Quel est le plan du cabinet de Donald Trump pour l’Amérique
Matt Gaetz a “été à Washington pour tout brûler”, déclare l’écrivain de la rédaction Dexter Filkins. “Et il a été remarquablement réussi.”
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Fitbit, la prestigieuse société spécialisée dans les dispositifs connectés, introduit un programme d’expérimentation prometteur. Nommé « Sleep Labs », son but est clair : vous aider à mieux appréhender et optimiser votre sommeil.
Sleep Labs propose une évaluation détaillée de vos cycles de repos. Cette fonctionnalité, actuellement à l’essai, n’est pas encore ouverte à tous. Fitbit a intégré un outil d’analyse baptisé « Sleep Insights and Tips », qui est facultatif pour les utilisateurs. En visitant l’onglet « Vous », les utilisateurs peuvent examiner les diverses options disponibles dans les Fitbit Labs. Une autre fonctionnalité, dénommée « Insights Explorer », devient également plus accessible.
Les Sleep Labs incluent un journal du sommeil quotidien. Ce journal nécessite de répondre à un questionnaire de deux minutes. Vous y trouverez des questions à choix multiples ainsi qu’une question ouverte. Cela permet de consigner tout élément susceptible d’affecter votre sommeil, tel que le stress, la dépression ou les habitudes alimentaires.
Après avoir complété l’enquête, une IA générative examine vos réponses. Elle utilise un modèle de langage sophistiqué pour générer un « résumé quotidien ». Ce dernier est consultable sur l’écran dédié aux statistiques du jour. Il révèle des tendances clés pour améliorer vos habitudes de sommeil. L’IA vous signale également les comportements à éviter pour garantir un sommeil de qualité.
Si vous tenez quatre journaux quotidiens, Fitbit vous fournira un récapitulatif hebdomadaire. Ce résumé met en évidence les tendances de votre sommeil sur une période de sept jours. Vous recevrez également des recommandations personnalisées pour perfectionner votre repos. En outre, Fitbit propose des missions spécifiques à réaliser. Ces conseils sont basés sur les données de votre journal, afin de favoriser de meilleures pratiques nocturnes.
Pour le moment, Sleep Labs demeure une fonctionnalité expérimentale. Fitbit n’a pas encore communiqué sur sa disponibilité à grande échelle. Toutefois, l’idée d’un suivi du sommeil assisté par l’IA suscite déjà un vif intérêt. Les montres intelligentes fournissent des informations précieuses, et l’analyse générée enrichit l’expérience utilisateur.
Des fonctionnalités de ce type soulignent l’importance cruciale du sommeil. Un sommeil de qualité affecte directement votre productivité et votre bien-être. Être en mesure d’identifier les facteurs qui altèrent le sommeil grâce à l’IA constitue une avancée significative.
Des influenceurs générés par l’IA à partir d’images volées de créateurs de contenu pour adultes de la vie réelle inondent les réseaux sociaux.
Gisèle Pelicot a renoncé à son anonymat pour mettre le viol facilité par des drogues sous les projecteurs, et ses expériences de violence sexuelle ont choqué le monde. Que savons-nous d’autre sur ce crime des plus cachés ?Magistrate et cadre des ressources humaines dans la cinquantaine avancée, stable, célibataire, sans fréquentations ni activité sexuelle, Jo sentait que son risque de devenir victime de viol était passé, ou était certainement faible – et que le viol facilité par des drogues, en particulier, était quelque chose qui arrivait aux jeunes, dans les clubs, lors de fêtes, « sur les applis ». Lorsqu’il lui est arrivé il y a deux ans, c’est son fils adulte qui a dû en faire le sens, et expliquer pourquoi elle s’était réveillée nue à côté d’un homme pour lequel elle n’avait aucun sentiment, du sang sur le lit, une douleur entre les jambes, sa mémoire de cette nuit étant un espace vide.Son violeur était quelqu’un qu’elle connaissait depuis le secondaire, un ancien camarade de classe qu’elle n’avait pas vu depuis leur dernier A-level, jusqu’à cette semaine de novembre 2022. À un moment donné, il avait émigré et s’était ensuite reconnecté avec Jo (ce n’est pas son vrai nom) via Friends Reunited. Ils échangeaient des messages une fois par an autour de leurs anniversaires, qui sont proches l’un de l’autre. C’était le seul contact qu’ils avaient jusqu’à ce qu’il prenne contact pour dire qu’il était de retour pour rendre visite à sa famille, et que dirait-elle d’un café ? Continue reading…
