KFC abandonne son engagement à ne plus utiliser de ‘Frankenchickens’ au Royaume-Uni

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KFC abandonne son engagement à ne plus utiliser de ‘Frankenchickens’ au Royaume-Uni

Chain dit qu’elle ne pourra pas cesser d’acheter des races à croissance rapide d’ici 2026, car l’industrie avicole ne peut pas fournir suffisamment d’animaux à bien-être supérieurLa chaîne de restauration rapide KFC a abandonné son engagement au Royaume-Uni d’améliorer le bien-être animal en se procurant son poulet à partir de races à croissance plus lente d’ici 2026.Les poulets à viande à croissance rapide ont été appelés « Frankenchickens » en raison des préoccupations concernant le bien-être, y compris des taux de mortalité plus élevés, des boiteries et des maladies musculaires. Plus d’un milliard de poulets sont abattus au Royaume-Uni chaque année pour la viande. Continue reading…

‘C'est grossier’ : Les entreprises de trottinettes électriques menacent de quitter l'Italie après la mise à jour du code de la route

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‘C’est grossier’ : Les entreprises de trottinettes électriques menacent de quitter l’Italie après la...

Peur pour les emplois après que le parlement a voté pour des casques, une assurance et de lourdes amendes pour les conducteurs ‘indisciplinés’ et le stationnement sauvage, au milieu d’une augmentation des accidents de la routeSur une route près de la congestion routière de la Piazza Venezia à Rome, un conducteur de trottinette électrique zigzague à travers une foule de piétons, qui essaient à leur tour de ne pas trébucher sur une trottinette abandonnée sur le trottoir. À la traversée adjacente, deux conducteurs de trottinette électrique passent à toute vitesse devant un feu rouge tandis qu’un autre glisse autour du virage avec son passager capturant le trajet sur son téléphone mobile.De telles scènes sont devenues courantes dans la capitale italienne et d’autres villes ces dernières années, au milieu de l’explosion de popularité des trottinettes électriques en libre-service. Mais maintenant, le gouvernement durcit le ton sur l’utilisation indisciplinée de ces véhicules dans le cadre d’une réforme plus large du code de la route.

Starmer cherche à embaucher un négociateur de l'UE dans le but de réinitialiser les relations

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Starmer cherche à embaucher un négociateur de l’UE dans le but de réinitialiser les relations

Salaire d’au moins 153 000 £ proposé par le Cabinet Office pour ‘conseiller principal’ du premier ministreLes ministres recrutent un nouveau négociateur de l’UE alors que Keir Starmer cherche à réinitialiser la relation de la Grande-Bretagne avec l’Europe.Le poste, d’une valeur d’au moins 153 000 £ par an et annoncé par le Cabinet Office, agirait en tant que représentant pour toutes les affaires du Royaume-Uni avec le bloc. Continuer la lecture…

Julie Gervais : « Le manque de financement des services publics contribue également à dévaloriser les fonctionnaires »

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Julie Gervais : « Le manque de financement des services publics contribue également à dévaloriser les...

Lors de sa prise de fonction en tant que Premier ministre, Michel Barnier a fait preuve d’audace. Il semblait avoir saisi l’importance des services publics : « La lutte contre les déserts médicaux et la pénurie de personnels soignants sera l’une des priorités du gouvernement », « l’éducation continuera d’être au premier plan », déclarait-il le 1er octobre dernier lors de son allocution de politique générale.

Cependant, son ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, a chaleureusement exprimé son soutien à la nomination d’Elon Musk à la tête d’un nouveau ministère de l’Efficience gouvernementale : il a hâte de collaborer avec le milliardaire « pour partager les meilleures pratiques en matière de réduction de la bureaucratie ».

Le projet de loi de finances et le budget de la Sécurité sociale, actuellement en discussion au Parlement, incluent significativement des réductions budgétaires qui impacteront les services publics : le gouvernement vise à réaliser 60 milliards d’euros d’économies. Les services publics représentent presque 40 % du budget des administrations publiques (600 milliards d’euros sur un total de 1 600 milliards). De plus, la représentation du fonctionnaire, souvent perçue de manière stéréotypée et abstraite, est bien éloignée de la diversité des métiers au sein de la fonction publique, ce qui la rend souvent répulsive.

