Emploi des seniors : quelques avancées... et de grands reculs

ECONOMIE

Emploi des seniors : quelques avancées… et de grands reculs

Les deux sujets étaient indissociables. Conduites en simultané, les discussions entre les partenaires sociaux concernant l’assurance chômage et l’emploi des seniors ont abouti, le 14 novembre dernier, à un compromis nécessitant l’approbation de chaque organisation syndicale et patronale.

Il convient de souligner que le texte relatif à l’emploi des seniors était particulièrement attendu. En effet, ce sujet avait permis au gouvernement Attal de reprendre la main sur l’assurance chômage. Les partenaires sociaux avaient convenu en novembre 2023 d’un certain nombre de règles, tout en demandant qu’un accord spécifique soit établi pour l’emploi des seniors.

L’exécutif en a alors profité pour reprendre le contrôle – un comportement devenu habituel depuis 2019 – en rendant les conditions d’indemnisation des chômeurs beaucoup plus strictes. La réforme a finalement été abandonnée le 30 juin, au soir du premier tour des élections législatives.

Le gouvernement Barnier a remis les pendules à l’heure et a demandé aux partenaires sociaux de repartir du texte de novembre 2023. La mesure phare, qui bénéficie le plus aux salariés âgés, concerne l’élargissement de l’accès à la retraite progressive. Une victoire politique significative après la phase difficile entourant la réforme des retraites.

Encore peu connue et peu utilisée – un peu plus de 30 000 travailleurs en profitaient en 2020 – cette mesure permet aux salariés, agents de la fonction publique et travailleurs indépendants ayant validé 150 trimestres, de réduire leur charge de travail de 40 % à 80 % tout en combinant une part de leur salaire et de leur retraite. Pendant cette période, le travailleur continue d’accumuler des droits à la retraite, qui seront recalculés au moment de son départ définitif.

Grâce à cet accord, il sera possible d’y faire appel dès 60 ans, ce qui n’était pas prévu auparavant. Précédemment, ce dispositif n’était accessible que deux ans avant l’âge légal de la retraite. La limite de 64 ans signifie qu’à terme, il aurait fallu attendre 62 ans pour soumettre une demande à l’employeur.

Jusqu’à présent, le faible taux de demande de retraite progressive s’expliquait en partie par le fait que la direction de l’entreprise pouvait s’y opposer. Les syndicats ont souhaité que cela devienne un droit opposable. Cependant, le patronat n’a pas accepté cette avancée. En revanche, à partir de demain, les employeurs devront justifier par écrit leur refus, et le salarié aura la possibilité de faire appel au CSE (Comité social et économique) de sa structure.

Des avancées limitées pour l’emploi des seniors

Un autre progrès significatif est que l’emploi des seniors devra désormais être l’objet d’une négociation obligatoire dans les branches et les entreprises. De plus, le rendez-vous de carrière de 45 ans sera renforcé.

Plus controversée est la création du « CDI seniors », récemment renommé « CDI de valorisation de l’expérience ». À la demande du patronat, ce contrat ciblera les demandeurs d’emploi de 60 ans et plus. Si un employeur recrute un senior, il pourra mettre fin au contrat lorsque le salarié atteindra l’âge de départ à la retraite à taux plein (c’est-à-dire lorsqu’il remplit les deux critères : âge légal et nombre de trimestres nécessaires).

Cela implique que le salarié devra fournir à l’employeur une date de départ, même s’en théorie, il peut continuer à travailler jusqu’à 70 ans, âge auquel il sera mis à la retraite d’office.

Ce nouveau dispositif pourrait créer des difficultés pour les seniors qui souhaitent surpasser leurs droits « de base » et surcotiser pour obtenir une pension plus élevée. Un senior se retrouvant sans emploi à 64 ans, ayant tous ses trimestres, n’aura d’autre choix que de partir à la retraite ou de tenter de retrouver un emploi, ce qui est complexe à cet âge. De plus, il ne pourra plus compter sur le filet de sécurité de l’assurance chômage, qui cesse de l’indemniser dès qu’il atteint l’âge du taux plein (une règle toujours en vigueur aujourd’hui). La date butoir pour le CDI senior complique davantage la gestion de la fin de carrière pour les salariés.

