Culture africaine : les événements de décembre 2024

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Culture africaine : les événements de décembre 2024

À Clermont-Ferrand, Vic-le-Comte, Asunción, Paris, Dakar, Miami, Abidjan, Yaoundé, Kampala, Kisumu, Casablanca, Accra, Lagos, Tunis, New York, Genève… que ce soit dans une salle ou à ciel ouvert, voici 21 événements culturels d’inspiration afro ou africaine à ne pas rater en décembre 2024. N’hésitez pas à partager vos événements culturels « incontournables » pour 2025 à l’adresse rfipageculture@yahoo.fr.

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« Documenter les futurs ? » Du 1er au 7 décembre, le Festival du cinéma documentaire à Clermont-Ferrand et Vic-le-Comte proposera 38 films en compétition. Une vingtaine de pays, y compris l’Ukraine, le Tadjikistan, la Géorgie, le Rwanda, les USA, l’Espagne, l’Italie, la Chine, le Maroc… seront représentés. Du 2 au 7 décembre, le Comité de l’UNESCO pour la protection du Patrimoine culturel immatériel tiendra sa 19e session ordinaire à Asunción, au Paraguay, où 63 éléments seront proposés pour inscription sur les Listes de la Convention par 90 États (avec le Rwanda, la Tunisie, l’Algérie, le Soudan, la Zambie, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Botswana). Du 4 au 8 décembre, la galerie Afriart présente lors de leur première à la foire Art Basel Miami Beach plusieurs artistes africains, y compris Sanaa Gateja. Né en Ouganda en 1950, il est décrit comme un « artiste visionnaire des techniques mixtes, reconnu pour ses talentueuses transformations de magazines de mode et de papiers glaces en perles complexes, préservant ainsi des fragments de textes et d’images comme archives de notre culture ». Par son imagination, Gateja redonne vie et sens aux matériaux comme le tissu d’écorce, le raphia ou la fibre de banane, naviguant entre installation, tapisserie et sculpture. Ses œuvres établissent « un lien plus intime entre la société et la communauté… tout en célébrant la beauté ».À lire aussiNEWSLETTER RFI CULTURE : Restez informé des meilleures reportages et réflexions sur l’actualité culturelle internationale sans oublier l’Afrique.À partir du 5 décembre, la galerie parisienne Christophe Person présente Sur le papier. Cette exposition collective met en avant des œuvres originales et expérimentales autour d’une multitude de techniques, réalisées par les artistes Ghizlane Sahli (Maroc), Wilfried Mbida (Cameroun), Fally Sène Sow (Sénégal), Tsham (RDC), Mamady Seydy (Sénégal), Paul Ndema (Ouganda), Mouss Black (Burkina Faso), Céleur Jean Hérard (Haïti).Du 5 au 8 décembre se déroulera l’édition 2024 du Festival International de Poésie des Sept Collines à Yaoundé. Un hommage à l’élégance et la vigueur de la poésie africaine sous le thème « Vers une démarche tradiporaine dans la création artistique », avec la participation de poètes venant du Sénégal, Bénin, Tchad, Togo, Rwanda et Cameroun.Du 5 au 8 décembre, la Dakar Fashion Week se présente comme « l’une des plus prestigieuses semaines de la mode africaine dans un cadre exceptionnel ». Un défilé exceptionnel, flamboyant de couleurs et de créativité, mettant en avant des créateurs de talent venus de l’ensemble du continent.

“Maid of honor” (2022), œuvre de l’artiste ougandais Sanaa Gateja exposée par Afriart Gallery du 4 au 8 décembre 2024 à Art Basel Miami Beach. Perles de papier sur tissu d’écorce, 205 x 98 cm. © Afriart Gallery

