Gisèle Pelicot : des verdicts attendus dans le procès pour viol qui a choqué la France

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Gisèle Pelicot : des verdicts attendus dans le procès pour viol qui a choqué la France

Le procès de viol collectif qui a secoué la France et horrifié le monde devrait se terminer jeudi par la condamnation de Dominique Pelicot, qui a admis avoir drogué son ex-femme, Gisèle, et avoir invité des inconnus dans leur chambre à coucher pour la violer. Pelicot, un électricien à la retraite de 72 ans et agent immobilier, devrait recevoir la peine maximale de 20 ans de prison demandée par le procureur lors de ce procès de trois mois et demi à Avignon. Cinquante autres hommes accusés à ses côtés, dont la plupart nient les charges, risquent des peines allant de 10 à 18 ans pour ceux accusés de viol aggravé et quatre ans pour un accusé d’agression sexuelle. Un homme est en fuite et jugé par défaut. Ils ont été invités…

Réforme des retraites : le procès incroyable du « black bloc » bordelais

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Réforme des retraites : le procès incroyable du « black bloc » bordelais

DémêlerDémêler ce qui, à l’intérieur d’un groupe, peut être attribué à chaque individu. Définir les responsabilités personnelles d’une action commune. Analyser le mouvement. C’est l’effort difficile de la justice, lorsqu’elle s’engage à poursuivre les responsables de violences et de dégradations survenues lors de manifestations. 

Affaire Bismuth : Nicolas Sarkozy se voit attribuer un an de bracelet électronique.

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Affaire Bismuth : Nicolas Sarkozy se voit attribuer un an de bracelet électronique.

Pour la première fois dans l’Hexagone, un ex-président va être équipé d’un bracelet électronique à la cheville et devra solliciter des autorisations pour ses déplacements. Le pourvoi de Nicolas Sarkozy, reconnu coupable d’actes de corruption active et de trafic d’influence dans l’affaire Bismuth, a en effet été rejeté par la Cour de cassation, le mercredi 18 décembre.

Permis d'exploitation minière : des prospecteurs d'or se précipitent vers l'ouest de la France

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Permis d’exploitation minière : des prospecteurs d’or se précipitent vers l’ouest de la France

Un nouvel épisode d’Indiana Jones se prépare-t-il en Bretagne ? Depuis plusieurs mois, une personne ayant un profil quasi légendaire est arrivée dans l’ouest de la France, à la recherche d’un trésor égaré. Keith Barron, un géologue avec la double nationalité britannique et canadienne, vivant en Suisse, est dans la soixantaine, affiche une barbe grise et a des yeux brillants lorsqu’il évoque l’or. Il est à la tête de la start-up Breizh Ressources, installée à Lorient (Morbihan), qui se consacre à l’exploration minière et a déposé trois permis exclusifs de recherches (Perm) entre juillet et octobre 2023. L’objectif est de mener des prospections sur un territoire s’étendant sur plus de 850 km2 et 42 communes de Bretagne et des Pays de la Loire. Cette initiative, qui a été annoncée seulement au début de l’année 2024, a suscité un grand intérêt parmi les habitants et les médias locaux.

En théorie, le parcours de Keith Barron est extraordinaire. Bien qu’il soit relativement inconnu en Europe, il jouit d’une réputation établie dans le secteur minier américain. Dans la presse spécialisée, il est même présenté comme une véritable figure de proue : c’est lui qui a découvert l’une des plus importantes mines d’or au monde, la Fruta del Norte, au sud-est de l’Équateur, en 2006.

© Photomontage Armel Baudet / Mediapart avec Splann !

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L’histoire que raconte le géologue semble tout droit sortie d’un film d’aventure. Tout a commencé en 1998, en Équateur. Selon Keith Barron, cette année-là, il déménage à Quito, la capitale, pour améliorer son espagnol, après avoir obtenu son diplôme en géologie à l’Université Western Ontario et avoir travaillé en Guyane et au Venezuela. Il est accueilli par une famille dont le père enseignant se spécialise dans les premières cartes de la région amazonienne. Partageant son intérêt pour les minerais, ce dernier attire l’attention de Keith Barron sur deux sites, anciennement exploités par les conquistadors espagnols et recouverts par la jungle depuis lors : Sevilla de Oro et Logroño de los Caballeros, au sud de Quito.