L’enquête des Communes sur la montée du contenu nuisible sur les réseaux sociaux devrait également convoquer les dirigeants de Meta et TikTokLes députés doivent convoquer Elon Musk pour témoigner sur le rôle de X dans la propagation de la désinformation, dans le cadre d’une enquête parlementaire sur les émeutes au Royaume-Uni et l’augmentation du contenu IA faux et nuisible, a appris le Guardian.Des dirigeants de haut niveau de Meta, qui gère Facebook et Instagram, ainsi que de TikTok devraient également être appelés à répondre à des questions dans le cadre d’une enquête de la commission des sciences et de la technologie des Communes sur les réseaux sociaux. Continue reading…
Les juges ordonnent aux procureurs de retirer ou de modifier l’accusation contre l’auto-proclamé « influenceur misogyne »Un tribunal en Roumanie a statué que l’une des affaires des procureurs publics contre l’auto-proclamé « influenceur misogyne » Andrew Tate comporte de nombreuses irrégularités et leur a ordonné de la modifier ou de la retirer dans un délai de cinq jours.Dans un revers pour l’unité de poursuite anti-crime organisé du pays, Diicot, la cour d’appel de Bucarest a déclaré mardi qu’elle « considérait certaines des objections de la défense comme valables » et avait trouvé plusieurs défauts dans l’accusation. Continue reading…
Est-il vrai qu’environ 1 925 écoles primaires pourraient être prochainement supprimées en France ? Ce tableau est en tout cas clairement établi dans un rapport élaboré au printemps dernier par deux inspections ministérielles. Dans le cadre d’une « révision des dépenses », elles suggéraient alors « une méthode pour rationnaliser la distribution des ressources » face à une diminution du nombre d’élèves.
Ces « révisions des dépenses » représentent un exemple typique de la manière dont les autorités appréhendent les services publics. Ceux-ci, souvent perçus comme onéreux, sont régulièrement poussés à se réorganiser et, autant que possible, à fusionner pour réaliser des économies. « Cette approche s’inspire du “nouveau management public” des Etats-Unis, par lequel des pratiques de gestion issues du secteur privé sont appliquées au secteur public, telles que l’optimisation des coûts via des tableurs Excel », souligne le géographe François Taulelle, qui a récemment coordonné, avec Thibault Courcelle et Ygal Figalkov, un ouvrage saisissant sur ce sujet.
Cette transition, qui a marqué les politiques publiques depuis les années 1990, a connu une accélération durant la présidence de Nicolas Sarkozy, notamment grâce à sa révision générale des politiques publiques (RGPP). « À ce moment-là, les autorités adoptent une perspective très sectorielle (écoles, hôpitaux, défense…) sans se rendre compte de l’effet d’accumulation : certaines villes perdent alors plusieurs services essentiels simultanément », ajoute le chercheur.
Les données parlent d’elles-mêmes. Dans un article de l’ouvrage cité plus haut, quatre chercheurs ont analysé l’évolution de la présence des services publics et privés en France sur les quarante-cinq dernières années. Ils notent que « la tendance observée pour les services publics traditionnellement associés à l’Etat témoigne d’une nette régression ». Entre 1980 et 2015, le nombre de communes avec une école primaire a par exemple chuté de 23 %. Un phénomène similaire se retrouve pour les maternités (- 47 %) et les gendarmeries (- 12 %). Pendant ce temps, la population en France métropolitaine a… augmenté de 20 %.
Contrairement à une idée reçue, ce déclin ne touche pas seulement les zones rurales. Les auteurs signalent un retrait « quasi généralisé, affectant toutes les régions françaises ». Cependant, il « fragilise surtout les petites communes rurales et les petites agglomérations ». Le département très rural du Cantal, par exemple, a enregistré une perte de 82 % de ses écoles maternelles entre 1980 et 2015, suivie d’une diminution de 22 % entre 2015 et 2020 !
Plus préoccupant encore que l’école, le secteur de la santé génère le plus d’inquiétudes. Cela dit, entre 1980 et 2015, le nombre de communes avec un professionnel de santé a augmenté pour les médecins généralistes (+ 17 %), les infirmiers (+ 25 %), les pharmaciens (+ 19 %) ou les laboratoires d’analyses médicales (+ 28 %).
