Soulèvement aux États-Unis : de l’antiracisme au socialisme ? | Nicolas Martin-Breteau
Spécialiste de l’histoire des États-Unis, Nicolas Martin-Breteau revient sur la vague de protestation déclenchée par le meurtre de George Floyd. La mobilisation, qui est puissamment soutenue par le mouvement Black Lives Matter né en 2013, a un recrutement dans la population et une portée politique beaucoup plus larges que n’en ont d’habitude les émeutes régulièrement déclenchées, depuis très longtemps, par le racisme que subissent les Noirs au “pays de la liberté”. Se trouve remis en cause l’ensemble du système économique et social états-unien, caractérisé par les inégalités radicales et le dénuement où se trouve reléguée une grande partie de la population (noire, mais pas seulement loin de là). Les émeutes qui ont suivi le meurtre gratuit de George Floyd par des policiers de Minneapolis le 25 mai dernier pourraient n’être qu’un épisode de plus du cycle violence policière / émeutes / répression (avec, en particulier, intervention de la Garde nationale) / retour à la normale de l’ordre raciste – un cycle caractéristique de l’histoire des Afro-américains aux États-Unis depuis toujours (voir par exemple les émeutes de Watts en 1965 ou de Los Angeles en 1992). Nicolas Martin-Breteau, interviewé par Julien Théry, explique cependant que la configuration du mouvement actuel est bien différente et nouvelle à de nombreux égards. Déjà, depuis 2013 et l’acquittement de l’assassin du jeune Trayvon Martin, le mouvement Black Lives Matter avait rompu avec le cycle ordinaire en se maintenant dans la durée, en recrutant dans des milieux sociaux et ethnico-raciaux très larges, pas exclusivement noirs, et en faisant porter ses revendications non seulement sur les discriminations contre les minorités, mais aussi sur la question sociale dans son ensemble. Le mouvement consécutif à la mort de George Floyd est aussi très largement le fait des autres minorités ethnico-raciales et des Blancs. Il remet en question l’ordre économique…