Keith Barron se lance alors à la recherche des cités disparues, après avoir consacré deux mois à l’étude de documents dans des bibliothèques des États-Unis et d’Ottawa, au Canada. Une fois sur le terrain, ses recherches prennent une tournure surprenante : lui et deux collègues découvrent des dépôts d’or dans la Cordillera del Cóndor, une chaîne de montagnes à l’est des Andes, près de ces deux cités.

Pendant cinq ans, les trois explorateurs scrutent minutieusement une zone de plus de 90 hectares, jusqu’à faire une découverte majeure en mars 2006 : le site de la Fruta del Norte, où se trouvent 10 millions d’onces d’or (une once équivalant à 31,10 grammes). Deux ans plus tard, le trio cède la mine à Kinross Gold pour 1,2 milliard de dollars canadiens et le magazine spécialisé The Northern Miner nomme alors Keith Barron et ses collègues « personnalités minières de l’année ». Keith Barron entre alors dans l’histoire.

Voilà pour ce que l’on appelle le storytelling. Cependant, William Sacher, enseignant canadien, chercheur à Quito et titulaire d’un doctorat en géoscience, met en garde : « C’est une belle narration qui évoque de vieilles cartes, du flair, de la chance et de l’intuition. C’est un discours destiné aux investisseurs, mais la vérité est bien différente. »

Selon William Sacher, les géologues spécialisés dans la recherche de minerais ont une approche intuitive : « Ils utilisent des techniques spécifiques, des relevés scientifiques effectués dans les sols par des organismes spécialisés [comme le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) en France – ndlr] et se basent sur des consultants locaux expérimentés. » Certains pourraient également posséder des compétences moins avouables : « Ils savent identifier les bonnes personnes pour obtenir les bonnes informations et négocier pour accéder aux sites recherchés. Dans certains pays, ils peuvent même se livrer à la corruption auprès de fonctionnaires », suspecte-t-il.

Une belle histoire pour séduire les investisseurs
La nécessité d’une narration attrayante est liée au secteur dans lequel évolue Aurania Resources. Elle est une « junior », dont la mission principale est d’explorer les sous-sols à la recherche de minerais. Si des découvertes sont faites, elle obtient ensuite un permis d’exploitation, après approbation du ministère des Finances et de l’Industrie, à une « major », dont la tâche est d’extraire le minerai découvert.

Dans la chaîne de valeur du secteur minier, les juniors prennent généralement les plus grands risques financiers : « Il faut un alignement parfait des circonstances pour qu’un site exploré devienne effectivement une mine », souligne William Sacher. Les juniors formulent des hypothèses sur le contenu des sols, mais ne bénéficient d’aucune certitude. De plus, il leur faudra plusieurs années pour obtenir des données fiables : il faut entre trois et six ans pour mener des analyses complètes. Autant dire une éternité pour les investisseurs.

C’est pourquoi, comme l’expliquent Brice Laurent et Julien Merlin, sociologues aux Mines ParisTech et au CNRS, dans leur article « L’ingénierie de la promesse : le renouveau minier et la mine responsable » : « Les incertitudes géologiques ne permettent aux juniors d’estimer précisément les ressources que très tard, les obligeant à mener un travail de conviction reposant à la fois sur des éléments concrets et discursifs […], l’effort mené par les juniors associe donc exploration géologique et communication vers les investisseurs. »

Une société enregistrée à Toronto, immatriculée aux Bermudes
Derrière cette belle histoire se cache une réalité plus tangible. Le siège d’Aurania Resources est établi à Toronto, au Canada, mais elle est immatriculée au registre du commerce des Bermudes. Keith Barron reste le principal actionnaire, détenant 43 % des actions, en association avec d’autres investisseurs comme Haywood Securities Inc., une société d’investissement canadienne avec 29 % des parts, et Citibank Canada qui en détient 6 %.

Son objet est défini comme suit : « L’exploration minière visant à sélectionner, jalonner ou acquérir des propriétés minières et à explorer ces propriétés pour des gisements potentiellement riches en or, cuivre, argent et autres matières premières de valeur. » Son projet phare est la poursuite du vieux rêve initié par Keith Barron sur le chemin de l’or en Équateur. Nommé « Lost Cities-Cutucu », ce projet comprend quarante-deux permis d’exploitation couvrant plus de 2 000 km2.