C’est ce dilemme que met en lumière la politiste Julie Gervais, co-auteure avec Claire Lemercier et Willy Pelletier de La Haine des fonctionnaires (Amsterdam, 2024), suite à un ouvrage collaboratif antérieur, La Valeur du service public (La Découverte, 2021).

Tous les politiciens prétendent défendre les services publics. Est-ce une bonne nouvelle ?

Les discours sur la dégradation des services publics sont omniprésents à l’heure actuelle, car nous atteignons un tournant : les réformes menées au cours des trente dernières années pour démanteler les services publics ont eu des effets cumulés qui s’intensifient. Nous sommes au seuil de la phase terminale de l’érosion des services publics, juste avant qu’il ne soit trop tard. Pour Claire Lemercier, Willy Pelletier et moi-même, notre livre, La haine des fonctionnaires, s’est donc imposé comme une réponse urgente.

Cependant, au-delà des discours, il est nécessaire d’évaluer les politiques mises en œuvre. Malheureusement, la réduction sans précédent des dépenses publiques s’annonce catastrophique. Soyez vigilants face au « service public washing » qui, de manière similaire au « greenwashing », clame défendre ce qu’il est en train de détruire.

Vous évoquez une détérioration des services publics au cours des dernières décennies. S’agit-il d’une frénésie gestionnaire ou d’une orientation idéologique ?

Les deux sont étroitement liés. Le cadre néolibéral actuel impose des limites budgétaires, la quête de rentabilité, la financiarisation… Tout cela est déjà présent dès la formation initiale des hauts fonctionnaires, dans les grandes écoles, telles que Polytechnique ou l’Ecole des ponts et chaussées. Dès les années 1960-1970, l’idée que les dirigeants du secteur public doivent passer de l’administration à la gestion, comme dans le secteur privé, s’est répandue. Ce nouveau paradigme de management public est également enseigné dans la fonction publique territoriale.

Il existe donc un cadre idéologique fort qui ne se couve jamais d’un discours explicitement anti-services publics : les restrictions budgétaires ne sont jamais présentées comme des mesures visant à détruire les services publics. Ceux-ci sont fermés, fusionnés, réduits, simplifiés, mais toujours sous prétexte d’une prétendue modernité et d’une efficacité supposée, pour « débureaucratiser ».

N’y a-t-il pas des améliorations à envisager en matière d’efficacité ?

L’efficacité est souvent un terme trompeur lorsqu’on parle de services publics. Que signifie réellement ce terme ? Quel critère est retenu ? Le soupçon d’incompétence qui plane sur les agents publics contraste avec une vision idéalisée du secteur privé. L’efficacité désigne souvent, en réalité, l’intensification du travail. Pourquoi ne pas mettre davantage en avant un travail bien fait, serein, utile et de qualité, réalisé à 100 %, et non à 200 % ?

La quête de l’efficacité s’accompagne fréquemment d’une logique d’individualisation, d’une compétition qui sape les collectifs et démoralise les équipes. Elle s’inspire habituellement de mots d’ordre du secteur privé inadaptés au secteur public, contribuant ainsi à son incapacité. De plus, cette quête implique généralement le recours à des cabinets de conseil dont les services coûtent souvent plus cher que l’utilisation des ressources internes.

C’est au nom de l’efficacité qu’il est exigé d’être en permanence en mouvement, qu’il ne faut pas s’enliser. D’ailleurs, c’est une condition pour « faire carrière » : à l’IGN, l’Institut national de l’information géographique et forestière, les cadres en souffrance côtoient des directeurs qui ne possèdent aucune connaissance de leurs métiers et imposent des solutions toutes faites. Ces directeurs, qui jouent le jeu managérial pour accéder à des promotions, désorganisent les services en les réajustant.

