Quel est le plan du cabinet de Donald Trump pour l’Amérique
Matt Gaetz a “été à Washington pour tout brûler”, déclare l’écrivain de la rédaction Dexter Filkins. “Et il a été remarquablement réussi.”
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La remise du prix de la Banque de Suède en économie 2024 incite à réfléchir sur la géographie de la recherche économique et à examiner l’évolution des décisions du comité suédois au cours des deux dernières décennies.
Après avoir abandonné la grande théorie qui motivait sa création en 1969, le prix témoigne depuis 2000 d’une volonté de distinguer des chercheurs qui s’attaquent aux enjeux contemporains plutôt qu’à ceux qui ne se concentrent que sur l’élaboration de nouveaux outils ou l’identification de mécanismes de coordination inédits.
Le choix de cette année, qui honore trois économistes démontrant l’importance du politique dans la création des institutions favorisant la prospérité et la croissance, laisse-t-il présager un regain d’intérêt pour une économie institutionnelle, historique et comparative ?
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Les lauréats de 2024, bien que d’origines nationales variées, sont tous professeurs dans des institutions universitaires parmi les plus renommées d’Amérique du Nord. Daron Acemoglu, d’ascendance turco-arménienne, est le protagoniste principal, ayant collaboré avec James Robinson, un Britannique, coauteur d’un ouvrage à succès Power and progress (2013), ainsi qu’avec Simon Johnson, un autre Britannique devenu Américain, pour le livre Why nations fail ? The origins of power, prosperity and poverty (2023).
Ce partage du prix est donc dicté par l’interconnexion de leurs travaux plutôt que par une simple convergence d’approches complémentaires comme cela a souvent été le cas auparavant.
Cette distinction n’est pas une surprise compte tenu des multiples contributions significatives de Daron Acemoglu, mais aussi parce qu’entre 2000 et 2024, les chercheurs affiliés aux universités américaines ont reçu le prix 38 fois, la France deux fois, l’Angleterre une fois et la Norvège une fois. Environ 83 % des prix ont été attribués à des établissements tels que le MIT, Chicago et Harvard, soulignant ainsi la tendance générale observée entre 1969 et 1999, où ce chiffre n’était que de 73 %. Deux interprétations opposées pourraient expliquer cette concentration extrême.
La première insiste sur le fait que les universités américaines disposent des ressources les plus généreuses, attirant ainsi les économistes les plus brillants du monde entier. Dans une profession compétitive, cette hiérarchie serait donc le résultat de critères objectifs.
Étant donné le faible nombre d’institutions concernées, on pourrait avancer qu’elles constituent un club très exclusif qui affiche sa puissance, y compris dans l’attribution des prix. Bien que le prix soit décerné par l’Académie royale de Suède, celle-ci valide la domination nord-américaine, car, depuis la Seconde Guerre mondiale, le cœur de la profession s’est déplacé de la Grande-Bretagne vers l’Amérique du Nord.
La vérité se trouve probablement entre ces deux extrêmes : il existe de remarquables économistes porteurs d’innovations significatives, mais il arrive aussi que l’affiliation à un cercle restreint, comme celui de l’université de Chicago, engendre la remise de ce prix à d’autres économistes dont l’apport est largement moins substantiel.
Le comité souligne que les trois récipiendaires ont réussi à illustrer le rôle des institutions et, par conséquent, du politique, dans la divergence entre économies prospères et sociétés empêchées d’accéder au développement. Il s’agit d’une rupture majeure vis-à-vis du leitmotiv qui a précédé, souvent enclos dans une discipline économique s’auto-référentielle mettant l’accent sur la rationalité, le marché et l’équilibre.
Les trois chercheurs soutiennent en ce sens que les marchés ne constituent pas le seul mode de coordination, car des institutions fondamentales encadrent et régulent l’activité économique. Ainsi, le politique devient inextricable de toute analyse économique qui aspire à être pertinente, au point qu’elle doit se réinventer en une économie politique.
Ces institutions ne sont pas de simples obstacles à une économie de marché, mais elles sont intrinsèques à chaque ordre économique observable dans l’espace et le temps. Certaines configurations institutionnelles favorisent une prospérité et des innovations qui s’accumulent sur le long terme. À l’opposé, en l’absence d’intermédiaires politiques capables d’assurer la diffusion des avantages du progrès technique, certaines sociétés peinent à exploiter des moments cruciaux pour sortir de la pauvreté. Les auteurs mettent particulièrement en lumière le rôle des droits de propriété, rejoignant ainsi l’École de Chicago, mais leur contribution dépasse cette institution fondamentale.
L’économiste doit porter son attention non seulement sur la production et la création de valeur et de richesse, mais également sur leur distribution, conditionnant la durabilité d’un système de croissance. De cette manière, ils apportent un complément précieux aux travaux de Thomas Piketty : alors que celui-ci privilégie la redistribution à travers la fiscalité et les biens publics, Acemoglu et ses collègues s’intéressent à la distribution initiale des revenus, également façonnée par des processus politiques.
Ainsi se rouvre le débat sur une économie institutionnelle moderne. Ce thème avait déjà été reconnu par le comité lors de la distinction de Douglas North en 1993, puis celle d’Eleanor Östrom en 2009. On peut évaluer la rareté d’une telle reconnaissance au regard des quatre autres voies qui conduisent au prix de la Banque de Suède.
En 1969, la création de ce prix s’inscrivait dans une vision ambitieuse qui souhaitait établir l’économie sur le même plan que la physique. Paul Samuelson (lauréat en 1970) en est la figure emblématique, ayant appliqué les outils mathématiques de la physique à l’économie. L’exploration de cette voie a abouti à une impasse, car la généralisation de la théorie de l’équilibre général se révèle impossible et produit autant de modèles que d’hypothèses. Il en ressort que l’espoir d’une fondation axiomatique de l’économie s’est évaporé !