Les opérations d’exploration en Bretagne ressemblent à une stratégie classique pour les juniors, selon Brice Laurent et Julien Merlin, qui citent un président de junior interrogé lors de leur recherche : « Multiplier les projets d’exploration minimise le risque géologique et convainc les investisseurs qu’au moins un projet aboutira à une découverte valable. Une junior ne misant que sur un seul projet ne serait pas considérée comme crédible sur les marchés financiers. »

Réflexion corroborée par Breizh Ressources : « Les sociétés juniors fonctionnent sur le même principe que les start-up, notamment dans la recherche médicale et le développement de vaccins : elles doivent simultanément attirer des investisseurs privés via l’émission d’actions et mener des travaux de recherche pour espérer aboutir à des découvertes. »

Le géologue en quête des sous-sols bretons
Le géologue aux airs d’Indiana Jones a demandé, par l’intermédiaire de Breizh Ressources, l’autorisation d’explorer les sous-sols bretons à la recherche d’or et d’une quarantaine d’autres minerais. À ce propos, Keith Barron développe également une histoire captivante. Son intérêt pour la Bretagne aurait été éveillé en juin 2022 lorsqu’il apprend que le Muséum national d’histoire naturelle de Paris (MNHN) expose la plus grosse pépite jamais trouvée en France. Cette pépite d’or pèse 3,3 kilos, contenant 1,1 kilo d’or (mêlé à du quartz), acquise par la Banque de France en 2022 et exposée au musée.

Il explique que son équipe aurait contacté le musée pour obtenir davantage d’informations. Celui-ci lui aurait alors révélé que le Journal du Morbihan avait déjà mentionné cette pépite en juillet 1875, avec ces mots : « Des ouvriers étaient occupés à casser des pierres sur le grand chemin qui conduit à Kervignac. Une d’elles, étant plus dure que les autres, fut écartée par le cantonnier […]. La pierre en question, provenant d’une carrière de quartz, contenait un filon d’or d’une assez large étendue, qu’un expert aurait évalué, dit-on, à plus de cinq cents francs. »

Puis, toujours d’après l’histoire racontée par le géologue, une rencontre en juin 2023 le convainc de l’importance de mener des recherches dans la région. Keith Barron croise un exposant (souhaitant rester anonyme) au salon des minéraux de Sainte-Marie-aux-Mines (Alsace), qui lui montre un échantillon ayant des caractéristiques similaires à celles de la pépite exposée au Muséum, également trouvé dans la région d’Hennebont.

Le géologue n’a plus aucun doute : il est impératif d’explorer ce sol breton. Vérifications effectuées par Splann auprès des divers acteurs concernés, les informations relatives aux pépites d’or sont vérifiées. En revanche, le MNHN déclare n’avoir jamais été approché par l’équipe de Keith Barron, « au titre de son expertise scientifique ».

À partir de juin 2023, le processus s’accélère. La société Aurania Resources, dirigée par Keith Barron, a formé Breizh Ressources en septembre 2023. Son but est « l’étude géologique, l’exploration des ressources minérales, l’évaluation et l’exécution de solutions de dépollution, ainsi que le traitement et la valorisation d’anciens rejets miniers ».

Le 21 juillet 2023, alors que Breizh Ressources était encore en cours de constitution, la société a soumis un premier permis d’exploration minière dénommé « Epona », englobant les communes de Kervignac, Nostang, Hennebont et Languidic. Puis, un second le 5 octobre 2023, nommé « Bélénos », s’étendant sur 440 km², deux départements et dix-huit communes. Enfin, le 11 octobre 2023, « Taranis », couvrant 360 km², trois départements et vingt communes. À noter que les noms de ces permis sont inspirés de divinités gauloises de la mythologie celtique.

© Infographie Mediapart

Quant aux évaluations d’impact destinées à juger des éventuels dommages environnementaux liés à ce type de recherches, elles ont été réalisées par le bureau d’ingénierie ENCEM Sud-est, situé à Vénissieux, près de Lyon, entre le 4 et le 19 juillet 2023 pour le dossier Epona et entre le 12 et le 28 juillet pour les dossiers Bélénos et Taranis.