Comment interpréter le sentiment d’incompétence souvent attribué aux fonctionnaires, surtout lorsqu’ils exercent des fonctions de bureau ?

La « haine des fonctionnaires » est aussi ancienne que la notion même de fonctionnaire. Elle trouve ses racines à la Révolution française, comme l’explique l’historien Emilien Ruiz. Elle repose sur une image stéréotypée, celle du rond-de-cuir, popularisée par l’écrivain Courteline à la fin du XIXe siècle. Toutefois, elle a évolué historiquement : au XIXe siècle, elle était associée à un individu considéré comme un lèche-botte soumis à l’autorité, n’ayant pas encore de véritable statut.

Actuellement, lorsqu’ils sont interrogés sur les suppressions de postes, les responsables politiques désignent souvent soit la fonction publique territoriale, qu’ils ne comprennent pas vraiment, soit « le travail de bureau », qu’ils identifient mal. Pourtant, il existe une immense diversité parmi les métiers de fonctionnaires et d’agents participant au service public. Les jardiniers municipaux, souvent fonctionnaires en catégorie C, partagent davantage de similarités avec des ouvriers qu’avec des hauts fonctionnaires.

De surcroît, la plupart des usagers ont une vision vague du métier de fonctionnaire. Les cheminots ou les facteurs, souvent cités à titre d’exemple, ne le sont pas toujours. Le service public peut également être accompli par des agents ou des structures (associations, entreprises publiques ou privées) qui ne relèvent pas de la fonction publique mais de contrats de droit privé ou public.

De nombreuses missions permanentes du service public sont actuellement réalisées par des agents sous contrat précaire, tels que les vacataires dans le milieu universitaire, sans lesquels certains départements ne pourraient pas fonctionner. Est-ce un modèle d’avenir ? Ce délitement du service public de l’enseignement supérieur alimente la montée en puissance de l’enseignement supérieur privé, nuisant ainsi à l’accessibilité pour tous à la formation et aux diplômes.

N’y a-t-il pas un paradoxe à abhorre les fonctionnaires tout en défendant les services publics ?

En effet. La haine des fonctionnaires englobe différentes formes de ressentiment. Une haine émanant de hauts responsables et d’intellectuels d’entreprise. Une autre se manifeste chez les usagers, provenant souvent des milieux populaires, qui sont ceux qui interagissent le plus avec les services et souffrent le plus de leur dégradation.

Ce ressentiment peut influencer un vote en faveur du RN, chez des individus qui perçoivent le statut des fonctionnaires comme un privilège, alors que ces derniers sont en réalité victimes de conditions de travail difficiles. Dans le livre, nous citons l’exemple d’un motard victime d’un accident qui se plaint des fonctionnaires n’ayant pas tassé les gravillons, alors que les agents des routes se lèvent avant l’aube pour déneiger en hiver et que les restrictions budgétaires les obligent à utiliser un enrobé moins performant.

Ce paradoxe entre le discours de soutien au service public et la haine des fonctionnaires se manifeste-t-il également ailleurs en Europe ?

Bien que le service public soit particulièrement ancré en France, les mêmes clichés se retrouvent ailleurs, avec l’image du paresseux derrière le guichet. Au Royaume-Uni, un rapport sur le système de santé a constaté le nombre de décès causés par des retards aux urgences, et le Premier Ministre, Keir Starmer, a affirmé que le National Health Service avait « rompu le contrat qu’elle avait avec le public », sans mentionner le sous-financement dont il souffre depuis des décennies. La mise en faillite des services publics est alors utilisée pour dénigrer les fonctionnaires : une telle présentation du débat est indigne.

L'Humanité, Jaurès et le secteur économique

ECONOMIE

L’Humanité, Jaurès et le secteur économique

Les Lumières ? XXIe siècle ? Perspectives sociétales ? Au final, Jaurès et ses camarades ont opté pour L’Humanité. Alors que la France émerge des turbulences de l’affaire Dreyfus, ce choix rappelle que les socialistes ambitionnent d’être les plus fervents défenseurs des droits humains. Face à l’impact dévastateur des civilisations engendré par la colonisation européenne, en particulier française, cela souligne également les droits des populations indigènes.