De 2000 à 2024, seules trois tentatives de refondation théorique ont été récompensées. D’abord par un partenariat avec la psychologie (Kahneman, 2002), ensuite avec l’économie comportementale (Thaler, 2017), ou encore par l’analyse des liens entre innovation et croissance (Romer, 2018).
Ces deux dernières décennies ont également été témoins d’avancées significatives en matière de statistiques et d’économétrie. « Développons des méthodes rigoureuses d’analyse des données et les fondements d’une approche économique scientifique émergeront à travers une accumulation d’études empiriques » : tel est le projet de la majorité des économistes. Ils peuvent ainsi examiner les causalités, point faible des recherches économétriques classiques, ce qui explique la reconnaissance des travaux d’Heckman (2000) et de Sargent (2011).
De son côté, l’économétrie des séries temporelles ouvre la voie à une macroéconomie dynamique, essentielle pour évaluer, par exemple, les effets des politiques économiques à court et moyen termes (Engle, 2003). L’augmentation de la fréquence et le volume croissant des données financières permettent un développement sans précédent de la finance de marché : l’analyse des processus stochastiques (les marchés financiers sont-ils efficients ?) remplace les évaluations en termes d’équilibre général statique (Fama, 2013). De même, il est indéniable que les ajustements des marchés du travail présentent des caractéristiques spécifiques pouvant être mises en lumière par des techniques appropriées (Card, 2021).
Malheureusement, cette approche inductive n’a pas produit le modèle canonique que ce tournant empirique laissait espérer. Peu de régularités statistiques se retrouvent à travers les périodes, les pays ou les secteurs. En conséquence, le prix de la Banque de Suède a dû récompenser une série d’études mettant en lumière des mécanismes fondamentaux, dans l’espoir qu’elles permettent un jour d’établir une théorie à part entière !
Ce troisième axe de recherche a connu une activité accrue depuis 2000. Il commence par reconnaître avec Akerlof, Spence et Stiglitz (2001) que l’asymétrie d’information empêche les marchés d’atteindre l’efficacité et l’auto-équilibre attribués par la théorie économique classique. L’analyse des cycles économiques remplace ainsi la référence à un équilibre stationnaire (Kydland, 2004). Les théories des jeux réinventent les conceptions de l’équilibre (Aumann, 2005), tandis que la prise en compte du temps introduit des dilemmes complexes dans les décisions économiques (Phelps, 2006). L’aspect géographique n’est pas en reste avec la reconnaissance des travaux de Krugman (2010) et de son attribution de rendements croissants.
Il est remarquable que, de 2007 à 2020, de nombreuses recherches aient porté sur le fonctionnement des marchés, tant dans une perspective analytique (Hurwitz, 2007 ; Diamond, 2010 ; Roth, 2012) que normative : comment encourager la concurrence via la réglementation (Tirole, 2014) ou quelle est la meilleure manière d’organiser des enchères (Milgrom, 2020). Une autre question concerne la nature des contrats (Hart, 2016), qui sont une caractéristique essentielle des économies de marché.
Il ne fait aucun doute que les outils et les mécanismes de coordination des économistes se sont considérablement étoffés grâce à ces récompenses. Cependant, la compréhension des économies modernes a-t-elle suffisamment progressé pour fournir des recommandations scientifiquement valables aux décideurs et aux acteurs des politiques publiques ?
C’est effectivement le quatrième axe de recherche que l’Académie royale de Suède reconnait. En cela, elle se reconnecte à l’origine même de l’économie politique : observer les phénomènes récents et développer les concepts nécessaires pour les appréhender, afin d’éclairer notamment les décisions des responsables politiques.
Or, l’entrée au XXIe siècle a mis en lumière de nombreuses anomalies. Dans le domaine de la santé économique, pourquoi l’espérance de vie a-t-elle divergé entre différentes classes sociales (Deaton, 2015) ? Comment intégrer le changement climatique dans les modèles macroéconomiques (Nordhaus, 2018) ? Si la pauvreté ne peut être atténuée par des politiques macroéconomiques, pourquoi ne pas multiplier les expériences contrôlées pour en tirer des enseignements et établir des politiques ad hoc (Duflo & Banerjee, 2019) ?
Les crises financières, touchant principalement les pays en développement, notamment en Amérique Latine puis en Asie, ont commencé à affecter les économies les plus avancées – d’abord le Japon, puis les États-Unis (Bernanke, 2022). De façon implicite, l’économie était « genrée ».
Face aux revendications féministes, à l’essor du travail féminin et aux relations avec l’évolution des structures familiales, la reconnaissance de ce nouveau champ de recherche était nécessaire (Goldin, 2023). Ces spécialisations sont très utiles pour le progrès des connaissances et la gestion des politiques publiques, mais les grandes théories restent-elles envisageables ?
Porté par un certain optimisme, on pourrait penser que les lauréats de 2024 signalent un retour à l’âge d’or de l’économie politique nord-américaine, institutionnaliste et historique, marqué par des penseurs tels que Commons, Mitchell ou Veblen. Cependant, une certaine prudence est de mise.
En effet, bien que Douglas North soit célébré et reconnu, il n’a pas établi l’équivalent de l’école de pensée de Milton Friedman. La reconnaissance des travaux d’Eleanor Östrom (2009) est étonnante a priori, puisque celle-ci démontrait que les individus d’une communauté peuvent concevoir des formes d’organisation innovantes pour gérer efficacement et équitablement une ressource naturelle partagée, c’est-à-dire un bien commun. À noter également que l’axe de l’économie institutionnelle, tout comme celui des fondements théoriques, demeure plutôt limité !
