« Sécurité globale »: Darmanin veut gagner la « guerre des images »
Même justification pour une autre disposition, moins médiatisée, mais qui concerne également cette bataille de l’image qui est menée place Beauvau: la diffusion sur les réseaux sociaux d’images filmées par les forces de l’ordre. Plus précisément, il s’agit de l’article 21 qui permettra “l’information du public sur les circonstances de l’intervention, dans le respect de la protection de la vie privée des individus filmés par les agents” via les images captées par les caméras piétons déployés sur les policiers.
“Communication politique”
L’objectif, assumé, est d’offrir le contre-champ d’une séquence montrant des affrontements qui serait abondement relayée sur les réseaux sociaux, comme ce fut le cas à de très nombreuses reprises durant la crise des gilets jaunes. Selon le député LREM Jean-Michel Fauvergue, ex-patron du Raid et rapporteur de ce texte, “l’enjeu est de se déniaiser” dans cette “guerre des images”. Pour les opposants au texte, cette mesure accompagnant les restrictions liées à la diffusion des images sur les réseaux sociaux ouvre la porte au monopole de la narration des faits par le pouvoir. “La police n’est donc plus uniquement chargée de protéger la population contre les infractions. Elle est aussi destinée à faire de la communication politique au même titre qu’un parti politique ou qu’un journal militant”, s’alarme l’association la Quadrature du Net. Des craintes partagées par le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme de l’Onu.
Sur les bancs de l’Assemblée nationale, cette volonté de renforcer la version policière lorsque des faits sont rendus publics est également critiquée. En commission, la députée insoumise Danièle Obono a estimé que ces dispositions permettront aux forces de l’ordre de diffuser un “discours de propagande gouvernementale”.
D’autres s’inquiètent du respect de la vie privée que cette mesure pourrait entamer, à l’instar du député non-inscrit Hubert Julien-Laferrière (rattaché financièrement à La République en Marche). Dans un communiqué diffusé lundi 16 novembre, l’élu du Rhône souligne que l’article 21 contrevient ”à la délibération du 8 décembre 2016 de la CNIL, qui avait rappelé l’importance que les images des caméras mobiles ne puissent être exploitées qu’a posteriori et pour les besoins exclusifs d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire ou dans le cadre d’une action de formation”. Autrement dit, que la vocation de ces caméras n’est pas de faire de la communication.
“Outils de riposte”
Or, faire de la communication, c’est bien l’orientation qui semble être prise au ministère de l’Intérieur. Ce qui ne dérange pas outre-mesure dans les rangs de la majorité. “Gérald Darmanin est avant tout ministre de l’intérieur, il joue ce rôle et je trouve qu’il le joue plutôt bien. Il a renforcé le discours régalien au moment où il y avait a minima un sentiment d’insécurité et où l’on avait besoin d’une parole forte. Il y a un enjeu de respect de l’autorité très important et il était essentiel de montrer aux forces de l’ordre ce respect. Là dessus, je pense qu’il est soutenu par l’Elysée”, indique le député LREM des Français de l’étranger Roland Lescure.
Outre les aspects controversés de la loi “Sécurité globale”, la tentation d’un contre-discours policier sur les réseaux sociaux est parfaitement assumée dans le Livre blanc sur la sécurité intérieure, rendu public ce lundi 16 novembre. Proposant de “réorganiser la communication du ministère de l’Intérieur”, le document de 330 pages qui servira de cadre à la loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure (LOPSI) en 2022, évoque le besoin de “renforcer le réseau territorial des communicants” pour mener à bien cette mission.
“La place aujourd’hui occupée par les réseaux sociaux suppose également une adaptation des services de communication des préfectures en y intégrant des communitymanagers. Les crises récentes, telle que celle des gilets jaunes ou encore liée à la COVID-19, ont obligé le réseau territorial à développer leur présence sur les réseaux sociaux”, détaille le Livre blanc, qui imagine “des outils de riposte” élaborés en prévision d’événements majeurs.
Et d’en lister quelques uns: « éléments de langage préparés en amont des crises, mise en place de bibliothèques de tweets afin de disposer d’éléments déjà préparés sur des thématiques récurrentes, fact checking en intervenant directement dans les conversations Twitter pour freiner au plus vite la propagation de fausses nouvelles”. Soit le prolongement de la philosophie des dispositions prévues par la loi “Sécurité globale”.
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