Les 6 et 7 décembre, la première édition du Salon Made in Africa Paris aura lieu. L’événement est centré sur la valorisation de l’innovation artisanale africaine avec des démonstrations de technologies modernes intégrées dans l’artisanat. Les visiteurs pourront explorer des expositions consacrées à la mode, aux bijoux et objets d’art, tous réalisés avec un savoir-faire traditionnel enrichi par des touches modernes et novatrices. Les 6 et 7 décembre, la septième édition de l’African Film Festival se tiendra à Kisumu, au Kenya. L’AFF se donne pour mission de promouvoir les nouvelles voix du cinéma africain tant sur le continent qu’au-delà. Du 8 au 10 décembre, la 3ᵉ édition du Festival International du Film des Droits de l’Homme à Lagos mettra l’accent sur le thème de la « résilience ». Grâce aux éditions précédentes, l’AIHRFF se positionne aujourd’hui comme « une plateforme majeure pour les cinéastes et les défenseurs des droits humains ». Jusqu’au 10 décembre, tous les artistes peuvent soumettre leur candidature pour la 10e édition du Prix RFI Talents du Rire, créé en 2015 par l’humoriste et chroniqueur Mamane, en partenariat avec Gondwana-City Productions, visant à célébrer les nouveaux talents de l’humour francophone en Afrique, dans l’océan Indien et les Caraïbes. RFI annoncera le nom du gagnant le mercredi 22 janvier. Le ou la lauréat(e) se verra remettre son prix le dimanche 23 février 2025 sur la scène d’Abidjan Capitale du Rire, ainsi qu’une récompense de 4 000 euros.À Kampala, Afriart Gallery Kampala présente en ce moment la rétrospective Henry ‘Mzili’ Mujunga – 25 ans : 1999-2024. Cette exposition met en lumière de nombreuses pièces inédites ainsi que ses précédentes explorations dans les domaines de la gravure, de la peinture en techniques mixtes et d’autres, témoignant de ses influences tirées de ses déplacements à travers l’Afrique et l’Europe.

“Oasis ponds” (2022), œuvre de l’artiste ougandais Sanaa Gateja exposée par Afriart Gallery du 4 au 8 décembre 2024 à Art Basel Miami Beach. Perles de papier sur tissu d’écorce, 161 x 152 cm. © Afriart Gallery

À Casablanca, African Arty propose une rétrospective d’« Abderrahmane Rahoule, figure incontournable de la scène artistique marocaine et internationale ». Sous le titre 60 ans de création – L’école de Casablanca entre héritage et transmission, la galerie présentera à partir du 12 décembre de nombreuses œuvres de cet artiste multidisciplinaire né en 1944 à Casablanca, reconnu pour son approche novatrice mêlant peinture, sculpture et réflexion théorique. Le festival Mantsina sur Scène à Brazzaville a annoncé son édition 2024 du 13 au 22 décembre. « Des artistes originaires du Congo et des quatre coins du monde, fortement impliqués à révéler un potentiel artistique inédit, offriront un spectacle de créativité éblouissante et de performances inégalées. »À Tunis, du 14 au 21 décembre, la 35ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage sera présidée par le cinéaste Férid Boughedir et coordonnée artistiquement par Lamia Belkaid. Dans le cadre du Festival Impatience, Cédric Djedje et la compagnie Absent·e pour le moment présenteront le 18 et 19 décembre au Centquatre de Paris Vielleicht. Ce rituel polyphonique et pluridisciplinaire explore la mémoire et la réparation du colonialisme à travers les mobilisations d’activistes berlinois pour renommer des rues honorant des colons tortionnaires. Un dialogue puissant entre le passé et le personnel « suivant la bataille qui dure depuis 40 ans menée par des associations africaines et afro-allemandes pour rebaptiser ces rues, résonnant de noms moins connus, issus de résistances anticoloniales noires ».Jusqu’au 22 décembre, les artistes dans les arts visuels, âgés de 18 à 40 ans et résidant en Afrique de l’Ouest peuvent postuler pour le prix Kuenyehia, d’une valeur de « 10 000 dollars, des fournitures artistiques, une formation et du coaching ». Le Kuenyehia Trust, basé au Ghana, cherche à soutenir les artistes dans leur recherche d’une stabilité financière rapide.

“Change 2” (2021), œuvre de l’artiste ougandais Sanaa Gateja exposée par Afriart Gallery du 4 au 8 décembre 2024 à Art Basel Miami Beach. Perles de papier. 265 x 300 cm. © Afriart Gallery

