CULTURE

Découvrir The Vaccines le cœur brisé sur la côte anglaise

L’auteure évoque son cheminement après une rupture difficile, marquée par un ennui dans sa précédente relation. Dans sa quête de foi et de solitude, elle décide de quitter son ancien domicile, de voyager et d’explorer de nouvelles expériences. À Brighton, elle savoure des moments de solitude tout en se confrontant à ses émotions complexes et à sa solitude affective. Ses rencontres, notamment avec Toby, lui permettent de redécouvrir des plaisirs simples et de se reconnecter aux autres. Par un processus de rétablissement incluant des concerts en solo et des réflexions sur l’après-rupture, elle apprend à naviguer entre chagrin et renaissance personnelle.

MEDIA

Le Cinéma du Média #10. Éclairage pour Virgil Vernier

Le prénom de Virgil Vernier ne résonne probablement pas pour la majorité des abonné.e.s du Média. Il est fort à parier qu’Orléans, Andorre, Sophia Antipolis ou les Mercuriales ne sont perçus que comme des lieux et non comme les titres de quelques films français les plus uniques des dix dernières années. Le dernier mentionné, réalisé en 2014 et nommé d’après les tours jumelles de Bagnolet, allie particulièrement documentaire et fiction avec une certaine grâce désinvolte. Ce mercredi, le troisième long-métrage de ce cinéaste âgé de 48 ans a été dévoilé. Il est d’une beauté indéniable : c’est donc une occasion idéale de le découvrir. Chacun est déjà célèbre sans pour autant être reconnu de tous, chaque élément scintille pour des regards qui ont perdu la capacité d’être émerveillés, et tout le monde aspire à une renommée à la fois inaccessible et déjà atteinte.

Virgil Vernier est peut-être plus connu des amateurs de cinéma, surtout ceux qui fréquentent les festivals. Toutefois, cela reste incertain. Ce n’est pas tant que la célébrité lui ait échappé jusqu’à présent, mais plutôt que V.V. ne semble pas la rechercher. Quelle étrange pensée. Pourquoi n’irait-il pas à sa quête ? Pourquoi Vernier s’aliénerait-il de ce que bon nombre de ses collègues désirent ardemment ? Parce que son art s’y oppose et que la cohérence demeure une valeur pour lui. Chez lui, tout le monde est déjà célèbre sans être pour autant reconnu, chaque élément brille pour des regards qui ne sont plus éblouis, et tous cherchent une notoriété à la fois hors de portée et déjà acquise.

Le titre de ce film récent ne dit rien de différent. Cent mille milliards, ou comme indiqué sur l’affiche : 100 000 000 000 000. Ce chiffre astronomique fait référence à la fortune qu’un jeune homme aux cheveux frisés et à la fine moustache, nommé Afine, rêve de constituer un jour. Afine est escort à Monaco, où il soupire entre deux rendez-vous, et peut-être – hypothèse envisageable – encore plus durant ces rencontres. Ce 1 suivi de quatorze 0 représente également un autre sens : il évoque le système binaire du numérique devenu, si ce n’est la règle du monde, un principe de codage indissociable de la réalité même du cinéma.

Un tel montant génère beaucoup d’argent. Même pour Elon Arnault ou Jeff Bolloré. En revanche, cela produit peu d’images. Ou en revanche, c’est un chiffre qui, tel qu’affiché, commence à prendre la forme d’image alors que, du point de vue strictement financier, il ne signifie plus grand-chose. Même pour Bernard Musk ou Vincent Bezos. Quoi qu’il en soit, une telle disproportion est au centre de Cent mille milliards. Un écart à la fois immense et difficile à saisir.

Vernier suit Afine pendant la période des fêtes. Partout où ses pas et ses affaires le mènent, le gigolo découvre les illuminations de la principauté. Il admire les néons et décorations de Noël, aperçoit les éclairages des palaces et yachts, et s’arrête devant les vitrines. Mais il mesure également combien ces scintillements ne lui sont offerts que pour mieux lui refuser ce qu’ils symbolisent. Ou plutôt, il ne peut pas se le permettre. Car cela scintille partout, tant dans les avenues que dans les appartements, au loin et à proximité, dans le ciel et sur les tables de nuit. Une omniprésence si forte – et si douce aussi – qu’elle pourrait convaincre Afine qu’il a une place légitime dans cet univers fascinant. Comme si, devenue autosuffisante, la lumière n’était plus que son propre reflet et non celui de l’argent, du capital ou du succès.