La question de la collaboration entre diverses disciplines se pose, où l’économie standard n’est pas nécessairement dominante, nécessitant la coopération entre économistes, sociologues, politologues, gestionnaires, psychologues, juristes, historiens et philosophes. La Society for the Advancement of Socio Economics (SASE) a été fondée en 1989 dans ce but et jouit d’une reconnaissance internationale. On hésite à évoquer l’approche de la régulation ou la théorie des conventions qui depuis longtemps s’attachent à un renouvellement théorique de l’économie autour du rôle des institutions et des organisations.
Tous ces courants ont-ils une réelle chance de devenir les futurs lauréats du prix de la Banque de Suède en économie ? L’avenir nous le dira, mais la première partie de cet article suscite des doutes sur cette question !
Dans sa quête incessante d’économies, le gouvernement Barnier – suivant les traces de son prédécesseur – s’attaque aux arrêts maladie. En d’autres termes, à « l’absentéisme » au sein des entreprises et des administrations, pour reprendre le jargon des ministres.
Les sommes reversées par l’Etat au titre des indemnités journalières (IJ) perçues par les personnes absentes pour des motifs de santé ont atteint 15,8 milliards d’euros en 2023. Ce qui représente une hausse de 5,4 milliards d’euros par rapport à 2015.
C’est bien trop pour le gouvernement, qui refuse d’admettre les facteurs structurels derrière l’augmentation des arrêts maladie et le coût associé pour les finances publiques. La liste est cependant longue : le vieillissement de la population, la dégradation des conditions de travail et l’allongement de la durée de travail entraînent des arrêts, mais l’augmentation du Smic, qui sert de base au calcul des indemnités journalières, ainsi que l’intégration des travailleurs indépendants et des professions libérales au régime général contribuent également à alourdir la note.
Une étude de la Dares met d’ailleurs en avant l’un de ces éléments. Elle souligne le lien entre une exposition accrue aux risques physiques et psychosociaux (RPS) et les absences pour maladie. Entre 2013 et 2016, le nombre de jours d’arrêt maladie pour une personne soumise à toujours plus de RPS a par exemple triplé.
Mais pour l’exécutif, l’augmentation des arrêts maladie est forcément due à des abus. Du moins en grande partie.
C’est pourquoi pour mettre un terme à cette « dérive », exprimée par Guillaume Kasbarian, le ministre de la Fonction publique, plusieurs options sont envisagées dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), débattu cette semaine au Parlement. Et il n’est pas question de faire de jaloux, les propositions de l’exécutif concernent aussi bien les agents du secteur public que les employés du privé.
La première mesure défendue par le gouvernement consiste à étendre le délai de carence en cas d’arrêt maladie des fonctionnaires à trois jours, contre un seul jour actuellement. Comme nous l’évoquions déjà dans cet article, cet allongement repose sur une comparaison entre le public et le privé qui ne prend pas en compte les spécificités des fonctionnaires, qui comptent plus de femmes et de seniors et qui sont davantage exposés aux métiers difficiles. A caractéristiques équivalentes, cet écart entre le taux d’absentéisme du privé et celui du public se réduit quasiment à néant.
Malheureusement pour le gouvernement, le rapport sur la fonction publique, publié la semaine dernière, révèle que le nombre d’absences pour raison de santé en 2023 chez les agents… est en baisse (12 jours en moyenne en 2023, contre 14,5 en 2022).
Cependant, ces résultats ne ralentissent pas l’exécutif, qui souhaite mener son projet à terme. Même si cette mesure pourrait se révéler contre-productive et coûter plus cher à la Sécurité sociale. Les recherches menées par divers experts (comme nous l’expliquions ici) montrent que l’ajout de jours de carence peut certes réduire le nombre d’arrêts de courte durée, mais accroître ceux de longue durée. Ces derniers étant les plus coûteux pour l’assurance maladie.
« De plus, une telle mesure pourrait encourager le présentéisme, soit le fait de travailler tout en étant malade, met en garde Thomas Coutrot, économiste du travail. Cela aurait des effets négatifs sur la santé à long terme. »
Du côté du secteur public, le gouvernement ne prévoit pas de s’arrêter là. Guillaume Kasbarian a également annoncé son intention de diminuer la rémunération versée aux agents en cas d’arrêt de travail : « Aujourd’hui, dans le public, cela est pris en charge à 100 %. Cela passera à 90 %. »
Comme pour le délai de carence, établi à trois jours dans le secteur privé, le ministre justifie son assertion en comparant les règles du secteur public à celles du secteur privé, plaidant pour un alignement. Toutefois, il omet certains détails : près de 70 % des salariés du privé ont accès à un accord de branche ou d’entreprise qui maintient leur salaire à 100 % dès le premier jour d’arrêt maladie.
Ces deux mesures entraîneraient également une perte de pouvoir d’achat significative pour les agents publics. En tenant compte de l’augmentation du nombre de jours de carence et de la réduction à 90 % du taux de remplacement, le think tank Sens public a calculé qu’un arrêt maladie de 5 jours, par exemple pour une grippe, engendrerait une perte de 215 euros (pour un agent de catégorie C) et de 320 euros (pour un agent de catégorie A).
Ces deux changements affecteraient en particulier les femmes, qui représentent 63 % des effectifs de la fonction publique, ainsi que les seniors, 36 % étant âgés de plus de 50 ans. De plus, cela réduirait l’attractivité de la fonction publique, déjà compromise ces dernières années.
Pourtant, le gouvernement espère économiser 1,2 milliard d’euros (289 millions d’euros pour les jours de carence et 900 millions pour la diminution de la prise en charge). Cette décision est inacceptable pour les syndicats (CGT, CFDT, Unsa, FSU, Solidaires, CFE-CGC, FA-FP), qui ont appelé à une grève le 5 décembre.