Le Metropolitan Museum of Art à New York propose actuellement une exploration multisensorielle de près de 150 ans de création artistique et culturelle : La fuite en Égypte : Les artistes noirs et l’Égypte ancienne, de 1876 à aujourd’hui. L’exposition retrace comment les artistes noirs, entre autres, ont envisagé l’Égypte ancienne à travers l’art visuel, la sculpture, la littérature, la musique, la recherche, la religion, la politique et la performance – du XIXe siècle à la Renaissance de Harlem, en passant par le Black Arts Movement des années 1960 et 1970 jusqu’à nos jours. La galerie Selebe Yoon à Dakar affiche en ce moment Dans le creux de la main, une exposition de Mélinda Fourn, artiste française et béninoise, lauréate de la Biennale de Biso à Ouagadougou en 2023, qui vit et travaille entre la France, le Ghana et le Sénégal. Ses bagues monumentales proposent une synthèse poétique de bijoux, conçus comme un condensé esthétique et social complexe. Jusqu’au 1er février, la galerie Cécile Fakhoury à Dakar expose Dègg naa tuuti Wolof (« Je comprends un peu le Wolof »). L’exposition de l’artiste sénégalaise et italienne Adji Dieye – qui vit et travaille entre Dakar au Sénégal, Milan en Italie et Zurich en Suisse – explore « les fondements de la notion d’archives, en relation avec l’histoire du Sénégal ». Ses sérigraphies forment un répertoire des gestes quotidiens et portent un intérêt particulier « à la manière dont l’action économique de certaines communautés et classes sociales influence la construction et la transformation de l’espace public ».En Suisse, Filafriques Gallery à Genève présente Stories from a Barn 2, une exposition centrée sur l’œuvre de Joseph Eze. Né en 1975, l’artiste nigérian rend hommage aux traditions et aux identités multiples à travers de personnages impressionnants et originaux, mis en valeur par des textures et matériaux dynamiques. Le musée Barbier-Mueller à Genève propose actuellement Boucliers d’Afrique, une immersion dans le monde fascinant d’objets provenant de plusieurs régions d’Afrique. « Véritables symboles de protection et de prestige, ces boucliers racontent une histoire riche à travers leurs diverses utilisations, guerrières, rituelles et sociales. »► Partagez-nous vos « incontournables » de la culture africaine en 2025 à l’adresse rfipageculture@yahoo.fr.

La chanteuse malienne Rokia Traoré sera extradée d'Italie vers la Belgique

ACTUALITÉS

Belgique reconnue coupable de crimes contre l’humanité au Congo colonial

L’État belge a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité pour le retrait forcé de cinq enfants métis de leurs mères dans le Congo colonial. Dans un jugement très attendu rendu lundi, la cour d’appel de Belgique a déclaré que cinq femmes, nées au Congo belge et maintenant dans la soixantaine, avaient été victimes de “kidnappings systématiques” de la part de l’État lorsqu’elles ont été retirées de leurs mères alors qu’elles étaient petites et envoyées dans des institutions catholiques en raison de leurs origines métisses. “C’est une victoire et un jugement historique”, a déclaré Michèle Hirsch, l’une des avocates des femmes, aux médias locaux. “C’est la première fois en Belgique et probablement en Europe qu’un tribunal a condamné l’État colonial belge pour crimes contre l’humanité.” Monique…

Pourquoi l'art moderne vietnamien rencontre-t-il un immense succès ?

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Pourquoi l’art moderne vietnamien rencontre-t-il un immense succès ?

Apparu il y a cent ans, l’art moderne vietnamien est issu de la combinaison des techniques asiatiques et occidentales pendant la période de l’Indochine française. Auparavant réservé à une élite asiatique riche, principalement vietnamienne, les œuvres de ce courant artistique remportent un succès croissant auprès du public occidental ces dernières années. Trois artistes, reconnus comme les précurseurs de cet art, se distinguent particulièrement : Lê Phô (1907-2001), Mai-Thu (1906-1980) et Vu Cao Dam (1908-2000).

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Le 12 novembre 2024, le tableau Mère et enfants devant le fleuve (1975) de Mai-Thu a été vendu à 1 091 000 euros à Nantes, alors que son prix était estimé entre 200 000 et 300 000 euros. Un record en France pour une œuvre d’art moderne vietnamien, mais pas une première à l’international. Depuis environ dix ans, les œuvres de ce courant artistique éveillent de plus en plus l’intérêt des amoureux de l’art. L’art moderne vietnamien prend forme dans un Vietnam sous statut de protectorat français. Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine de 1897 à 1902, lance d’importants projets économiques et d’infrastructures pour moderniser la colonie. Cependant, la Première Guerre mondiale éclate, entraînant un frein à ses ambitions. Les projets redémarrent en 1920, à un moment où le gouvernement colonial souhaite promouvoir l’éducation française dans ses colonies et renforcer les échanges culturels. C’est dans ce cadre que Victor Tardieu (1870-1937), artiste français et père de l’écrivain Jean Tardieu, propose la création de la première École des Beaux-Arts en Indochine. Le peintre français découvre le Vietnam en 1921 grâce au prix de l’Indochine, qui offre au lauréat un voyage aller-retour. Pendant six mois, il parcourt la colonie avant de s’établir à Hanoï. Dans la capitale indochinoise, il fait la connaissance de jeunes artistes vietnamiens, qui soutiennent la modernisation du pays par l’empire colonial. Parmi eux, Nguyen Nam Son (1890-1973), peintre autodidacte, devient son ami.