Cependant, cette augmentation n’a pas satisfait tous les besoins, car la population a crû tout en vieillissant. De plus, une inadéquation entre l’offre et les besoins émerge, car de nombreux professionnels choisissent leur lieu d’exercice. Le dernier atlas de la démographie médicale, diffusé par l’Ordre national des médecins, confirme que l’augmentation récente du nombre de médecins n’empêche pas « l’aggravation des inégalités territoriales ».
Il est donc indéniable que les services publics traditionnels sont en déclin. Néanmoins, les chiffres, surtout quand ils concernent des communes spécifiques, doivent être nuancés. En effet, certains services publics n’ont pas complètement disparu mais ont été regroupés dans des centres (maisons France services, maisons médicales pluridisciplinaires…).
D’autres ont été transformés, comme certains services postaux, qui sont désormais pris en charge par des commerces privés. Ainsi, bien que le nombre de communes détenant un bureau de poste ait chuté de 34 % entre 1980 et 2015, seulement 4 % d’entre elles ont perdu toute présence postale. Cela pose un problème, note François Taulelle, « ce nouveau réseau concerne surtout les services administratifs de l’Etat, mais très peu l’école et la santé, secteurs qui suscitent le plus d’inquiétudes chez les usagers ».
Cette logique de polarisation engendre également des problèmes pour les publics les plus vulnérables. Grâce à une enquête menée dans des intercommunalités isolées de cinq départements ruraux, Ygal Fijalkow et Madlyne Samak, sociologues à l’université d’Albi, ont constaté que plus de la moitié des répondants ignoraient l’existence du bureau France services sur leur territoire. Parmi ceux-ci, on trouve en majorité des catégories sociales populaires et des personnes âgées.
Ces usagers sont pourtant ceux qui pâtissent le plus de la transition massive vers le numérique des services publics : la recherche scientifique confirme ce qui était prévisible. Il existe de fortes disparités entre ceux qui maîtrisent les outils numériques – pour qui cela représente un progrès – et les catégories plus fragiles.
En conséquence, en raison des difficultés de déplacement, de la méconnaissance des nouveaux services et des limitations numériques, de nombreux usagers précaires ne peuvent profiter ni de la polarisation ni de la numérisation. Cela pousse l’Etat à se rapprocher d’eux en instaurant des services itinérants, tel que le bus France services qui sillonne les petits villages. En somme, déconcentrer après avoir centralisé…
Le malaise ressentie par de nombreux habitants des zones peu denses n’est donc pas à prendre à la légère. Il devient encore plus explicite si l’on examine le secteur privé.
Dans la première étude référencée dans cet article, les quatre chercheurs révèlent qu’entre 1980 et 2015, le nombre de communes avec un magasin d’alimentation généralisé a chuté de 47 %. On observe une tendance semblable pour les boulangeries (- 13 %), les agences bancaires (- 67 %) ou encore les magasins de vêtements (- 5 %), au profit en particulier des supermarchés et des hypermarchés (+ 116 %). Cette évolution a un visage tristement connu : celui des centres-villes avec des volets fermés.
Cette situation fait dire à l’économiste Laurent Davezies, spécialiste des dynamiques territoriales, que « ce n’est pas l’Etat qui abandonne les territoires [en crise]. Au contraire, ce sont les entreprises et les populations ». Il est évident que les difficultés démographiques et économiques d’une grande partie du territoire sont étroitement liées à la sphère privée, entre un solde migratoire négatif (plus de départs que d’arrivées) et des problèmes économiques (notamment dans les anciens territoires industriels).
Naturellement, le déclin des services publics ne facilite pas la situation. « Il est difficile de déterminer si c’est le privé ou le public qui a initié la spirale du déclin », admet François Taulelle. « En revanche, une chose est certaine, sans un socle minimal d’équipements publics, aucun redémarrage n’est envisageable pour un territoire fragile. »
Dans cette optique, les mandats de Hollande et Macron ont envoyé des messages ambivalents. Entre la crise des gilets jaunes et la pandémie, le gouvernement a bien saisi que la gestion brutale et quantitative des services publics avait ses limites. Il a également mis en place plusieurs programmes de soutien très ciblés, comme le programme « Action cœur de ville » destiné aux villes moyennes les plus fragiles. Sans pour autant renverser les grandes initiatives de la RGPP comme les réformes hospitalières ou scolaires.
