Un dispositif néanmoins insuffisant et qui rate sa cible, alertent plusieurs représentants syndicaux contactés par Le HuffPost. “C’est une catastrophe sociale en devenir. Je m’inquiète énormément. Il ne faut pas s’y tromper: quand on prend en compte l’ensemble des saisonniers en France leur nombre est proche de 2 millions, tous sont loin d’êtres concernés par les dispositifs de l’État et il y a des trous dans la raquette”, pointe du doigt Antoine Fatiga, représentant CGT de la branche saisonniers. Depuis près de trois semaines, il a recueilli plusieurs centaines de témoignages sur une adresse mail dédiée au soutien des saisonniers (sos.saisonniers@gmail.com).
Une aide trop difficile à obtenir
Alors que la ministre du Travail assure que 400.000 personnes, dont 70.000 jeunes devraient toucher cette aide, Éric Becker, secrétaire général FO des transports en charge des remontées mécaniques et des saisonniers, pointe comme Antoine Fatiga un coup de pouce qui arrive trop tardivement et dont les critères sont trop restrictifs. Selon le décret paru le 31 décembre au Journal officiel, les 900 euros seront versés dès le 5 février au titre des mois de novembre et décembre. “Cela veut dire que des gens attendent de manger depuis novembre!”, s’énerve Éric Becker. Ce lundi, il a bloqué avec une centaine de saisonniers l’entrée du tunnel de Fréjus dans les Alpes pour réclamer plus de soutien économique.
De fait, bénéficier de ces 900 euros nécessite de remplir un cahier des charges assez spécifique: pour être inscrit sur les listes de Pôle emploi, sur un ou plusieurs mois entre novembre 2020 et février 2021, il faut justifier d’une durée d’activité salariée d’au moins 138 jours entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019 (cette activité doit avoir été effectuée à 70% en CDD ou en intérim) et avoir des revenus inférieurs à 900 euros au cours du mois écoulé. Et si vous êtes indemnisé par Pôle emploi, l’indemnité journalière de ne doit pas dépasser 33 euros.
La mention de Pôle emploi est particulièrement problématique, explique Antoine Fatiga puisque de nombreux saisonniers ne s’inscrivent pas à Pôle emploi après des contrats. “Entre les heures supplémentaires et les congés payés, il y a une période de carence assez longue. Résultat, pour une grande majorité de saisonniers, ce n’est pas intéressant de s’inscrire à Pôle emploi”.
Enfin, les deux représentants syndicaux estiment que cette liste de critères exclut toute une partie de l’écosystème saisonnier: ceux qui étaient en fin de droit quand les décrets ont été signés, les primo-saisonniers, mais pas que. Si la plupart des saisonniers des remontées mécaniques vont bénéficier du chômage partiel, c’est loin de s’appliquer à l’ensemble des salariés temporaires de la montagne.
“Les remontées mécaniques, ce sont de grosses machines. Mais il y a aussi plein de saisonniers qui sont embauchés par des petites entreprises. On peut compter environ 120.000 saisonniers employés dans l’hôtellerie-restauration en station dans les Alpes, or près de 70% d’entre eux n’ont pas eu la chance d’être embauchés au chômage partiel et pour une grande partie n’ont pas droit à la prime de 900 euros”, assure Éric Becker.
Activité partielle ineffective
Si le gouvernement martèle aux entreprises du secteur que l’État prendra en charge 100% de la rémunération du saisonnier jusqu’au 15 avril, selon les deux représentants syndicaux, nombreuses sont celles qui n’ont pas joué le jeu. Antoine Fatiga estime à 40% le nombre de saisonniers qui n’ont finalement pas été embauchés.
C’est notamment le cas de Sophie, contactée par le HuffPost. Elle devait comme chaque année être embauchée en tant que secrétaire d’une école de ski. Mais son entreprise a finalement coupé court en expliquant qu’elle ne pouvait pas avancer le chômage partiel en attendant l’aide du gouvernement. “Du coup je suis inscrite au chômage, je touche des indemnités de 1000 euros donc je n’ai pas le droit à l’aide de 900 euros. Évidemment je ne suis pas dans le pire des cas, mais que va-t-il se passer au printemps et cet été quand je vais arriver en fin de droit et qu’on sera des dizaines à chercher des offres? C’est frustrant parce que je n’y suis pour rien si je ne peux pas travailler”, déplore-t-elle.
Pour Éric Becker et Antoine Fatiga, il est difficile pour des salariés précaires d’entamer les démarches contre un employeur qui n’aurait pas respecté une promesse d’embauche, encore plus quand ces dernières sont faites verbalement et sous réserve d’ouverture.
Les deux représentants syndicaux demandent également au gouvernement d’ouvrir le dialogue. “L’État a mis 400 millions pour le tourisme, sans rien demander en retour aux entreprises. Et maintenant la colère monte”, déplore Antoine Fatiga qui rappelle que les saisonniers ont plutôt “une moyenne d’âge autour de 30/35 ans et peuvent être sédentarisés avec des traites”. Lundi, en confirmant que les stations de ski ne rouvriraient pas de tout février, Jean Castex a annoncé un renforcement du plan d’aide aux acteurs de la montagne. Les premières pistes concernent essentiellement les entreprises.
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C’est vraiment décevant de voir que l’aide proposée aux saisonniers est jugée insuffisante et restrictive. Ces travailleurs sont essentiels pour la saison hivernale et méritent un soutien adéquat, surtout en ces temps difficiles. Les critères d’éligibilité semblent exclure une grande partie des saisonniers, ce qui risque d’aggraver la situation économique pour beaucoup d’entre eux. Il est temps que le gouvernement prenne des mesures plus inclusives pour aider tous ceux qui en ont réellement besoin.