Lê Phô : « Femmes au jardin », Paris, 1969. Huile sur toile. Collection particulière. © Adagp, Paris, [2024]

Dans ce pays où le concept d’artiste n’existe pas, et où l’art est réduit à l’artisanat, les deux amis souhaitaient créer la première École des Beaux-Arts de l’Indochine (EBAI). Avec l’appui du gouvernement colonial, l’établissement ouvre ses portes en 1925. Cette école représente un tournant dans l’histoire artistique vietnamienne. « Il y a une transformation manifeste, car l’ensemble du système artisanal en place est redéfini. L’EBAI va introduire les techniques occidentales des beaux-arts qui deviendront plus tard la référence. Il y aura une occidentalisation de la société. Et le défi pour les pays concernés sera de préserver les traditions tout en forgeant une identité à travers cette occidentalisation », souligne Anne Fort, conservatrice des collections vietnamiennes au musée Cernuschi à Paris. Le renouveau de l’art vietnamien est en marche. Victor Tardieu nourrit de grandes ambitions pour l’EBAI. Sur le modèle de l’École des Beaux-Arts de Paris, il conçoit un programme d’excellence pour ses élèves futurs. La formation de cinq ans est sélective, avec un concours à l’entrée. Elle inclut les fondamentaux des techniques occidentales : le dessin académique, la perspective, le modelage, l’anatomie et la composition. À lire aussi NEWSLETTER RFI CULTURE : Restez informé des meilleurs reportages et réflexions de l’actualité culturelle internationale, sans oublier l’Afrique. Pour le directeur de l’école, cette base solide permet aux étudiants « de retrouver le goût authentique de la tradition vietnamienne, perdu par la longue domination chinoise puis occidentale – en s’inspirant du passé artistique […] pour servir de départ à des recherches novatrices – et de proposer aux élèves les outils nécessaires pour y parvenir. » Grâce à cette ligne de conduite, les élèves approfondissent leur connaissance de leur propre culture tout en intégrant l’art occidental. Ils sont formés à harmoniser la peinture sur soie et la laque, tradition asiatique, avec la peinture à l’huile, une pratique européenne. Ce mélange donne naissance à un style nouveau, spécifiquement « indochinois », plaçant l’art vietnamien dans la modernité.

L’excellence par la polyvalence. Soucieux de l’avenir de ses élèves, Victor Tardieu conçoit une formation variée pour maximiser leurs opportunités professionnelles. « À Paris, il existe deux écoles. L’une est axée sur les beaux-arts, l’autre sur les arts décoratifs. Le programme de l’EBAI combine les deux domaines, permettant ainsi aux étudiants d’être polyvalents à la fin de leur formation. Au Vietnam, le marché des beaux-arts est pratiquement inexistant ; par conséquent, en intégrant les arts décoratifs au programme, Victor Tardieu accroit leurs chances d’employabilité », explique Anne Fort. Victor Tardieu, directeur de l’école jusqu’en 1937, continue d’encourager ses élèves. « Il était proche d’eux, comme un père. Il les conseillait tant sur leur carrière que sur leur vie », décrit la conservatrice.

Mai-Thu : « Femme à sa coiffure », Nice, 1942. Couleurs sur soie. Collection particulière. © Comité Mai-Thu, ADAGP Paris, [2024]