À une époque où le nationalisme monte en flèche et où des conflits menacent en Europe, cela appelle à une mobilisation inéluctable pour la paix. Dans un contexte d’échanges intensifiés et de concurrence globale, cela constitue un rejet du repli nationaliste. Alors que la prospérité est de retour, mais ne profite guère aux classes populaires, cela traduit un désir d’offrir un avenir meilleur pour le peuple français. En ce début de siècle nouveau, il s’agit de porter un projet socialiste pour l’humanité tout entière.

Dans L’Humanité, Jean Jaurès, rédacteur en chef, définit la ligne éditoriale. À travers une abondance d’articles (environ 2 600, quatre à cinq chaque semaine pendant une décennie), la politique nationale et internationale est en première ligne. Suit ensuite le champ social. Les questions économiques sont peu explorées dans ses écrits, comme dans l’ensemble du quotidien.

Cela s’explique par plusieurs raisons. D’abord, pour la plupart des socialistes au tournant du XXe siècle, l’analyse du capitalisme a été réalisée par Marx de manière approfondie, et Jaurès s’en nourrit, tout en restant critique. La deuxième raison concerne la dynamique parmi les socialistes français et dans l’Internationale ouvrière.

Lors du congrès de l’Internationale en 1904, les socialistes français sont exhortés à s’unir, ce qui se concrétise en 1905 avec la création de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) sur des bases qui, bien que différentes de celles de Jaurès, reposent sur celles de Vaillant et de Guesde : les syndicats et les coopératives sont exclus du parti et la participation des socialistes à un « gouvernement bourgeois » (à l’exemple de Millerand dans le gouvernement Waldeck-Rousseau) est rejetée.

Par conséquent, les socialistes négligent de saisir le pouls du capitalisme pour mieux le réformer de l’intérieur ; la réalisation d’objectifs économiques et sociaux cède la place à l’objectif prioritaire : le combat politique. Journal socialiste dreyfusard, humaniste, républicain et réformiste à ses débuts, L’Humanité de Jaurès, qui aspire à devenir la voix de tous les socialistes au fil des ans, souligne d’abord ce combat politique. Et lorsque l’économie est abordée dans les articles, c’est principalement sous l’angle des questions politiques.

Améliorer le sort des plus vulnérables

Néanmoins, Jaurès est persuadé que la seule voie révolutionnaire réaliste est la voie réformiste (qu’il résume dans l’expression « évolution révolutionnaire »). Il plaide pour des réformes économiques et perçoit dans l’action syndicale, le mouvement coopératif ou encore les relations économiques internationales organisées, des facteurs de progrès. Cette réflexion s’inscrit néanmoins d’abord dans un cadre national et dans la conception du socialisme « dans son premier état », déjà développée par Jaurès en mars 1895 dans la Revue socialiste :

« Le socialisme, dans son principe et sa définition la plus générale, c’est l’intervention de la société dans les rapports économiques que crée entre les hommes l’existence de la propriété (…). C’est là l’état d’esprit de ceux qui veulent par des actes variés de la puissance publique, enseignement gratuit, assistance sociale, menues faveurs aux syndicats ouvriers ou même réglementation légale du travail et des salaires, adoucir la condition des faibles. C’est dans cette zone encore vague et préliminaire du socialisme que se distribuent tous ceux que répugne le “laisser-faire, laissez-passer”.»

Ainsi, une multitude d’articles dans L’Humanité abordent les luttes sociales, la nécessaire intervention de l’État en matière de droit du travail, la protection sociale, et l’État redistributif. Dès son origine, L’Humanité dispose d’une rubrique Mouvement social et enrichit au fil des ans ses comptes rendus des luttes sociales tout en développant sa Tribune syndicale. Jaurès participe activement en soutenant le combat des 200 000 grévistes pour le repos hebdomadaire et la réduction de la durée de travail (15 mai 1906).