Les territoires fragiles sont-ils donc complètement négligés ? Pas nécessairement. Car certaines évolutions plus positives viennent compenser les tendances négatives expliquées précédemment. Celles-ci proviennent notamment de la Sécurité sociale et des collectivités locales (régions, départements, communautés de communes et communes).
Commençons par les collectivités. Depuis les années 1980, l’Etat leur a transféré de nombreuses compétences (mobilités, logement, social…), permettant à leur influence sur leurs territoires de croître. Par exemple, entre 2002, date où les régions ont obtenu la gestion des Trains express régionaux (TER), et 2023, l’offre a augmenté de 37 %. De même, le nombre de crèches collectives, majoritairement gérées par des communes ou des intercommunalités, a crû de 58 % en France entre 1995 et 2022.
Plus généralement, face au retrait de l’Etat, « les collectivités locales ont rivalisé d’ingéniosité pour préserver certains services publics, notamment en les mutualisant et en élaborant des structures administratives et financières associant public et privé », remarque François Taulelle.
Moins perceptible mais d’une importance cruciale, la protection sociale représente un puissant mécanisme de redistribution en France. D’une part, elle prélève des richesses, principalement dans les pôles économiques les plus florissants. D’autre part, elle redistribue ces richesses, de manière plus significative dans les territoires où résident des populations plus vulnérables. L’économiste Eric Dor a ainsi évalué, dans une étude de 2021, que l’Ile-de-France supportait, en 2017, un prélèvement net (prestations sociales – prélèvements sociaux) de 77 milliards d’euros. Une somme dont les habitants des régions plus rurales et moins riches bénéficiaient.
D’autres économistes, dans une étude de 2020, avaient montré que les inégalités de revenu entre départements avaient « atteint en 2015 leur plus faible niveau depuis cent ans » et soulignaient « le rôle des transferts publics dans l’atténuation des disparités de niveau de vie ». Mais il est clair que, sur le long terme de la vie humaine, ces effets ne sont pas immédiatement visibles.
À la lumière de tous ces éléments entremêlés, est-il possible de dresser un tableau objectif de la situation ? Ce n’est pas aisé.
« Il est difficile d’y voir clair car nous avons tendance à homogénéiser les habitants des territoires peu densément peuplés », indique Ygal Fijalkow. En réalité, une différence significative de perception existe entre ceux qui ont eu la possibilité de choisir leur lieu de vie et ceux qui se retrouvent plutôt contraints. Les premiers (CSP+, diplômés…) savent où trouver les services disponibles. Les autres (ouvriers, employés, retraités…) se sentent plus souvent isolés, abandonnés ou entravés dans leurs démarches. » Un défi qui ne peut être résolu à partir d’un simple tableur Excel.
Retrouvez ici notre dossier « Manuel de défense des services publics »
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L’histoire unique de El Museo lui a permis d’être à l’avant-garde de ce qui est désormais plus largement accepté comme la raison d’être des musées.
Sous-préfecture de Saint-Denis (93) – « Laissez-moi passer ! » Sous son voile rose délicat, Samah, 42 ans, gesticule, anxieuse et en colère, à travers les grandes grilles bleues de la sous-préfecture. L’Algérienne appelle les agents de sécurité. « Mon contrat a été interrompu ! » Cela fait 20 ans qu’elle réside en France. Cadre en management depuis 17 ans, mère de trois enfants, sa vie bien ordonnée est soudainement chamboulée par la difficulté de renouveler son titre de séjour. Ce processus, qui devrait être une simple formalité, doit être effectué tous les 10 ans. Elle a passé presque toute sa semaine à attendre devant l’énorme bâtiment de Seine-Saint-Denis, espérant régulariser rapidement sa situation. « Pas de rendez-vous, pas d’entrée ! », lui lance, de manière agressive, un des agents de sécurité. Depuis 2021, les prises de rendez-vous sont obligatoirement faites en ligne, via la plateforme Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF). Samah s’écrie :
« Sauf qu’il n’y a pas de rendez-vous disponibles ! »
Chaque jour, qu’il pleuve ou qu’il vente, des centaines de personnes se massent devant la préfecture pour finaliser ou renouveler leur titre de séjour. Depuis la dématérialisation des démarches, la prise de rendez-vous est pratiquement impossible. Ainsi, l’administration laisse entrer quelques chanceux sans rendez-vous à très petite dose. « Une trentaine », selon l’un des agents de sécurité. Certains sont accompagnés de leurs bébés, d’autres prennent des jours de congé ou s’organisent pour se libérer. Beaucoup, désespérés, pleurent, fulminent et s’inquiètent. Carrière, mariage, enfants, et parfois même petits-enfants, toute leur existence en France dépend de ce précieux document administratif.