Les employés du privé peuvent se « rassurer », le gouvernement Barnier ne les oublie pas. Dans sa lutte contre les arrêts maladie, l’exécutif a annoncé vouloir réduire le plafond des indemnités journalières. Ce dernier devrait passer de 1,8 Smic (3 180 euros bruts mensuels) à 1,4 Smic (2 473 euros bruts mensuels) en 2025.
Pour rappel, actuellement, la Sécu couvre 50 % de la rémunération d’un individu arrêté pour des raisons de santé, dans la limite de 1,8 fois le Smic mensuel. Son employeur complète alors pour un maintien de salaire d’au moins 90 %. Souvent, la prise en charge est même plus élevée, grâce à des accords internes ou des conventions collectives.
Cependant, réduire le plafond des IJ versées par la Sécu pénalisera ceux qui ne bénéficient pas de cette couverture.
« Cette mesure pourrait donc exacerber les inégalités, reprend Thomas Coutrot. Les personnes avec une santé plus fragile et celles travaillant dans des conditions plus difficiles seraient les plus affectées. »
Ce point est également dénoncé par la CGT, qui détaille dans un communiqué :
« Une telle réforme affectera de manière significative les salarié·es des TPE-PME qui ne sont que très rarement protégés par des accords, de même que les salarié·es de particuliers employeurs tels que les aides à domicile et les assistantes maternelles, certains intérimaires, les intermittents ou encore les demandeurs d’emploi. »
Cependant, cette proposition ferait principalement économiser 600 millions d’euros à la branche maladie. Mais ce qui est le plus choquant, selon Thomas Coutrot :
« C’est que toutes ces initiatives sont une façon de refuser d’aborder les conditions de travail et de s’attaquer aux véritables causes des arrêts maladie. On impose aux individus ce qui relève de la responsabilité des dirigeants tout en restant à la surface des choses. C’est un peu comme administrer de l’aspirine à un patient atteint d’un cancer. »
Depuis 2020, les 5,7 millions de fonctionnaires ont bénéficié de plusieurs dispositifs de revalorisation salariale. Face à une inflation élevée, tous ont bénéficié d’une hausse générale de la valeur du point d’indice, après une période de stagnation de douze ans : + 3,5 % en 2022, + 1,5 % en 2023.
L’ensemble des fonctionnaires a également perçu une augmentation de cinq points d’indice, au 1er janvier 2024. Des mesures spécifiques ont été mises en œuvre pour les agents de catégorie C, telles que l’augmentation de l’indice minimum ou la bonification d’une année d’ancienneté.
À cela s’ajoutent des mesures sectorielles, en particulier dans le domaine de la santé. Depuis 2020, les agents non médicaux des hôpitaux et des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) bénéficient d’un complément de 183 euros net par mois, instauré dans le cadre du Ségur de la santé, mis en place suite à la crise sanitaire, complété en 2022 pour inclure les professionnels socio-éducatifs, comme ceux de l’aide sociale à l’enfance.
Des dispositions telles que l’augmentation de la rémunération pour le travail de nuit des infirmières et des aides-soignantes ont également contribué à améliorer les salaires. D’autres secteurs ont également connu des revalorisations, comme les forces de l’ordre, dans le cadre du Beauvau de la sécurité, ou les enseignants débutants, grâce à la création d’une prime d’attractivité.
« C’est un vrai effort budgétaire, mais pas suffisant. Bien que les hausses du point d’indice soient sans précédent, elles se produisent dans un contexte d’inflation encore plus inédit », souligne Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques.
Les récentes analyses de l’Insee sur le sujet, publiées en septembre 2024, le confirment : elles révèlent qu’en 2022, les agents de la fonction publique d’État ont vu leur salaire croître de 2,9 % par rapport à 2021, en valeur nominale. Cependant, si l’on prend en compte une inflation de 5,2 % sur l’année, « le salaire net moyen en euros constants diminue nettement », de – 2,2 %, précise l’Institut. Les contractuels et les agents de catégorie B ont été les plus affectés, avec une baisse respective de 2,3 % et 2,4 %. Les enseignants ont, quant à eux, vu leur rémunération reculer de 1,9 %.
Le même constat est valable pour les autres fonctions publiques : dans la territoriale, le salaire net moyen a augmenté de 4,1 % en valeur nominale, mais a chuté de 1,1 % en euros constants. Dans la fonction publique hospitalière, il affiche une hausse de 4,8 %, mais est en retrait de 0,4 % en tenant compte de l’inflation, après une forte croissance grâce au Ségur en 2021 (+ 2,8 %).
Dans l’ensemble de la fonction publique, les rémunérations ont ainsi baissé de 1,4 % en 2022, en euros constants. Il convient également de noter que la situation est similaire pour 2023 : la hausse de la valeur du point d’indice (+ 1,5 %) est loin de compenser l’inflation de 4,9 % enregistrée au cours de l’année.
Avant même la montée des prix, la stagnation du point d’indice avait provoqué « un décrochage », rappelle Johan Theuret, cofondateur du think tank Sens du service public et directeur général adjoint de la ville et métropole de Rennes. Entre 2011 et 2021, selon l’Insee, le salaire net pour un temps plein a crû de 2,1 % dans la fonction publique, alors qu’il a augmenté de 4,9 % dans le secteur privé.
« Le problème, c’est que la rémunération dans la fonction publique n’est pas entrée dans une politique RH mais considérée comme une question budgétaire. Les décisions sont prises au cas par cas, en fonction des pressions syndicales ou sociales, des conditions économiques… Les retards s’accumulent, affectant la relation de confiance entre les agents et leur employeur », estime Johan Theuret, qui plaide pour des négociations annuelles.