Il publie son premier article sur l’impôt sur le revenu dans L’Humanité le 22 novembre 1904, faisant des comparaisons avec l’Income Tax anglaise, un impôt progressif instauré depuis 1842 (24 avril 1907) – il abordera régulièrement cette question jusqu’en 1914, année de l’adoption de la loi instituant cet impôt. Jaurès dresse dans L’Humanité du 27 décembre 1912 le portrait d’un capitalisme à visage humain où le progrès social et le progrès économique vont de pair (voir encadré).

Évidemment, en tant que bon socialiste, Jaurès ne s’arrête pas là. Son objectif est « le collectivisme, but suprême du socialisme ». Dans un article intitulé Unité et diversité, dès le 22 juillet 1904, il esquisse une conception marquée par la diversité et la décentralisation du collectivisme : il ne sera pas réalisé « ni en une fois ni pour toujours »  et il précise :

« Il faudra trouver des formes subtiles de liens entre Etat, communes, coopératives, organisations professionnelles, des individus entre eux et avec chacun de ces groupes .»

Cet article reflète l’intérêt croissant de Jaurès pour le mouvement coopératif. Bien qu’il reste subordonné dans son esprit à l’action politique, ce mouvement occupe une place de plus en plus centrale dans son projet, sous l’influence d’un jeune intellectuel socialiste, neveu et disciple du sociologue Emile Durckheim et fondateur en septembre 1899 de la Boulangerie socialiste à Paris : Marcel Mauss.

Jaurès lui confie d’ailleurs la rubrique Coopératives de L’Humanité naissante. Marcel Mauss rédige un grand article, La coopération socialiste, publié dans le numéro du 3 août 1904. Cela n’empêche pas Jaurès de débattre amicalement avec L’Unité coopérative de Charles Gide, non socialiste, à qui il reproche son « primat du consommateur sur le producteur » et surtout son absence de perspective politique. Pour Jaurès, la « lente végétation indéfinie du système coopératif » ne pourrait « se substituer à la conquête du pouvoir par le peuple » (La Petite République, 19 juillet 1900).

Position ambivalente sur la colonisation

Jaurès est d’autant moins enclin à se contenter de cette « lente végétation » que le contexte international exige des prises de position vigoureuses, d’abord sur le plan politique, mais également économique : colonisation, concurrence internationale, mouvements de capitaux sont des sujets récurrents dans les colonnes du journal.

La colonisation, notamment celle du Maroc, occupe une place significative dans L’Humanité. La position du journal, comme celle de tous les socialistes, est clairement ambivalente. L’Humanité condamne la colonisation, en particulier ses méthodes et son mépris des peuples : Jaurès se bat donc « pour que les indigènes d’Afrique du Nord aient des représentants pour les défendre contre les colons et l’armée » (L’Humanité du 4 février 1912).

Le journal dénonce également le pillage des colonies par les « oligarchies » capitalistes internationales : sont ainsi mis en lumière, au Maroc, les « accapareurs des mines », comprenant des groupes français (Schneider, la Compagnie des forges de Chatillon-Commentry et Neuves-Maisons), allemand (Krupp), anglais (Williams), mais aussi espagnol, italien et belge (L’Humanité, 28 mars 1911).

Le journal oppose à ces « ennemis des colonies » la proposition d’une coopération avec la métropole :

« A chacune de nos possessions, nous devons donner un régime douanier spécial, librement délibéré entre elle et la métropole, marqué fortement de l’esprit de réciprocité, mais adéquat aux besoins et à la situation géographique de la colonie » (L’Humanité, 28 mars 1911).

