Le confinement m’a fait haïr mes voisins et toute idée de vie en communauté
L’expression “vie en communauté” a toujours raisonné en moi comme un abîme. Symbolisée par une promiscuité permanente et des « Ça vous dit on fait une liste des repas pour la semaine ? », le vivre ensemble m’apparaît davantage comme une crise hémorroïdaire qu’un coucher de soleil sur l’océan Pacifique. Cela est encore plus vrai quand on habite une ville où s’entassent 20 000 personnes au kilomètre carré. Le bruit des camions de livraison en sur-régime, les insultes des chauffeurs de taxi qui fusent depuis les habitacles et l’inquiétante quantité de Français qui écoutent de la musique sur le haut-parleur de leur téléphone rendent la ville inhospitalière. Selon une enquête, Paris serait la neuvième ville la plus bruyante au monde. Heureusement, il existe un échappatoire, un refuge, une arche où l’on peut a priori vivre coupé des autres : son logement. Jusque-là, mon appartement parisien coûtant tous les mois le prix d’une 206 d’occasion revêtait au moins la qualité de havre de paix. Face au monde extérieur, je savais qu’une fois la porte claquée, personne ne pouvait venir troubler ma quiétude. Il y avait bien quelques bruits, mais rien comparé à l’extérieur. Sur ce point, le début du confinement était jouissif puisque je passais plus de temps au calme chez moi que dans la rue où les gens urinent entre deux alertes Vinted. Je pensais profiter de mon intérieur parfaitement aspiré et rangé au milieu de deux millions d’habitants et autant de voitures. Enfin, c’est ce que je croyais. Car alors qu’un élan de solidarité s'était créé sous forme d’applaudissements à l’heure du dîner, les Français confinés ont progressivement glissé vers ce qu’ils savent faire de mieux : être insupportables. J’ai toujours été une personne calme et raisonnée. Je n’élève jamais la voix, je ne m’énerve que contre mon ordinateur…