Du Népal au Qatar, portrait en miroir des travailleurs migrants
Alors que le grand cirque de la Coupe du monde de football prend ses quartiers dans l’émirat qatari, une nation plus lointaine continue d’en payer le prix fort. Coincé entre la Chine et l’Inde, le Népal a vu des centaines de milliers d’hommes se relayer pour dresser au milieu du désert brûlant les stades et autres infrastructures qui accueilleront fans et joueurs. Derrière les ressortissants indiens, les Népalais ont formé le contingent de travailleurs le plus important au Qatar sur la dernière décennie – la compétition a été attribuée au pays en décembre 2010. Parmi les milliers d’ouvriers morts sur les chantiers recensés par diverses organisations de défense des droits humains, au moins 2 100 travailleurs étaient népalais. Depuis 1994, le photographe belgo-français Frédéric Lecloux se rend régulièrement au Népal pour son travail personnel. Au pic de l’activité des constructions au Qatar (entre 2015 et 2016), le photographe s’est mis en tête de réaliser un portrait en miroir de ce tragique processus migratoire – entre le sud-est népalais et les banlieues arides de Doha – pour montrer qu’il s’agit autant d’une histoire qatarienne que népalaise. VICE : Comment avez-vous pris conscience de la problématique des travailleurs migrants népalais au Qatar ?Frédéric Lecloux : Cela s’est fait en plusieurs étapes. En premier lieu, c’est tout simplement en prenant l’avion pour rejoindre le Népal, où je me rends depuis le milieu des années 1990. Lors de ces voyages, je faisais généralement escale à Abu Dhabi, Dubaï ou donc Doha [la capitale du Qatar] avant de prendre un vol vers Katmandou. Et pour cette deuxième partie du voyage, à partir du début des années 2000 je me suis progressivement aperçu que les passagers étaient presque uniquement des jeunes hommes népalais, avec très peu de touristes. C’est là que j’ai pris conscience de l’ampleur…