Cela ne bloque néanmoins pas le journal, au détour d’un article sur la rareté du coton brut en Europe, d’oublier « l’esprit de réciprocité » et de craindre que le continent ne soit pas « capable de tirer des colonies le coton nécessaire pour compenser la quantité manquante aux besoins européens » (article de V. Renard, le 12 février 1913)…

Contre un protectionnisme rétrograde

On retrouve ici un autre thème récurrent, celui de l’internationalisation des économies dans un contexte de tensions entre nations européennes, tensions qui demeurent au cœur des préoccupations du journal. Sur ce sujet, L’Humanité peut parfois céder à une langue de bois. V. Renard, dans l’article mentionné, aborde le déclin britannique :

« Concurrencés au point de vue métallurgique par l’Allemagne et les Etats-Unis, au point de vue textile par l’Amérique et les Indes anglaises où la main-d’œuvre indigène est à un prix dérisoire, menacés de perdre la prépondérance économique qu’ils avaient jusqu’ici sur le marché universel, les Anglais vont entrer, ou sont entrés, serait mieux dire, dans une ère de difficultés.»

Face à ces défis qui touchent de nombreux pays européens, dont la France, quelle solution ? « S’acheminer vers la solution socialiste qui est pour le prolétariat mondial la seule issue pour sortir de la géhenne capitaliste », conclut l’auteur.

Jaurès, quant à lui, approfondit l’analyse ainsi que la recherche de solutions. Celles-ci passent d’abord par la quête de régulations internationales : il soutient ainsi la position de l’ancien président américain Théodore Roosevelt qui a évoqué l’idée, dans le domaine économique, d’un arbitrage international (L’Humanité du 14 novembre 1910). Sur le plan national, il aborde la question du protectionnisme et du libre-échange, dans un cadre où presque tous les pays adoptent des mesures protectionnistes, et où même la libérale Angleterre envisage de renoncer au libre-échange.

Jaurès s’inscrit alors dans le débat français opposant le libre-échangiste Caillaux à Méline, qui a promulgué des mesures protectionnistes depuis 1892. En 1904, les discussions portent sur la surproduction dans l’industrie cotonnière. Jaurès, qui prévoit que le nationalisme sous-jacent au protectionnisme et le laissez-faire libéral sont problématiques, blâme les deux tendances de mener au chômage ouvrier soit par surplus de production, soit par une limitation délibérée de celle-ci.

Il n’envisage comme solution que la régulation collective de la production (L’Humanité du 12 août 1904). Une régulation qui peut alors revêtir un aspect protectionniste. Ainsi, en 1912, les députés socialistes proposent, concernant les céréales, que « l’Etat ait le monopole d’importation des blés étrangers pour exercer sur le cours du blé une action régulatrice et modératrice » (L’Humanité du 14 juin 1912). Cependant, le journal, opposé à un protectionnisme rétrograde, précise : « Il ne s’agirait point de stabiliser et immobiliser les prix dans la routine, mais de stimuler le progrès technique. »

Mouvements de capitaux et sentiment anti-allemand

Enfin, la question la plus discutée concernant les flux internationaux, car elle est très liée aux problèmes politiques, concerne les mouvements de capitaux, extrêmement libres à l’époque. La condamnation des prêts français à la Russie tsariste, alliée de la France, fait l’unanimité parmi les rédacteurs et Jaurès n’est pas en reste. Sous le titre Mauvais emprunt, mauvais voyage, il écrit dans le numéro du 22 novembre 1907 :

« Ce n’est pas à un régime constitutionnel, c’est au despotisme restauré, c’est au coup d’Etat tsariste qu’irait la subvention de la France ».

Plus généralement, la question des mouvements de capitaux français est débattue dans les colonnes du journal. Une quinzaine d’articles publiés en 1911-1912 par Lysis (pseudonyme du journaliste Eugène Letailleur) s’attaquent aux capitalistes français agissant contre les intérêts de la France. L’auteur critique « nos grandes banques françaises, tutrices de notre épargne et gérantes de notre fortune nationale, fonctionnant régulièrement au service de l’Allemagne contre notre pays » ayant ainsi aidé Guillaume II à dominer l’économie de la Turquie et à l’en faire une alliée. D’autres articles du journal déplorent la domination des capitaux allemands dans la sidérurgie normande.