Retrouvez ici notre dossier « Manuel de défense des services publics »
Wear OS est bien meilleur qu’auparavant, donc c’est jamais le bon moment pour envisager une montre intelligente. < div class=”relative mt-28 md:mx-auto md:flex md:max-w-container-md lg:mt-36 lg:max-w-none”> < div class=”duet–article–article-body-component-container sm:ml-auto md:ml-100 md:max-w-article-body lg:mx-100″> < div> Après une longue période de choix limités, les deux dernières années ont été énormes pour les montres intelligentes Android. Maintenant, il y a plus de bonnes options que jamais. Mais c’est encore une époque de transition. Bien que nous soyons encouragés par les options plus solides d’applications tierces, le marché est encore fragmenté. Wear OS 5 est là pour les Galaxy Watches de Samsung et la Pixel Watch 3. Cependant, l’écosystème plus large est encore en retard. Certaines fonctionnalités, comme Google Assistant, ne sont pas encore disponibles sur certaines montres Wear OS 3, et Wear OS 4 n’est toujours pas largement disponible. Même ainsi, l’écosystème des wearables Android avance à grands pas. a:hover]:shadow-highlight-franklin dark:[&>a:hover]:shadow-highlight-franklin [&>a]:shadow-underline-black dark:[&>a]:shadow-underline-white”>Ce que nous recherchons Les montres intelligentes Android ont longtemps été freinées par des processeurs obsolètes. Le chip sous le capot est-il suffisamment puissant pour faire fonctionner Wear OS / RTOS propriétaire de manière fluide ? Une montre fonctionne-t-elle mieux au sein de l’écosystème de produits d’une seule entreprise par rapport à une autre ? Allez-vous devoir acheter une nouvelle montre si vous changez de téléphone ? a:hover]:shadow-highlight-franklin dark:[&>a:hover]:shadow-highlight-franklin [&>a]:shadow-underline-black dark:[&>a]:shadow-underline-white”>Autonomie de la batterie Pouvez-vous passer la journée sans avoir à chercher un chargeur ? Si ce n’est pas le cas, prend-il en charge la charge rapide ? Si vous préférez attendre que Wear OS se stabilise un peu, il existe des montres intelligentes et des montres de fitness indépendantes des plateformes que vous pouvez acheter en attendant. Sinon, vous voudrez être au courant du chip et de la version de Wear OS qui alimentent votre montre. Mobvoi, par exemple,…
Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a, une fois de plus, établi un rapport très positif concernant la session 2024 de Parcoursup. Sur son site, le ministère se réjouit de « des améliorations tangibles qui répondent aux attentes des lycéens ».
En effet, 86,7 % des 945 500 candidats ont obtenu au moins une proposition d’admission dans l’une des formations pour lesquelles ils avaient exprimé des vœux sur la plateforme. De plus, 650 000 d’entre eux ont accepté une proposition d’admission, représentant 79,2 % de ceux ayant reçu une offre. Globalement, Le Monde a estimé que 68,8 % des inscrits sur la plateforme, toutes catégories confondues, se sont engagés dans un cursus qu’ils désiraient.
Cependant, on peut également noter l’aspect négatif des chiffres, qui sont en déclin par rapport à 2023, où ils étaient de 87,8 % et 69,5 % respectivement.
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Le ministère indique également que le nombre de formations disponibles sur la plateforme est en hausse. Cela a été constaté chaque année depuis son lancement en 2018, mais cette hausse est principalement due aux établissements privés, sous ou hors contrat. Ainsi, le nombre de formations proposées par l’enseignement privé a presque doublé entre 2020 et 2024 (4 992 en 2020, contre 9 298 en 2023, soit une augmentation de 86,3 %), tandis que l’offre de l’enseignement public n’a progressé que de 15,3 % durant la même période (11 998 en 2020, contre 13 829 en 2023).
Un autre chiffre communiqué par le ministère est également frappant : malgré les avancées annoncées, 83 % des candidats trouvent la procédure stressante, tout comme l’année précédente et celle d’avant (d’après une étude d’opinion menée par l’institut de sondage CSA auprès des lycéens inscrits sur Parcoursup).
Le bilan du ministère met en avant un site d’entraînement créé pour la première fois cette année, afin d’aider les candidats « à mieux comprendre le fonctionnement de Parcoursup ». 82 % des élèves utilisateurs estiment que ce site « les a rassurés sur le fonctionnement de la phase d’admission de Parcoursup », de sorte que le ministère a annoncé que cet outil « sera promu auprès des élèves pour réduire le stress et les angoisses liés à la procédure ».
Ainsi, la réponse au stress causé par la procédure – reconnue par le ministère de l’Enseignement supérieur, qui ne peut guère faire autrement – n’est pas de réformer cette dernière pour l’améliorer et la rendre moins angoissante, mais plutôt de développer un site pour « préparer » les candidats à utiliser la plateforme.
<pCependant, Parcoursup a été instauré en janvier 2018 pour remplacer la procédure APB, qui nécessitait un tirage au sort afin de départager les candidats trop nombreux dans certaines filières (comme la psychologie ou la licence STAPS), ce qui semblait injuste et peu prévisible pour eux. Il ne fait aucun doute que la création de places à l’université dans ces filières aurait été moins stressante, mais cela n’était peut-être pas l'objectif…
En réalité, il n’y a pas eu de création de postes : l’augmentation du nombre de vacataires dans l’enseignement supérieur est très marquée, puisqu’ils constituent désormais plus de la moitié des enseignants dans le supérieur (plus de 60 % en 2021-2022, soit une hausse de 30 % en 7 ans), selon un rapport du collectif Nos services publics.
De plus, Parcoursup ne permettant pas de hiérarchiser ses vœux, il est difficile de savoir si les étudiants sont finalement inscrits dans une filière qui correspond à leur véritable souhait, ou à un choix par défaut, étant donné qu’ils sont encouragés à formuler dix vœux, qui ne sont pas tous leur première préférence. Et les données chiffrées du ministère ne font évidemment pas la distinction entre premier et deuxième (ou troisième, quatrième, voire dixième) choix.