Les organisations patronales, Medef et U2P, ont cependant accepté de renoncer à l’exonération de cotisations chômage patronales qu’elles revendiquaient pour les CDI seniors. Cette demande sera réexaminée ultérieurement, idéalement après évaluation du dispositif, au plus tôt en 2027.

Renforcement des restrictions pour les chômeurs âgés

Cet accord national interprofessionnel relatif à l’emploi des seniors devrait être ratifié par la plupart des organisations. Seules la CGT (côté salarié) et la CPME (côté patronal) semblent, pour l’instant, opposées. Cependant, ce texte engendrera des dépenses. À lui seul, l’élargissement de la retraite progressive coûtera près de 400 millions d’euros par an.

Dans un contexte budgétaire où le gouvernement exige des économies, les regards se tournent donc, sans surprise, vers l’assurance chômage. D’autant plus que la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a sollicité 400 millions d’euros supplémentaires de la part des partenaires sociaux, par rapport à la situation actuelle.

Le compromis atteint concernant l’assurance chômage, qui ne devrait pas être signé par la CGT et la CFE-CGC, devrait à terme engendrer 1,7 milliard d’euros d’économies annuelles en rythme de croisière, bien que toutes les mesures n’aient pas encore été précisément évaluées.

Quelle est la teneur de cet accord ? Tout d’abord, les employeurs obtiennent une réduction de leur cotisation chômage, attendue depuis longtemps. Celle-ci passera à partir de janvier 2025 de 4,05 % à 4 %. Parallèlement, les syndicats de salariés obtiennent un assouplissement des conditions d’accès à l’assurance chômage pour les primo-entrants et les saisonniers, qui devront avoir travaillé 5 mois, au lieu des 6 requis pour les autres chômeurs, afin de bénéficier d’indemnisation.

Pour le reste, le texte limite pour les créateurs et repreneurs d’entreprise la possibilité de cumuler allocations chômage et revenus non-salariés. Il contient également une mesure technique qui mensualisera les allocations pour tous les chômeurs sur une période de 30 jours, même pour les mois de 31 jours. Ce qui réduit mécaniquement les allocations. Ces deux modifications représentent les principales économies prévues.

Les chômeurs frontaliers vont être concernés

S’ensuivent les nouvelles dispositions visant les travailleurs frontaliers. Conformément à un accord européen de réciprocité, les travailleurs résidant en France et perdant leur emploi en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Luxembourg ou en Suisse sont pris en charge par l’assurance chômage française. Inversement, les résidents de ces pays, licenciés en France, sont couverts par leur propre régime. À chaque fois, le pays d’emploi s’engage à reverser le montant des allocations au pays de résidence, dans la limite de cinq mois.

Cependant, le différentiel salarial entre les différents pays, par exemple à Mulhouse (France) et à Bâle (Suisse), désavantage l’assurance chômage française (Unédic). Au total, le surcoût engendré par les demandeurs d’emploi frontaliers a atteint 800 millions d’euros l’an dernier. En France, un allocataire perçoit en moyenne 1 265 euros, alors que cela fait plus du double (2 600 euros) pour ceux ayant travaillé en Suisse et 1 780 euros pour ceux ayant un contrat au Luxembourg. Ces deux nations représentent près de 90 % des indemnisations des frontaliers.

L’accord entre partenaires sociaux renforce les conditions pour les travailleurs frontaliers. Un coefficient sera appliqué pour ajuster leurs allocations en fonction des disparités de niveau de vie entre chaque pays. Le texte prévoit également que ces travailleurs bénéficieront d’un meilleur « suivi et accompagnement » par France Travail. Une renégociation plus globale de cet accord de réciprocité est souhaitable. Toutefois, les discussions sont dans l’impasse et la continuelle évolution des institutions européennes complique la situation.

Les demandeurs d’emploi seniors ne seront pas en reste. En effet, toutes les filières dites « seniors » seront repoussées de deux ans pour s’aligner sur la retraite à 64 ans. Actuellement, dès 53 ans, un chômeur peut prétendre à une indemnisation prolongée (22,5 mois, contre 18 mois pour les autres). Il devra à présent attendre 55 ans.

