Pris par le jeu, et n’ayant de toute façon pas grand chose d’autre à faire, Greco continue de se balader dans ce paysage fictif – censé représenter les immensités américaines après un cataclysme – qui lui rappelle tant sa destination de voyage avortée. « Puis, à un moment, j’ai ripé sur la manette et j’ai enclenché le mode photo du jeu sans faire exprès. »
Curieux, Greco commence à fouiller les modalités de ce nouveau mode qui permet de figer le jeu et de prendre des photos. « En plus, il y avait une fonction Polaroid, format avec lequel je photographie en règle générale. »
Le voilà lancé dans un voyage photographique dans une Islande fantasmée, où Greco balade son curseur sur les pavés de basaltes, sur la mousse, les dégagements de gaz ou les silhouettes montagneuses. Profitant du grand soin apporté aux textures des paysages, le résultat des clichés flirte avec un certain réalisme — ou du moins instillant le doute quant à la véracité de la scène saisie.
Greco rejoint alors sans trop le savoir un mouvement ancien mais en cours de démocratisation à mi-chemin entre le jeu-vidéo et la photo : l’in-game photography, qui consiste donc à prendre des photos au sein d’un jeu. « Grâce au mode photo, on peut régler pas mal de réglages basiques qu’on retrouve dans la photographie du monde réel, comme l’ouverture et la fermeture de l’objectif », complète Greco, qui retrouve dans l’in-game photography une expérience similaire en certains points à la photo IRL.
« Il y a vraiment la recherche de la bonne position, du bon angle pour avoir la photo que tu souhaites », s’enthousiasme le photographe. « Il faut progresser à tâtons pour aller se placer au bon endroit. Impossible de zoomer 25 mètres plus loin. Il faut se balader. »
Courant novembre, Greco sortira un ouvrage intitulé Place(s) compilant ses photos prises aux quatre coins de l’univers de jeu de Death Stranding, apportant une piece supplémentaire au débat : l’in-game photography peut-elle être considérée comme de la photographie ?
« Pour moi, c’est surtout une expérimentation, » cadre Greco. « Après, il y a une démarche photographique, on cherche le sujet, le cadre, le bon réglage, la lumière idéale. » Un point de vue partagé par le curateur et chercheur Marco de Mutiis qui s’intéresse de près à la pratique de l’in-game photography et converse avec Greco en épilogue de son ouvrage.
Pour De Mutiis, la pratique s’inscrit dans ce qu’il nommerait la « post-photographie », et relève donc définitivement de la photographie, et peut être de l’art.
Alors, les photographes de jeu-vidéos sont-ils de véritables photographes le questionne Greco, puisqu’ils saisissent un monde conçu pas d’autres. « Ne pourrait-on pas dire la même chose de la photographie de rue ? », répond De Mutiis. « Ces photographes n’ont pas créé les sujets pris en photo : les objets, les gens, ni même l’architecture. »
Le livre Place(s) de Pascal Greco sortira le 17 novembre 2021 en France. Il est disponible en précommande.
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