Serait-il possible qu’il y ait un lien avec l’augmentation cette année (+ 3,7 %) du nombre d’étudiants déjà inscrits qui « rejouent » sur Parcoursup pour se réorienter ? Selon le ministère, il s’agit principalement de « “vœux de précaution” […] en attendant les résultats de leur première année dans la formation qu’ils suivent déjà », rapporte Le Monde.
Quoi qu’il en soit, la fin du lycée, avec le choix des spécialités, et l’entrée dans l’enseignement supérieur deviennent un moment de grande tension pour les futurs adultes, et Parcoursup y joue un rôle déterminant. C’est vraiment regrettable, car un stress réduit lors de la transition entre le secondaire et l’université pourrait, éventuellement, contribuer à atténuer le mal-être et le sentiment de solitude croissants chez les jeunes.
Les jeunes de 18 à 24 ans sont 62 % à se sentir souvent seuls, bien plus que la moyenne des Français (44 %), selon une étude de l’Ifop publiée en janvier 2024. De plus, 90 % de cette tranche d’âge affirme ressentir divers impacts sur leur santé mentale (pleurs, épisodes de stress, troubles du sommeil, états dépressifs et pensées suicidaires).
SOS amitié a également publié en mai un baromètre sur le mal-être qui souligne que le sentiment de solitude figure parmi les raisons des appels des jeunes (de plus en plus jeunes), ainsi que « l’anxiété face à l’avenir ». Certes, le changement climatique et les conflits en cours sont une grande partie du problème, mais il est légitime de s’interroger sur les conséquences d’une entrée dans l’âge adulte marquée par une orientation contraignante et stressante…
La majorité des études sur le mal-être et la santé mentale des jeunes rapportent un tournant avec la pandémie de Covid-19 et le confinement. La création de Parcoursup deux ans plus tôt a sans doute été un facteur préjudiciable.
Est-il vrai qu’environ 1 925 écoles primaires pourraient être prochainement supprimées en France ? Ce tableau est en tout cas clairement établi dans un rapport élaboré au printemps dernier par deux inspections ministérielles. Dans le cadre d’une « révision des dépenses », elles suggéraient alors « une méthode pour rationnaliser la distribution des ressources » face à une diminution du nombre d’élèves.
Ces « révisions des dépenses » représentent un exemple typique de la manière dont les autorités appréhendent les services publics. Ceux-ci, souvent perçus comme onéreux, sont régulièrement poussés à se réorganiser et, autant que possible, à fusionner pour réaliser des économies. « Cette approche s’inspire du “nouveau management public” des Etats-Unis, par lequel des pratiques de gestion issues du secteur privé sont appliquées au secteur public, telles que l’optimisation des coûts via des tableurs Excel », souligne le géographe François Taulelle, qui a récemment coordonné, avec Thibault Courcelle et Ygal Figalkov, un ouvrage saisissant sur ce sujet.
Cette transition, qui a marqué les politiques publiques depuis les années 1990, a connu une accélération durant la présidence de Nicolas Sarkozy, notamment grâce à sa révision générale des politiques publiques (RGPP). « À ce moment-là, les autorités adoptent une perspective très sectorielle (écoles, hôpitaux, défense…) sans se rendre compte de l’effet d’accumulation : certaines villes perdent alors plusieurs services essentiels simultanément », ajoute le chercheur.
Les données parlent d’elles-mêmes. Dans un article de l’ouvrage cité plus haut, quatre chercheurs ont analysé l’évolution de la présence des services publics et privés en France sur les quarante-cinq dernières années. Ils notent que « la tendance observée pour les services publics traditionnellement associés à l’Etat témoigne d’une nette régression ». Entre 1980 et 2015, le nombre de communes avec une école primaire a par exemple chuté de 23 %. Un phénomène similaire se retrouve pour les maternités (- 47 %) et les gendarmeries (- 12 %). Pendant ce temps, la population en France métropolitaine a… augmenté de 20 %.
Contrairement à une idée reçue, ce déclin ne touche pas seulement les zones rurales. Les auteurs signalent un retrait « quasi généralisé, affectant toutes les régions françaises ». Cependant, il « fragilise surtout les petites communes rurales et les petites agglomérations ». Le département très rural du Cantal, par exemple, a enregistré une perte de 82 % de ses écoles maternelles entre 1980 et 2015, suivie d’une diminution de 22 % entre 2015 et 2020 !
Plus préoccupant encore que l’école, le secteur de la santé génère le plus d’inquiétudes. Cela dit, entre 1980 et 2015, le nombre de communes avec un professionnel de santé a augmenté pour les médecins généralistes (+ 17 %), les infirmiers (+ 25 %), les pharmaciens (+ 19 %) ou les laboratoires d’analyses médicales (+ 28 %).
Cependant, cette augmentation n’a pas satisfait tous les besoins, car la population a crû tout en vieillissant. De plus, une inadéquation entre l’offre et les besoins émerge, car de nombreux professionnels choisissent leur lieu d’exercice. Le dernier atlas de la démographie médicale, diffusé par l’Ordre national des médecins, confirme que l’augmentation récente du nombre de médecins n’empêche pas « l’aggravation des inégalités territoriales ».
Il est donc indéniable que les services publics traditionnels sont en déclin. Néanmoins, les chiffres, surtout quand ils concernent des communes spécifiques, doivent être nuancés. En effet, certains services publics n’ont pas complètement disparu mais ont été regroupés dans des centres (maisons France services, maisons médicales pluridisciplinaires…).
