définition des révolutions comme « furies de l’histoire » proposée par Michelet.
Séismes qui renversent l’ordre établi, renouvellent les horizons d’attente et font advenir des idées, des imaginaires et des canons esthétiques nouveaux, les révolutions ne se prêtent ni aux analyses purement déterministes, ni aux récits linéaires. D’où la méthode kaléidoscopique, inspirée de Walter Benjamin, mise en oeuvre par E. Traverso dans son livre. Les puissances de transformation mises en branle par les révolutions, avec toutes les tensions et les contradictions ainsi engagées, sont ici saisies par l’analyse d’une constellations de thèmes, d’images et de symboles. Loin de la grille de lecture conservatrice dominante en France (et dans le monde), qui voit les révolutions, à la suite de François Furet, comme des aberrations néfastes nécessairement vouées au totalitarisme, E. Traverso n’en rejette pas moins les lectures naïves portées à tenir pour des accidents les dérives dont le stalinisme peut faire figure d’emblème. Il constate par ailleurs l’épuisement actuel du paradigme révolutionnaire qui a guidé les mouvements d’émancipation tout au long des XIXe et XXe siècles. Les forces de contestation de l’ordre néolibéral dans les pays du Nord ou, par exemple dans le monde arabe ou en Iran, de résistance à l’oppression des États autoritaires, n’en sont pas moins vives. Mais leurs imaginaires sont différents, et sans doute encore en formation.
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