De son côté, Breizh Ressources minimise cette impression d’urgence en affirmant que ses géologues avaient « déjà identifié l’intérêt géologique du massif armoricain », mais que leurs démarches avaient jusqu’alors été freinées par « le manque de volonté politique et la faible prise de conscience de l’importance de relocaliser l’approvisionnement en métaux stratégiques ».

« Un pays à forte tradition minière »
Le champ d’investigation des trois permis ne se limite pas à l’or. Breizh Ressources a élargi ses recherches à une quarantaine d’autres minerais, y compris l’antimoine, l’étain, le titane, le zirconium et le lithium. Ces documents établissent que le coût total des opérations d’exploration s’élève à 1,95 million d’euros pour les deux premières phases des trois Perm. Et, si les résultats s’avèrent positifs, de nouveaux investissements seront nécessaires pour poursuivre les opérations.

C’est pourquoi Keith Barron est à la recherche de nouveaux financements. Comme il s’en vante, il s’est personnellement engagé dans Aurania Resources : il a prêté 3 millions de dollars canadiens à la société en 2023. Le géologue, souvent invité dans des émissions spécialisées américaines et canadiennes diffusées sur Internet, en profite pour essayer de convaincre des investisseurs potentiels.

Dans ces vidéos, il présente les éléments de son récit breton : la fameuse pépite inédite, les articles de journaux datant du début du siècle et la légende de Jules César, qui aurait amassé une fortune en Gaule avant de retourner à Rome. Il souligne également que les métaux critiques, comme l’antimoine et le nickel, sont principalement importés en Europe et que le « Vieux Continent souhaite atteindre l’autosuffisance ».

Il mentionne même la création d’un fonds de 500 millions d’euros par Emmanuel Macron pour soutenir les investissements dans ce secteur. Il s’agit, en effet, d’un fonds dédié aux métaux critiques établi en mai 2023, avec l’État y participant via la Caisse des dépôts et consignations.

Cependant, il avertit que les démarches en France ne sont pas si simples : « C’est un peu une black box [boîte noire – ndlr], il y a beaucoup de bureaucratie. Cela prend du temps, mais nous collaborons avec les autorités. Les sous-sols appartiennent à l’État, donc un permis est nécessaire pour extraire. » En étant optimiste quant au succès des demandes : « C’est un pays avec une longue histoire minière. Et puis partout, on a besoin d’emplois, non ? » En fin de compte, on se demande s’il espère rééditer son succès et décrocher à nouveau le gros lot comme il l’a fait en Équateur lorsqu’il lâche « I am trying to do it again » (« j’essaie de le refaire ») dans un cri du cœur.

Les vidéos et l’histoire d’Aurania Resources mettent particulièrement en avant Keith Barron. C’est lui qui a signé les documents officiels des Perm et s’est exprimé publiquement en premier auprès des investisseurs. Cependant, il est entouré d’une équipe, dont deux hommes sont particulièrement actifs en France : Jean-Paul Pallier et Stefan Ansermet.

Jean-Paul, originaire de Bretagne et diplômé de l’université de Brest, a commencé sa carrière au BRGM en Guyane en 1995 avant de rejoindre Aurania Resources en 2009. Le second, conseiller spécial, est l’un des fondateurs de l’entreprise. Ce sont eux qui portent les projets d’Aurania Resources en France à travers Breizh Ressources : ils sont les principaux interlocuteurs des collectivités locales concernées par les trois Perm ainsi que des associations locales.

Fin 2024, Jean-Paul Pallier a même été mentionné dans la presse dans un article intitulé : « Breizh Ressources est une start-up qui ne génère pas de profits ».

Les deux collaborateurs de Keith Barron ont également attiré l’attention récemment en Corse, où Aurania Resources a créé une entité similaire à Breizh Ressources, intitulée Corsica Ressources : elle est implantée au niveau local, tout en ayant Keith Barron comme principal actionnaire. Là-bas, l’équipe s’intéresse au nickel présent dans les galets et le gravier de deux plages du cap Corse.

On ignore ce que le géologue découvrira dans les sous-sols français. Cependant, une chose est certaine : il est parti à la recherche de minerais, d’aventures et de gloire.

Un maire de Meurthe-et-Moselle accusé de harcèlement moral envers six de ses collaboratrices.

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Un maire de Meurthe-et-Moselle accusé de harcèlement moral envers six de ses collaboratrices.

