Comment j’ai été happé par le mouvement « red pill », avant d’en sortir
Levez-vous de bonne heure, brossez-vous les dents, entretenez votre corps. Prenez soin de vous, ne laissez pas votre bonheur dépendre de quelqu’un d’autre. Parcourez le monde avec confiance, ça vous rendra plus attirant aux yeux de potentielles partenaires. OK, personne ne pourra dire que ce ne sont pas de bons conseils. Sauf que sur les forums red pill, ces conseils s’accompagnent souvent de messages de haine – envers les femmes, les minorités, les personnes trans, etc. Si vous êtes parvenu·e, je ne sais comment, à utiliser Internet sans jamais tomber sur ce genre d’idées toxiques, le « red-pilling » fait référence au processus qui consiste à « prendre conscience de la véritable nature du monde » : à savoir que les hiérarchies sociales sont naturelles et justifiées et que – surprise, surprise – les hommes blancs cis et hétéros sont censés diriger le monde. Le terme est tiré du film Matrix (1999), dans lequel le protagoniste Neo se voit offrir le choix entre la pilule bleue et la pilule rouge. La première lui permettrait de vivre dans un monde agréable, mais fake, la seconde de voir « la vérité », d’« ouvrir les yeux ». Ironiquement, les réals Lilly et Lana Wachowski, qui ont fait leur transition de genre par la suite, voulaient que l’histoire représente cette révélation où l’on prend conscience qu’il est possible d’exister en marge de la binarité de genres. Cependant, au début des années 2010, des communautés d’extrême droite ont commencé à s’approprier ce concept afin de diffuser leur idéologie alt-right sur le net, faisant exploser le mouvement dans la période précédant l’élection de Donald Trump, entre 2015 et 2016. Depuis lors, le red-pilling n’a pas faibli – d’Elon Musk à Andrew Tate, des misogynes influents continuent de légitimer ces idées et répandent encore davantage cette haine à travers le web. Se faire happer…