D’autres ont été transformés, comme certains services postaux, qui sont désormais pris en charge par des commerces privés. Ainsi, bien que le nombre de communes détenant un bureau de poste ait chuté de 34 % entre 1980 et 2015, seulement 4 % d’entre elles ont perdu toute présence postale. Cela pose un problème, note François Taulelle, « ce nouveau réseau concerne surtout les services administratifs de l’Etat, mais très peu l’école et la santé, secteurs qui suscitent le plus d’inquiétudes chez les usagers ».
Cette logique de polarisation engendre également des problèmes pour les publics les plus vulnérables. Grâce à une enquête menée dans des intercommunalités isolées de cinq départements ruraux, Ygal Fijalkow et Madlyne Samak, sociologues à l’université d’Albi, ont constaté que plus de la moitié des répondants ignoraient l’existence du bureau France services sur leur territoire. Parmi ceux-ci, on trouve en majorité des catégories sociales populaires et des personnes âgées.
Ces usagers sont pourtant ceux qui pâtissent le plus de la transition massive vers le numérique des services publics : la recherche scientifique confirme ce qui était prévisible. Il existe de fortes disparités entre ceux qui maîtrisent les outils numériques – pour qui cela représente un progrès – et les catégories plus fragiles.
En conséquence, en raison des difficultés de déplacement, de la méconnaissance des nouveaux services et des limitations numériques, de nombreux usagers précaires ne peuvent profiter ni de la polarisation ni de la numérisation. Cela pousse l’Etat à se rapprocher d’eux en instaurant des services itinérants, tel que le bus France services qui sillonne les petits villages. En somme, déconcentrer après avoir centralisé…
Le malaise ressentie par de nombreux habitants des zones peu denses n’est donc pas à prendre à la légère. Il devient encore plus explicite si l’on examine le secteur privé.
Dans la première étude référencée dans cet article, les quatre chercheurs révèlent qu’entre 1980 et 2015, le nombre de communes avec un magasin d’alimentation généralisé a chuté de 47 %. On observe une tendance semblable pour les boulangeries (- 13 %), les agences bancaires (- 67 %) ou encore les magasins de vêtements (- 5 %), au profit en particulier des supermarchés et des hypermarchés (+ 116 %). Cette évolution a un visage tristement connu : celui des centres-villes avec des volets fermés.
Cette situation fait dire à l’économiste Laurent Davezies, spécialiste des dynamiques territoriales, que « ce n’est pas l’Etat qui abandonne les territoires [en crise]. Au contraire, ce sont les entreprises et les populations ». Il est évident que les difficultés démographiques et économiques d’une grande partie du territoire sont étroitement liées à la sphère privée, entre un solde migratoire négatif (plus de départs que d’arrivées) et des problèmes économiques (notamment dans les anciens territoires industriels).
Naturellement, le déclin des services publics ne facilite pas la situation. « Il est difficile de déterminer si c’est le privé ou le public qui a initié la spirale du déclin », admet François Taulelle. « En revanche, une chose est certaine, sans un socle minimal d’équipements publics, aucun redémarrage n’est envisageable pour un territoire fragile. »
Dans cette optique, les mandats de Hollande et Macron ont envoyé des messages ambivalents. Entre la crise des gilets jaunes et la pandémie, le gouvernement a bien saisi que la gestion brutale et quantitative des services publics avait ses limites. Il a également mis en place plusieurs programmes de soutien très ciblés, comme le programme « Action cœur de ville » destiné aux villes moyennes les plus fragiles. Sans pour autant renverser les grandes initiatives de la RGPP comme les réformes hospitalières ou scolaires.
Les territoires fragiles sont-ils donc complètement négligés ? Pas nécessairement. Car certaines évolutions plus positives viennent compenser les tendances négatives expliquées précédemment. Celles-ci proviennent notamment de la Sécurité sociale et des collectivités locales (régions, départements, communautés de communes et communes).
Commençons par les collectivités. Depuis les années 1980, l’Etat leur a transféré de nombreuses compétences (mobilités, logement, social…), permettant à leur influence sur leurs territoires de croître. Par exemple, entre 2002, date où les régions ont obtenu la gestion des Trains express régionaux (TER), et 2023, l’offre a augmenté de 37 %. De même, le nombre de crèches collectives, majoritairement gérées par des communes ou des intercommunalités, a crû de 58 % en France entre 1995 et 2022.
Plus généralement, face au retrait de l’Etat, « les collectivités locales ont rivalisé d’ingéniosité pour préserver certains services publics, notamment en les mutualisant et en élaborant des structures administratives et financières associant public et privé », remarque François Taulelle.
Moins perceptible mais d’une importance cruciale, la protection sociale représente un puissant mécanisme de redistribution en France. D’une part, elle prélève des richesses, principalement dans les pôles économiques les plus florissants. D’autre part, elle redistribue ces richesses, de manière plus significative dans les territoires où résident des populations plus vulnérables. L’économiste Eric Dor a ainsi évalué, dans une étude de 2021, que l’Ile-de-France supportait, en 2017, un prélèvement net (prestations sociales – prélèvements sociaux) de 77 milliards d’euros. Une somme dont les habitants des régions plus rurales et moins riches bénéficiaient.
D’autres économistes, dans une étude de 2020, avaient montré que les inégalités de revenu entre départements avaient « atteint en 2015 leur plus faible niveau depuis cent ans » et soulignaient « le rôle des transferts publics dans l’atténuation des disparités de niveau de vie ». Mais il est clair que, sur le long terme de la vie humaine, ces effets ne sont pas immédiatement visibles.
À la lumière de tous ces éléments entremêlés, est-il possible de dresser un tableau objectif de la situation ? Ce n’est pas aisé.