Le cinéma de Virgil Vernier est un cinéma modeste, où le désir de richesse ne semble pas le tourmenter. Cent mille milliards a coûté un peu moins que le chiffre qui lui donne son titre, soit seulement 300 000 euros, un montant bien inférieur au budget moyen d’un long métrage en France. Il est clair que Vernier ne comprend pas pourquoi il devrait se démener pour obtenir plus d’argent et rassembler un casting plus prestigieux. Il ne voit aucune raison valable de s’acharner pour créer un film plus conforme aux normes commerciales, lorsque tout ce qu’il a à faire est de lever les yeux autour de lui pour découvrir un monde – le nôtre – où le cinéma domine. Sinon, le cinéma : la lumière et ses reflets, les miroirs et leurs illusions, les écrans et les pixels, les 0 et les 1. Encore faut-il avoir les yeux pour le voir – ce qui n’est pas le cas de tous les cinéastes – ce monde qui brûle mais ne réchauffe pas, où il est possible de mener une vie modeste tout en prenant un Uber avec des vitres teintées, où chacun se pavane, frime, se rêve star et, d’une certaine façon, l’est. À quoi bon ajouter une valeur supplémentaire, une plus-value cinématographique à tout cela ? L’effet produit pourrait-il en être autre que redondant, voire indécent ?

Sur cette réalité à la fois envoûtante et fade, Vernier exerce un regard qui n’insiste pas, un regard absent, curieux sans doute, mais surtout indifférent. Cent mille milliards avance en toute discrétion, sans un cri. Ses personnages sont un peu comme Vernier, ils reflètent son regard. Là, ils semblent épuisés. Il y a Afine, un jeune homme affable mais taciturne, joué par Zakaria Bouti, un jeune premier recruté dans une boîte de nuit. Il y a sa bande d’amis, travailleurs et travailleuses du sexe comme lui, qui l’abandonnent pour – normal – aller fêter Noël à Dubaï. Il y a une baby-sitter d’origine serbe (Mina Gajovic) et la petite fille riche, Julia (Victoire Song), qu’elle garde pour les vacances. Afine se joint à elles, moyennant finance, pour quelques jours. Tous s’ennuient et rêvent d’un avenir meilleur. Vernier ne cache pourtant à aucun moment : les riches – à commencer par les client.e.s d’Afine – s’ennuient également. Ils ont simplement mieux appris à le dissimuler.

Cent mille milliards n’est pas seulement sous le signe du conte, il est également imprégné d’un ensemble de croyances occultes, superstitions et de circulation des énergies, prémonitions et projets d’avenir, espoirs de succès et pressentiments de catastrophe imminente.

À l’instar d’Anora, la Palme d’Or de Sean Baker, Cent mille milliards traite du sexe et de son travail. Comme Anora, son récit, ouvert par la voix de Julia évoquant des diamants et des châteaux, se tourne vers le conte. Comme Anora, Julia arbore du rouge – Victoire Song pourrait d’ailleurs être la petite cousine ou la sœur cadette de Mickey Madison. La ressemblance s’arrête là. Baker se concentre sur la visibilité du sexe et du travail. Vernier, lui, privilégie l’inactivité – accusation souvent proférée à l’encontre d’Afine, qualifié de « dormeur » – et écarte du champ de vision toute esquisse d’étreinte. C’est que Baker souhaite encore croire en la possibilité de saisir une réalité extérieure à l’image et à ses illusions, alors que pour Vernier, les jeux de lumière – l’interminable succession de 0 et de 1 – suffisent à exprimer toute la richesse et la pauvreté de cette réalité, toutes ses promesses et toutes ses trahisons.

Cent mille milliards ne se limite pas à l’univers du conte ; il est aussi peuplé d’un ensemble de croyances occultes, superstitions et de circulation des énergies, prémonitions et projets d’avenir, vœux de réussite et pressentiment d’une catastrophe imminente. Tout semble être devenu fétiche. Tout a l’apparence d’une proximité ou d’une imminence que chacun pense pouvoir effleurer et qui, pourtant, demeure infiniment insaisissable comme un reflet. Ce film d’une facture très sobre, presque neutre, s’avère être un vrai mystère. Parmi ces marques de simplicité voisine de l’énigme, on trouve ces plans qui présentent l’heure sur une horloge à diode, un réveil, l’enseigne clignotante d’une pharmacie. Un instant, il est 21:21. Un autre, 22:22. Encore un autre, 23:23. Superstition toujours. Talisman. Magie, maléfice des chiffres. Le terme suivant de la série est aisé à deviner, sauf que 24:24 est une heure qui n’existe pas, ou à peine. Cette heure difficilement envisageable est pourtant bien celle que Cent mille milliards parvient à donner. Heure juste, la nôtre, pour quelques semaines encore – la fin de l’année approche et il faudra bientôt dire 25:25 –, tout en étant l’incarnation d’un monde qui, bien que n’évoluant plus, s’entête à tourner sans relâche, ad libitum.

Cent mille milliards. Film français de Virgil Vernier (2024). Avec Zakaria Bouti, Victoire Song, Mina Gajovic. Durée : 1h17.

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