L’aventure française des trois pionniers. Au fil des promotions, l’EBAI a permis l’émergence de nombreux talents, parmi lesquels Lê Phô (1907-2001), Mai-Thu (1906-1980) et Vu Cao Dam (1908-2000), considérés comme les grands maîtres de l’art moderne vietnamien. Au cours de la période entre 1931 et 1937, les trois amis partent pour la France après avoir obtenu leur diplôme. Leur travail est mis en avant en Europe grâce au soutien de Victor Tardieu. Ils participent, entre autres, à l’Exposition coloniale de 1931 et à l’Exposition universelle de 1937, qui se tiennent au Bois de Vincennes. Les critiques sont élogieuses. Leurs œuvres séduisent par la diversité des supports, techniques picturales et styles, alliant influence asiatique et occidentale. Mais la Seconde Guerre mondiale commence peu après leur arrivée en France. Lê Phô et Mai-Thu s’engagent dans l’armée française de 1939 à 1940. La période post-guerre est peu propice aux commandes. « Ils ont connu des moments très difficiles financièrement. Ils n’arrivaient plus à régler leurs factures », raconte Anne Fort. Le destin des trois amis est marqué par les guerres. D’abord celle de leur pays d’accueil, puis celle de leur terre natale. Le Vietnam traverse deux guerres consécutives pendant trente-six ans, anéantissant tout espoir d’y retourner pour s’y établir. En émigrant en France, les trois amis ignoraient qu’ils quittaient définitivement leur patrie. Tout au long de leur parcours, ces artistes explorent divers styles pour s’adapter aux tendances. Ils se distinguent sur la scène parisienne par leur travail de peinture sur soie, qui met en scène un Vietnam idéalisé. Vu Cao Dam, spécialisé dans la sculpture, réalise au début de sa carrière des bustes pour des personnalités de renom telles que Maurice Lehmann, Paul Reynaud et Hô Chi Minh. Mai-Thu et Lê Phô préfèrent la peinture sur soie en représentant principalement des femmes et des scènes familiales. À partir des années 1960, les carrières des trois artistes prennent un tournant durable. Lê Phô et Mai-Thu signent un contrat avec le galeriste américain Wally Findlay en 1963, leur permettant de bénéficier d’une certaine visibilité à l’international. Vu Cao Dam, de son côté, collabore exclusivement avec le galeriste Jean-François Apesteguy à partir de 1958.

18 Vu Cao Dam posant à côté de sa sculpture « Femme nue », Hanoï, 1930. © Archives Vu Cao Dam, Majorque

Une popularité liée à la croissance économique. Autrefois oublié, l’art moderne vietnamien connaît un regain d’intérêt depuis les années 1990. « À la fin du XXe siècle, les œuvres d’art vietnamiennes ont commencé à apparaître dans les ventes aux enchères internationales à Paris, Singapour et New York. Depuis 2008, lorsque les ventes d’art d’Asie du Sud-Est ont été déplacées à Hong Kong, le public acheteur d’art vietnamien s’est élargi, passant de l’Asie du Sud-Est à Taïwan, Hong Kong et la Chine continentale, favorisant ainsi l’internationalisation de l’art vietnamien », explique Liting Hung, experte en peinture asiatique chez Sotheby’s. Cette expansion coïncide avec le développement économique du Vietnam, qui « a vu l’émergence d’une nouvelle génération de collectionneurs. Ceux-ci manifestent un fort intérêt pour les œuvres qui reflètent l’identité culturelle vietnamienne, contribuant à alimenter l’essor de l’art moderne vietnamien sur la scène internationale », ajoute l’experte. Actuellement, les œuvres des trois grands maîtres atteignent des prix dépassant les attentes. Après leur émigration en France, les trois artistes n’ont pas retourné vivre au Vietnam, « ce qui rend leurs œuvres extrêmement rares dans les collections locales, augmentant ainsi leur valeur sur le marché ». Ainsi, en 2017, Lê Phô devient le premier artiste vietnamien à atteindre le million de dollars pour une œuvre. Lors d’une vente chez Sotheby’s Hong Kong, son œuvre Family Life (1937-1939) fut adjugée à 1,2 million de dollars. Au-delà des salles de vente aux enchères, l’art moderne vietnamien se développe progressivement au-delà du cercle restreint des amateurs d’art pour capter un public plus large, notamment dans les musées. Ainsi, en 2021, le musée des Ursulines de Mâcon a proposé une rétrospective dédiée à Mai-Thu, tandis que le musée Cernuschi à Paris présente actuellement une exposition spéciale consacrée à Lê Phô, Mai-Thu et Vu Cao Dam, jusqu’au 9 mars 2025.

Virginia Tangvald s'immerge dans l'histoire tumultueuse de son père marin.

CULTURE

Virginia Tangvald s’immerge dans l’histoire tumultueuse de son père marin.

Née en mer en 1986, Virginia Tangvald a grandi au Canada. Après avoir passé plusieurs années dans le domaine musical, elle s’est tournée vers la réalisation. Les Enfants du large constitue son premier ouvrage. Ce roman s’inspire de sa propre famille et de son père, Peter Tangvald, navigateur dont la vie a été fréquemment assombrie par la mort. Un livre au caractère profondément littéraire.