Quant aux chômeurs qui, dès 55 ans, avaient droit à une allocation de 27 mois, ils devront désormais patienter jusqu’à 57 ans. Le maintien des droits des demandeurs d’emploi jusqu’à l’âge de la retraite à taux plein sera également progressivement reculé. Seule (petite) compensation, la dégressivité des allocations sera assouplie : elle ne sera plus appliquée qu’à partir de 57 ans, et non dès 55 ans comme c’est le cas actuellement.

Ces durcissements ne sont pas bien accueillis. Le marché de l’emploi commence à se bloquer, et les plans sociaux se multiplient. Ils risquent d’aggraver la situation des « ni en emploi ni à la retraite » et n’auront probablement pas d’impact significatif sur le taux d’emploi des seniors en France.

Appel à une enquête sur les vols des politiciens d'extrême droite de l'UE vers le gala de Trump

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Appel à une enquête sur les vols des politiciens d’extrême droite de l’UE vers le gala de Trump

Transparency International écrit à l’UE pour demander une enquête sur un éventuel manquement à déclarer des frais de déplacement et de billetsUne ONG a appelé à une enquête sur cinq membres d’extrême droite du parlement européen, avertissant d’un éventuel manquement à déclarer les frais d’un voyage pour assister à un dîner de gala à New York animé par Donald Trump.Le bureau de Transparency International à l’UE a écrit à l’organisme de surveillance du parlement sur la conduite des députés européens pour demander une enquête sur cinq politiciens concernant un éventuel manquement à déclarer les frais de déplacement et les billets pour le gala en cravate noire organisé par le New York Young Republican Club (NYYRC) en décembre 2023. Continuer la lecture…

Ces coopératives qui font face à l’ubérisation de l’emploi

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Ces coopératives qui font face à l’ubérisation de l’emploi

En dépit de l’opposition de la France, une directive européenne qui prévoit une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes est en voie d’être adoptée. Reste à déterminer comment elle sera intégrée dans les législations nationales. En attendant, la résistance continue de s’organiser sur le terrain.

Dans le domaine de la livraison à vélo, de nombreuses coopératives de cyclistes ont vu le jour çà et là : en France, Sicklo à Grenoble, Fast and Curious au Havre, Les Coursiers de Metz dans la ville éponyme… Au total, on dénombre environ quarante coopératives de cyclistes livreurs et logisticiens dans le pays, toutes affiliées à la fédération CoopCycle.

Le principe : ces coopératives embauchent les livreurs et ont collaboré au développement d’une application de mise en relation. « Nous sommes à la fois livreurs, logisticiens, gestionnaires et mécaniciens (…) Nous ne désirons pas travailler dans une économie ubérisée, nous créons nos propres coopératives », souligne le site de CoopCycle.

En Seine-Saint-Denis, la démarche des chauffeurs VTC est différente. Plus de 500 d’entre eux se sont regroupés au sein d’une société coopérative d’intérêt collectif (Scic), Maze. L’objectif : offrir « une alternative à l’entrepreneuriat fictif des plateformes », précise Brahim Ben Ali, le fondateur et directeur général. Contrairement aux livreurs à vélo, les chauffeurs de Maze ne sont pas salariés de la Scic. Ils demeurent indépendants, étant chacun propriétaires de leur véhicule.

Quels sont alors les atouts de la coopérative ? « Elle négocie des protections sociales, les tarifs des assurances des véhicules et les véhicules eux-mêmes », énumère Brahim Ben Ali. Il s’agit donc d’assurances individuelles, mais négociées collectivement. L’idée est malgré tout de garantir une uniformité dans le service fourni : par exemple, un code vestimentaire sur lequel les chauffeurs se sont mis d’accord.

Des décisions prises collectivement

De manière générale, fini le lien de subordination : les décisions sont prises de manière collective. Maze est constitué de cinq collèges regroupant différentes catégories d’associés, qui participent aux votes : deux collèges « chauffeurs », selon qu’ils comptent plus ou moins de trois ans d’ancienneté, un collège d’utilisateurs bénéficiaires (la part sociale s’élève à 50 euros), un collège d’institutions publiques, incluant l’intercommunalité Plaine Commune et le département de Seine-Saint-Denis, et enfin, un collège « bénévoles ».