Sur toutes ces questions, Jaurès adopte une position nuancée qui se démarque du climat nationaliste, mais doit en tenir compte. Tout d’abord, dans une Réponse à Lysis, où il l’invite à écrire dans L’Humanité (31 mai 1910), il souligne le rôle bénéfique de la concentration bancaire :

« C’est, selon les Saint-Simoniens, le premier organe de la grande production socialement coordonnée.

Et, influencé par l’Affaire Dreyfus, il avertit contre toute « contrefaçon socialiste de la démagogie antisémite ». En essence, dans un article du 3 janvier 1913 intitulé Finances nationales, il prend position :

« Oui, il est vrai qu’il est impossible d’enfermer dans les limites de la France les richesses de la France (…). Rien ne serait dangereux comme une politique de défiance ou de prohibition contre “l’étranger”. »

Il n’en demeure pas moins, poursuit-il :

« Pour les concessions minières pour les établissements industriels de Normandie, une question se pose : alors qu’en France abondent les capitaux et les compétences techniques, comment se fait-il qu’une aussi grande part de l’activité économique de toute une province soit livrée à des Allemands (…). On peut se poser le problème en ces termes, qui sont les vrais, sans être coupable d’un chauvinisme grossier et d’un protectionnisme étroit. »

Déplorant le manque d’investissements de la bourgeoisie française dans l’industrialisé, mais craignant de contribuer à la germanophobie générique, Jaurès préfère conclure son article en posant une autre question essentielle :

« Mais tout d’abord, pour discuter utilement de ces questions, il faudrait savoir, je veux dire qu’il faudrait posséder des documents précis et des statistiques certaines sur la marche de la production en France, sur les conditions dans lesquelles les entreprises nouvelles sont créées, sur les directions que prend l’épargne nationale. (…) Quand donc aurons-nous un census de la production française, une statistique sérieuse des mouvements des capitaux et des entreprises ? »

La tentation antimondialiste

Établir des arguments et des actions non pas sur de vagues informations et des slogans, mais sur une compréhension approfondie de la réalité économique, voilà une position… qui fait d’Alternatives Economiques un héritier légitime de la pensée jauressienne ! Et notre journal ne peut que se retrouver dans la détermination de Jaurès à défendre les intérêts des travailleurs tout en se gardant de tout nationalisme.

Cependant, la position de L’Humanité dans son ensemble est ambiguë et cède parfois à l’antimondialisation, utilisant un terme contemporain. Bien sûr, Suzanne Berger, dans son récent ouvrage Notre première mondialisation, souligne que « loin de la vision antimondialiste de la plupart de la gauche actuelle, la gauche d’alors soutenait généralement l’ouverture des frontières aux capitaux, aux marchandises et au travail parce qu’elle voyait dans ces mouvements un puissant ressort de solidarité internationale ».

Cela paraît légèrement optimiste. Il s’agit sans doute de la pensée sous-jacente qui éclaire les articles de Jaurès, lequel affirmait à la Chambre des députés, le 13 janvier 1911 :

« Le réseau des intérêts économiques et financiers oblige tous les peuples à se ménager les uns les autres, à éviter les grandes catastrophes de la guerre ». Cependant, la gauche d’alors n’était pas insensible aux appels nationalistes, comme le prouvera la suite. Et sous prétexte de dénoncer les agissements des oligarchies financières en lien avec leurs homologues allemandes, la germanophobie n’est pas loin, surtout dans les articles de Lysis publiés dans L’Humanité.

Cependant, il est vrai que la mondialisation économique ne se présente pas au début du XXe siècle comme l’adversaire désigné de la gauche. Les socialistes de l’époque ne se trouvent effectivement pas sur la défensive. Ils sont investis dans une perspective alternative internationale et sociale, percevant non pas une menace dans l’interconnexion des économies nationales, mais dans les tensions entre nations européennes disposées à exploiter leur puissance économique dans une guerre destructrice.

Et L’Humanité de Jaurès marquera l’histoire avant tout comme un organe politique de lutte pour le socialisme et contre la guerre.

Cet article a été publié pour la première fois le 1er avril 2004.

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