Du boucan dans les bas-fonds
La mysophilie désigne l’attirance qu’une personne peut avoir pour les êtres et les choses souillées. Alors que notre société a trouvé un saint exutoire aux angoisses du temps dans la décoration d’intérieur hygge, dans le food-porn en feed ininterrompu et hypnotique ou dans les sonorités amniotiques de l’ASMR, il existe encore dans nos villes un certain nombre de ces mysophiles qui ne peuvent se satisfaire des salutaires distractions qu’offre le monde moderne. La dégénérescence congénitale de ces individus les pousse à se retrouver, lorsque la nuit tombe sur la ville et que les cafards émergent de dessous les dalles humides, là où l’influence bienfaitrice de la civilisation peine encore à vaincre les fléaux criminogènes de nos grands centres urbains. C’est sous le pont de la gare du midi, là où mendient les indigents et où une faune bigarrée scrute, un surin dans chaque poche, l’occasion de dépouiller l’honnête travailleur égaré, que se rassemblait donc ce week-end de printemps* une foule interlope de skinheads et de blousons noirs. Le prétexte à ce sabbat ? Un déchaînement de violence rituelle au son abrutissant d’instruments distordus. Si la sonorité de cette « musique » est impossible à décrire, il suffira de prendre connaissance des noms de ces formations pour constater le caractère dépravé de la manifestation : Force, Tesson, Asphalt, Crucified, Lawful Killing et même… Rixe ! Il me fallut bien du courage et tout ce que je possède d’opiniâtreté journalistique pour supporter ce navrant spectacle trois soirs de suite. Le déchainement de rage animale qui s’emparait de la foule dès que les tams-tams et les borborygmes hurlés au micro commençaient avaient bien de quoi faire frissonner les plus aguerris des ethnologues. Les clichés que j’ai pris, s’ils n’honorent certes pas l’humanité, serviront, je l’espère, la psychiatrie et la prophylaxie sociale. En attendant…