Depuis 2020, Hamdi Toudma occupe le poste de maire de Longlaville (Meurthe-et-Moselle), une localité de 2 500 habitant·es située à la frontière du Luxembourg. Cet homme politique de 48 ans sera jugé par le tribunal correctionnel de Val-de-Briey, le 2 septembre 2025, pour des faits de harcèlement moral sur six femmes de son cercle professionnel et une agression sexuelle à l’encontre de l’une d’entre elles, selon des informations relayées par Mediapart et confirmées par le parquet. 

À Mayotte, sans électricité, eau ou nourriture, « on évoque la survie aujourd'hui »

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À Mayotte, sans électricité, eau ou nourriture, « on évoque la survie aujourd’hui »

 Ce Ce qui s’est déroulé à Mayotte est d’une intensité et d’une gravité hors du commun. Il est rare qu’un territoire aussi éloigné soit ainsi ravagé », fait remarquer Julien Bousac, coordinateur de Médecins du monde à Mayotte, qui est pourtant « habitué aux situations de crise ». Il souligne « l’absence totale de perspective » encore aujourd’hui, trois jours après le passage du cyclone Chido, dont les vents ont atteint des pointes de 260 kilomètres à l’heure.

Contre la désinformation, Mediapart abandonne X

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Contre la désinformation, Mediapart abandonne X

À la suite de discussions menées par la Société des journalistes (SDJ) et d’un échange collectif au sein de l’équipe, Mediapart a pris la décision de quitter X (anciennement Twitter) le 20 janvier 2025. Ce jour-là coïncide avec l’investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche, qui désigne les journalistes comme des « ennemis du peuple », ainsi qu’avec l’entrée en fonction d’Elon Musk, le propriétaire de la plateforme, à la tête du ministère de l’« efficacité gouvernementale ». Nous avons documenté dans nos colonnes le risque fasciste que représente cette nouvelle présidence, non seulement pour son pays, mais également pour toute l’Europe. Nous avons abordé la manière dont le dirigeant de X a utilisé son réseau social pour plonger le monde dans une nouvelle ère, celle du chaos informationnel. Comment il a su influencer ses utilisateurs et utilisatrices au profit de la victoire de son camp. « You are the media now », a-t-il déclaré à ses adeptes le lendemain de l’élection de son candidat, signifiant ainsi son intention de mettre fin au journalisme.

© Photomontage Armel Baudet / Mediapart avec AFP

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En tant que média, nous avons une mission historique à défendre : celle de rechercher la vérité des faits à travers des informations recoupées, vérifiées et documentées. Pour assurer un débat public démocratique authentique, il est de notre devoir de lutter contre les fausses nouvelles, qui représentent le poison de l’inégalité et de la haine, et la guerre de tous contre tous. « Ce qui permet l’émergence d’un État totalitaire ou d’une dictature, c’est l’ignorance des gens […]. Si tout le monde ment en permanence, la conséquence n’est pas que vous croyez aux mensonges mais plutôt que personne ne croit en rien », affirmait Hannah Arendt en 1974 lors d’une interview à la New York Review of Books. Alors que l’idéologie d’extrême droite et l’industrie technologique s’allient pour réaliser un monde orwellien inspiré de 1984, où la paix est synonyme de guerre, la liberté d’esclavage et la distinction entre vrai et faux est effacée, nous ne pouvons ignorer cette réalité.
Comme contre-pouvoir, nous nous opposons à ce renversement des valeurs. Cela signifie d’abord et avant tout refuser d’être enfermés dans le cadre établi par les adversaires de la liberté d’informer et du pluralisme.
S’adresser à l’ensemble de la population
En restant, qu’on le veuille ou non, nous légitimons leur espace et leurs armes. Auprès de qui ? de ce que nous chérissons le plus : nos lecteurs et nos lectrices, celles et ceux qui nous sont fidèles, mais aussi, plus largement, celles et ceux qui s’intéressent, même de loin, à nos informations, pour les discuter et éventuellement les remettre en question.
En demeurant sur cette plateforme risquée, nous les incitons à s’y retrouver, nous les exposons délibérément à des dangers en les confrontant à la désinformation, au harcèlement et au vol de leurs données. En alimentant l’algorithme de X, nous soutenons la machine qui nous détruit et participons à la création de monstres.  