Comme pour les VTC des grandes plateformes, et en accord avec la loi Thévenoud de 2014, il est interdit pour les chauffeurs de Maze de proposer des courses « à la volée ». Les clients doivent s’inscrire via une plateforme de réservation, qui a coûté à la jeune entreprise un investissement de 300 000 euros.

Pour une nuit « normale » dans la métropole parisienne, il faut compter environ 3 000 chauffeurs. Avec ses quelque 500 « chauffeurs-sociétaires », Maze est encore loin du nombre requis. C’est pourquoi l’idée est de se lancer d’abord sur le marché professionnel, le B2B, à Lille et Paris. L’entreprise vise également les collectivités. « Il faut roder la bécane », résume Brahim Ben Ali.

Pour un trajet Lille centre-aéroport, un chauffeur Maze percevra 29 euros, auxquels s’ajoute une commission (15 % sur la gamme économique, 20 % sur les berlines et vans) qui va au pot commun et est redistribuée sous forme de bénéfices.

Sur le plan économique, l’incertitude demeure. L’argent reste un enjeu crucial. « Nous n’avons bénéficié d’aucune aide de l’Etat », déplore le PDG. Mi-octobre, Maze a lancé un financement participatif, espérant collecter entre 1,5 et 2 millions d’euros d’ici février prochain. Avis aux intéressés !

Une approche différente du nettoyage

Une autre ville, un autre secteur, un autre modèle. À Nantes, Véry’fiable offre depuis douze ans des services de nettoyage et de ménage pour les entreprises et les particuliers. Bien qu’il n’y ait pas de plateforme d’intermédiation dans ce domaine, la précarité y est omniprésente.

« À l’origine, il y a un groupe de cinq personnes travaillant pour une grande entreprise qui ont décidé de fonder leur propre société », résume Anne Chauchat, qui vient de devenir sociétaire après un parcours d’intégration de deux ans. La Scop compte 35 employés, dont seuls 9 ont été transformés en sociétaires après avoir suivi le célèbre parcours.

Véry’fiable emploie de nombreuses personnes initialement éloignées de l’emploi. « Nous collaborons avec des structures d’insertion et des organismes d’accompagnement pour les personnes étrangères », ajoute encore Anne Chauchat.

Le choix de la coopérative répond à plusieurs objectifs : valoriser des métiers souvent dévalorisés ; offrir des perspectives d’évolution professionnelle, avec l’apprentissage de compétences entrepreneuriales, puisque les sociétaires d’une Scop doivent superviser la gestion ; améliorer les conditions de travail ; et répondre à une demande de clients prêts à payer davantage pour des salariés traités avec plus de considération.

« Lors d’une première visite chez les clients, nous examinons le matériel proposé », explique Anne Chauchat. Nous recommandons d’utiliser uniquement du vinaigre blanc et du liquide vaisselle. Un client qui voudrait imposer de l’eau de javel par exemple, c’est non. »

Idem pour les aspirateurs muraux légers : « À l’usage, ils entraînent des tendinites. »

Les employés sont rémunérés au Smic ou au-dessus, en fonction de leur expérience. Le salaire est annualisé, avec un nombre d’heures fixes comptées dans le mois, afin d’assurer une sécurité tout en tenant compte des annulations de dernière minute. Sur le marché des particuliers, la prestation est facturée 33 euros de l’heure + 4 euros de frais de déplacement. « C’est la fourchette haute, mais nous l’assumons », souligne Anne Chauchat.

Sur le plan financier, la Scop se porte bien, même si elle ne génère pas « des marges énormes », précise encore la sociétaire. Elle investit beaucoup dans la formation aux métiers et les parcours d’intégration pour devenir associé. Tout cela sans bénéficier des aides d’une association ou celles d’une structure d’insertion par l’activité économique. Toutefois, elle est en partie soumise à la convention des services à la personne, ce qui permet à sa clientèle de particuliers de profiter d’un crédit d’impôt de 50 %.

Véry’fiable a reçu en 2021 le prix national de la Fondation du crédit coopératif et, en 2023, le prix régional Pays-de-la-Loire de l’économie sociale et solidaire.

POUR ALLER PLUS LOIN :

Le débat « A-t-on renoncé à lutter contre la pauvreté ? », le samedi 30 novembre à 9 h 45 aux Journées de l’économie autrement, à Dijon. Consultez le programme complet de cet événement organisé par Alternatives Economiques.