Chaque jour, des centaines de personnes s’agglutinent devant la préfecture. /
Crédits : Elisa Verbeke
Cette année, environ 50 % des personnes en attente de régularisation ont vu leurs droits à la Caf, à France Travail et/ou à l’emploi annulés en raison de l’impossibilité d’obtenir des rendez-vous en raison des dysfonctionnements de la plateforme ANEF, selon une récente étude de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) sur 485 participants. Si leurs documents ne sont pas renouvelés à temps, ces personnes risquent une Obligation de quitter le territoire français (OQTF).
« Il faut passer par ce portail de l’ANEF. Je les appelle tous les jours depuis deux mois. » Fazou, 30 ans, explose. « À chaque fois, un message automatique me demande de patienter ! » Les larmes lui montent aux yeux tandis qu’elle raconte la suspension de son contrat le 13 octobre dernier. Pourtant, elle a effectué toutes les démarches requises. Mais rien n’avance. À sa droite, sous sa grande paire de lunettes de soleil, Jacqueline se fâche. C’est sa cinquième visite cette semaine. Son dossier est bloqué en Normandie et, depuis un an, elle ne peut pas renouveler ses documents sans rendez-vous. Cette quadragénaire a travaillé pendant plus de 15 ans dans une grande chaîne d’hôtels à Caen, insiste-t-elle. La Camerounaise reçoit l’allocation aux adultes handicapés (AAH) en raison de graves infections pulmonaires qui ont failli lui coûter la vie :
« C’est ce travail qui m’a détruite. J’ai besoin de mes papiers pour mes médicaments, mes médecins et l’AAH. »
Depuis 2022, les demandes liées aux droits des étrangers et aux dysfonctionnements de l’ANEF sont la principale raison de saisine du Défenseur des droits. Cette année-là, plusieurs associations ont interpellé le Conseil d’État face aux difficultés rencontrées par les usagers. En réponse, un arrêté a été adopté pour que les préfectures instaurent de nouveaux dispositifs d’accompagnement. Deux outils dématérialisés ont été créés : le Centre de contact citoyen, qui propose notamment une aide par téléphone, et le Point d’accès numérique – accessible uniquement si le Centre de contact citoyen n’a pas pu aider –, où un agent assiste les usagers dans leurs démarches en ligne et la constitution de leurs dossiers. 82 % des personnes ayant utilisé ces dispositifs n’ont reçu « aucune aide concrète ». Si ces deux recours n’ont pas suffi, les exilés ont désormais le droit de déposer leur dossier physique à la préfecture ou dans une boîte postale. Cependant, l’enquête de la FAS révèle que la plupart des préfectures « n’ont pas respecté leur obligation d’accès aux guichets », ce qui a eu de lourdes conséquences sur les droits des personnes étrangères.
Un collectif de riverains organise des permanences devant la sous-préfecture. /
Crédits : Elisa Verbeke
« C’est ainsi que de nombreuses personnes se retrouvent avec des dettes ! Ils perdent leur job et leur salaire », s’écrie Diangou Traore. La Dionysienne a récemment aidé à la formation d’un collectif de riverains qui organise tous les vendredis (et parfois d’autres jours) des « piquets de veille ». Ces permanences – avec café, thé et brioche devant la sous-préfecture – offrent un soutien juridique, administratif et moral aux personnes dans des situations similaires à celles de Samah, Fazou ou Jacqueline. Diangou Traore a découvert cet été l’angoisse à la sous-préfecture en aidant un voisin à renouveler son titre de séjour :
« J’étais vraiment choquée : les deux trottoirs de la rue étaient remplis de monde. Des gens venaient avec des seaux pour s’asseoir, ils pleuraient, coincés là car ils ne parvenaient pas à obtenir un rendez-vous. »
La bruine matinale d’octobre contraste avec le manteau rouge de Madame Diallo, assise à côté de Samah, sur le muret de la sous-préfecture. À 67 ans, son visage fin est à peine ridé. Après 30 ans en France à travailler comme femme de ménage dans des collèges, elle aspire à retourner un peu au Mali et honorer la mémoire de sa mère récemment disparue. Toutefois, son titre de séjour de 10 ans expire le mois prochain. Partir représente le risque de ne pas pouvoir revenir. La préfecture l’a récemment sollicitée par l’envoi d’un SMS contenant un lien sur son téléphone à clavier qui ne dispose pas d’accès à Internet : « Merci de prendre rendez-vous sur le site de la préfecture. » Lorsqu’elle parvient à se connecter, elle se retrouve sur une page qui affiche constamment « aucun créneau disponible ». Devant elle, Mehmet hoche la tête comme pour indiquer son assentiment. À 63 ans, l’ancien chauffeur de taxi est lui en retraite anticipée. Il perd la vue et va bientôt être aveugle. « La dématérialisation est très compliquée pour les personnes âgées, malades, qui ne savent ni lire ni écrire ou qui n’ont pas accès à Internet », souffle une riveraine retraitée participant au piquet de veille aujourd’hui.