Nous ne faisons pas d’amalgame entre Musk et les utilisateurs et utilisatrices de X. Mediapart s’adresse à tout le monde sans exception. Plus que jamais, nous nous engageons à être accessibles au plus grand nombre, à partager nos informations et à faire entendre notre voix au-delà de nos abonné·es. Notre stratégie consiste donc à amplifier notre présence sur d’autres réseaux sociaux et à multiplier les événements publics, partout en France, pour permettre à toutes et tous de nous rencontrer.
Nous rejetons fermement l’entre-soi : la bulle, aujourd’hui, c’est X.
Nous acceptons plus que jamais l’adversité : X est devenue une prison, c’est-à-dire un espace de soumission. Nous ne tolérerons pas qu’un libertarien d’extrême droite tente de nous faire taire et de nous lier. 
Il est temps de faire notre deuil de cette plateforme, qui, à une époque, pouvait symboliser la promesse d’un Internet contrôlé par ses utilisateurs, un Internet porteur d’égalité et d’accès partagé à la connaissance, celui-là même sur lequel Mediapart a démarré en 2008 lors de sa création. L’écosystème a évolué et les réseaux se sont diversifiés. Le capitalisme extractiviste a investi le savoir comme nouveau champ d’exploitation et les géants du Net le réduiront à l’état de désert. 
Rebâtir la « rue numérique »
Nous sommes ainsi conscients des limites des alternatives à X et en documentons d’ailleurs les dérives. Il est difficile de prédire l’avenir de Bluesky, Threads, Instagram, LinkedIn ou TikTok. Il est plus envisageable que Mastodon reste un espace viable à long terme en raison de son architecture décentralisée et de ses règles de modération variant selon les « instances », comme celle que Mediapart a mise en place il y a un an.
Ce que nous savons, c’est qu’entre ces univers plus ou moins durables et X, il existe une distinction de nature et non de degré. La plateforme de Musk est désormais aux mains de la plus mauvaise idéologie qui existe, celle du suprémacisme blanc, soutenue par la plus grande puissance économique et militaire mondiale. À ce jour, aucun équivalent ne peut rivaliser en termes de pouvoir de nuisance. 
Contrairement à certains journaux, dont la survie dépend des communautés qu’ils ont patiemment construites, nous avons la possibilité de choisir : notre modèle économique, fondé sur le soutien exclusif de nos abonné·es, n’est en aucun cas soumis aux algorithmes. 
Plutôt que de subir, nous choisissons de contribuer à l’élaboration d’une nouvelle « rue numérique ». Nous agissons avec celles et ceux qui, comme nous, journalistes, universitaires, défenseurs des libertés publiques, syndicats, ont décidé de quitter X le 20 janvier. Nous agissons surtout avec les citoyens et citoyennes qui s’opposent aux attaques antidémocratiques et œuvrent à bâtir des ponts plutôt que des barrières. 
D’ici le 20 janvier, le compte de Mediapart cessera de publier sur X, les journalistes et salarié·es de l’équipe étant libres de choisir leur positionnement.
D’ici là, nous incitons nos abonné·es à migrer et à nous rejoindre sur Mastodon ou Bluesky. Vous pouvez également suivre le compte du Club, l’espace d’expression libre de nos abonné·es, ici pour Mastodon, et ici pour Bluesky. Pour créer un compte sur Mastodon, nous vous recommandons de le faire via Piaille.fr, une « instance » francophone de confiance accessible à toutes et à tous.
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Le dernier rapport suite au passage du cyclone Chido à Mayotte indiquait lundi en début d’après-midi un bilan de vingt décès. Cependant, ce chiffre risque d’être bien plus élevé. Les pertes humaines pourraient se chiffrer par centaines, voire par milliers, a alerté le préfet, François-Xavier Bieuville, sur Mayotte La Première dimanche soir. Les images et les vidéos reçues de l’île n’offrent guère d’espoir : des milliers de logements ont été détruits par la tempête.

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Le 19 septembre 1989, Danièle Klein a perdu son frère lors de l’attentat perpétré contre un avion de ligne DC-10 de la compagnie UTA, et sa mère, Yohanna Brette, qui travaillait comme hôtesse de l’air. L’appareil, en route entre le Congo-Brazzaville et Paris, a explosé en plein vol au-dessus du désert du Ténéré, au Niger, causant la mort de 170 personnes au total, dont 54 Français·es.

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