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«Les enfants du large», par Virginia Tangvald. © JC Lattès

« Virginia a vu le jour sur le bateau que son père, Peter Tangvald, un aventurier renommé ayant réalisé plusieurs tours du monde, avait construit. Elle n’a cependant aucun souvenir de lui : sa mère l’a emmenée avec elle lorsqu’elle n’était qu’un bébé, avant que son père ne périsse dans un naufrage qui entraînera également la mort de sa sœur. Son frère, unique survivant, continuera à naviguer jusqu’à disparaître à son tour en mer. À partir de cette histoire de quête de liberté, de vagabondage et de perte, Virginia réunit les morceaux éparpillés à travers les quatre océans dans un premier roman éblouissant. Une recherche familiale pour déjouer le destin, combler les lacunes des archives et affirmer son identité. Une odyssée prenante, allant de l’île de Bonaire à Porto Rico, en passant par Toronto et la Norvège, où l’auteure embarque le lecteur sur les traces de ses ancêtres pour se retrouver elle-même. Un hommage à ce pouvoir des mots : figer des vies entre deux eaux. »Présentation des éditions JC Lattès

CULTURE

Barbès Blues : Histoire de l’immigration Maghrébine à Paris

Hajer Ben Boubaker est une chercheuse indépendante et documentariste, reconnue pour ses travaux primés par l’UNESCO. En septembre, elle a publié son premier livre, intitulé “Barbès Blues – Une histoire de l’immigration Maghrébine à Paris”. Cet ouvrage se penche sur l’histoire des immigrés maghrébins à Paris, de leur arrivée au début du XXe siècle jusqu’à la fin des années 1980, tout en explorant les rues de la capitale. Dans une interview, elle a évoqué l’impact culturel de cette immigration, son attachement au quartier de Barbès, la fermeture du célèbre Tati, symbole du lieu, et les transformations profondes de la ville de Paris.

Hajer Ben Boubaker a expliqué comment elle est passée d’une étude sur la musique à une exploration sociologique de l’immigration maghrébine. Après avoir travaillé sur l’histoire et la diffusion des musiques arabes en France, elle a constaté des interactions avec la sociologie quotidienne de cette communauté. Ses recherches à l’échelle locale l’ont amenée à créer une cartographie plus complète de Barbès, et elle a pu élargir son étude grâce à un documentaire réalisé pour France Culture sur le Mouvement des Travailleurs Arabes, qui a mis en lumière les luttes pour les droits des immigrés.

Pour la collecte des témoignages, elle a exploré une grande diversité de sources, allant des archives policières aux archives militantes, en passant par les musiques et les archives sonores de l’INA. Sa démarche a été riche et minutieuse, impliquant des années de recherche pour retrouver des militants et les convaincre de partager leur expérience.

Dans “Barbès Blues”, l’auteure fait preuve d’une grande capacité à mélanger les genres littéraires, créant une narration qui, bien que fondée sur des faits vérifiés, témoigne également d’une dimension romanesque. Elle a tenu à préserver les voix des personnes interviewées, en leur laissant la liberté de s’exprimer sans correction, ce qui illustre leur authenticité et leur vécu.

En discutant des cafés, elle souligne leur importance pour les immigrés maghrébins, évoquant comment certains ouvriers ont pu acheter et gérer des cafés, souvent en reprenant ceux laissés par des Auvergnats. Des Kabyles ont eu un rôle significatif dans la gestion de ces établissements, transmettant ce savoir à leurs enfants.

Hajer Ben Boubaker note que le paysage parisien a drastiquement changé au fil du temps, et même si elle reconnaît qu’il n’est pas forcément négatif que les quartiers soient moins prolétaires qu’auparavant, elle critique la spéculation immobilière qui a chassé les personnes moins favorisées de la ville. Paris, autrefois un bastion ouvrier, est désormais devenue une ville de plus en plus chère et bourgeoise.

Elle choisit d’intituler son livre “Barbès Blues” car ce quartier est intimement associé à la communauté maghrébine, qui s’y est fortement implantée sur les plans commercial, politique et culturel. Barbès est reconnu bien au-delà de ses frontières, et cet ouvrage lui rend hommage.

Enfin, concernant le Tati de Barbès, elle évoque son rôle historique dans la mémoire collective des immigrés et sa signification dans le cadre des responsabilités familiales, tout en notant une baisse de fréquentation de cet établissement face à l’augmentation des prix et à la réduction des offres disponibles.