Il est très difficile d’obtenir un rendez-vous à la sous-préfecture. /
Crédits : Elisa Verbeke
À ces journées kafkaïennes s’ajoute le comportement méprisant des agents de sécurité, qui servent de filtre entre la foule et l’administration. « Ils traitent les gens comme des animaux ! », s’indigne Linda, 52 ans, en France depuis l’âge de 24 ans. Écartée brutalement par un agent, elle est aux prises avec les larmes. L’assistante maternelle pousse une poussette avec à son bord un enfant blond aux yeux bleus. « Je suis forcée d’amener mon travail ici ! », proteste-t-elle. Elle attend son titre de séjour depuis six mois. Elle a même dû annuler ses vacances en famille :
« Personne ne te traite bien. Un homme diabétique est tombé la dernière fois. Les pompiers ont été appelés, mais ils s’en fichent. »
Pour maximiser leurs chances, certains plus rusés trouvent des solutions astucieuses en établissant, par exemple, leur domiciliation dans d’autres régions. Le bouche-à-oreille laisse entendre que les démarches y seraient plus rapides. « Vous vous rendez compte jusqu’où on est prêts à aller juste pour trouver du travail ? », fulmine Diangou Traore. Selon elle, le problème des rendez-vous toucherait toutes les préfectures du pays. Sur son compte TikTok, où elle partage ses actions à Saint-Denis, « les commentaires de personnes vivant des situations semblables proviennent de partout ».
Mamadou, cuisinier à Paris depuis 2011, s’est orienté vers l’achat de rendez-vous sur le marché noir. D’après les témoignages recueillis par StreetPress, le prix varie entre 150 et 800 euros dans les taxiphones, ces petits commerces de téléphonie où se vendent des cartes prépayées. Il a déboursé 250 euros pour le sien dans le 18e arrondissement : « Je n’ai pas le choix, sinon je ne peux plus travailler. » Monsieur Sow, chauffeur de VTC, envisage cette option : « Cela fait un an que je passe mes journées à rafraîchir la page des rendez-vous, sans succès. La prochaine fois, j’en achèterai un ! » C’en est trop pour lui :
« C’est eux qui nous poussent vers le marché noir ! »
L’administration serait en connaissance de cause, selon un article du Parisien de 2019. L’ancien préfet de Seine-Saint-Denis, Pierre-André Durand, y expliquait que ce serait « un système, soit géré par des robots, soit par des petites mains, qui prennent des rendez-vous pour les revendre ». (1)
Les dysfonctionnements liés à la dématérialisation sont également profitables aux escrocs. Sur TikTok, il suffit de commenter une vidéo sur le sujet pour être contacté par des comptes tels que « Préfecture du 69 » ou « Rendez-vous Préfecture ». Mehmet, l’ancien chauffeur de taxi menacé par la cécité, a failli tomber dans le piège. Un jour, après avoir posté dans un groupe Facebook dédié, il reçoit un message en privé lui proposant de prendre rendez-vous à la préfecture. En appelant, on lui demande 400 euros. Il se rend vite compte de la supercherie et raconte l’anecdote en riant :
« J’ai immédiatement compris que c’était une arnaque : la préfecture ne répond jamais au téléphone aussi rapidement. »
Tous les prénoms des personnes en voie de régularisation ont été modifiés.
(1) Contacté, le sous-préfet de Saint-Denis Vincent Lagoguey n’a pas répondu à nos demandes d’informations.
Illustration de Une de Léa Taillefert.
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