« Il est difficile d’y voir clair car nous avons tendance à homogénéiser les habitants des territoires peu densément peuplés », indique Ygal Fijalkow. En réalité, une différence significative de perception existe entre ceux qui ont eu la possibilité de choisir leur lieu de vie et ceux qui se retrouvent plutôt contraints. Les premiers (CSP+, diplômés…) savent où trouver les services disponibles. Les autres (ouvriers, employés, retraités…) se sentent plus souvent isolés, abandonnés ou entravés dans leurs démarches. » Un défi qui ne peut être résolu à partir d’un simple tableur Excel.
Retrouvez ici notre dossier « Manuel de défense des services publics »
En Inde, l’un des pays les plus polyglottes du monde, le gouvernement souhaite que plus d’un milliard de personnes adoptent l’hindi. Un chercheur pense que ce serait une perte.
Avec “Nightbitch”—dans lequel Amy Adams se transforme en chien—le réalisateur dépeint la parentalité comme une transformation viscérale.
Natalia Myronenko avait prévu de tirer parti de son congé maternité pour se réorienter vers l’architecture d’intérieur. Contrôleuse qualité sur de grands projets à Kiev, la guerre l’a poussée vers un domaine qu’elle n’avait jamais envisagé : le déminage.
Employée comme ingénieure qualité, cette mère de deux jeunes enfants s’attendait à un rôle administratif. « J’ai compris que mon métier, c’était la guerre. Cela a été un choc », révèle Natalia Myronenko, 40 ans. Elle se retrouve à superviser, non la conformité des sites, mais des terrains jonchés de pièges létaux.
« Ce travail est infiniment plus captivant », admet-elle depuis Peja, au Kosovo, où elle suit une formation pour reconnaître des dizaines de dispositifs explosifs – mines, bombes à fragmentation, mortiers. Pour l’Ukraine, devenue le pays le plus miné au monde après le retrait des forces russes des zones occupées, c’est essentiel.
Valentina Kastrenko, 57 ans, ne s’était également jamais imaginé exercer un « métier d’homme », encore moins y éprouver du plaisir. Suite au siège et à la prise de Marioupol, elle a dû fuir sa ville natale et se reconvertir. Après avoir vu une annonce qui l’avait d’abord amusée, elle fait maintenant partie des 300 femmes certifiées conductrices de poids lourds.
Avec la fermeture des ports et aéroports, l’invasion a rendu le transport routier indispensable à l’économie ukrainienne. « Pour moi aussi, cet apprentissage était une question de survie », confie-t-elle.
Inimaginables il y a peu, ces parcours reflètent une révolution en Ukraine : des dizaines de milliers de femmes maintiennent l’économie à flot, lorsqu’elles ne rejoignent pas les forces armées.
Entre les hommes mobilisés, ceux qui se cachent pour éviter la mobilisation et les millions d’expatriés, l’Ukraine souffrirait d’un manque de 4,5 millions de personnes pour reconstruire et soutenir son économie dans les dix prochaines années, d’après les chiffres officiels. Cette pénurie engendre « une bataille quotidienne entre les recruteurs militaires qui souhaitent mobiliser les employés, et les employeurs qui tentent de préserver leurs effectifs », explique Hlib Vyshlinsky, directeur exécutif du Centre de stratégie économique à Kiev.
Les propositions de formation et de reconversion pour les femmes se sont alors multipliées, par exemple pour conduire des excavatrices et des grues. « C’est comparable à Londres en 1942, compare Hlib Vyshlinsky. Mais ici, avec beaucoup de femmes ayant quitté le pays, nous faisons également face à un manque de femmes »
Neuf des dix millions d’Ukrainiens déplacés – principalement à l’étranger – sont des femmes. Celles qui sont restées prennent la relève dans des secteurs essentiels comme le transport, la construction et l’énergie.
« Force motrice de l’émergence d’une Ukraine plus inclusive et tolérante », les Ukrainiennes ne se contentent pas de « combler les vides », analyse Evgeniya Blyznyuk. Dans le cadre d’une série d’« enquêtes en temps de guerre », cette sociologue évalue une société « profondément transformée ».
En occupant des rôles stratégiques dans des domaines devenus essentiels, tels le déminage, la fabrication de drones militaires ou le soin des traumatismes, « les femmes ukrainiennes ouvrent la voie vers l’avenir », affirme la déminueuse Natalia Myronenko.
Entre une rivière et un champ de pastèques à Kam’yanka, proche d’Izioum et près de la ligne de front, Galina Burkina passe soigneusement son détecteur de métaux sur le sol. Devant elle, des bandes rouges et blanches signalent la zone à déminer. Vivre ou travailler ici est potentiellement mortel. Galina Burkina, anciennement employée de la centrale électrique de Vouhlehirska, a fui sa région à pied. Oleksiy Kryvosheya, l’un des douze démineurs sous ses ordres, est habitué à travailler avec des femmes.
« En Russie, elles sont considérées comme des esclaves, mais ici, elles sont les descendantes des Amazones », prétend-il.
Dans le secteur du déminage, le manque de main-d’œuvre est évident, selon Iryna Kustovska, responsable des opérations humanitaires de Demining Solution. Voir des femmes démineuses, « cela a été une surprise au début », se souvient-elle. Aujourd’hui, elles constituent un tiers des effectifs.
Svitlana Streliana, PDG d’une société de transport routier à Kharkiv, voit plus loin que simplement « mettre des femmes au volant de camions ». Pour « rendre la profession attrayante pour elles, sans pour autant la romantiser », cette mère de cinq enfants a lancé une campagne sur TikTok et à la télévision, et vient de créer Sisters of the Road, un groupe de soutien.
« Nos femmes sont fortes, mais elles ne le réalisent pas encore. Cette profession peut les aider à découvrir cette force », affirme-t-elle.
Svitlana Streliana elle-même a fait un long chemin. Lors de l’invasion russe à l’hiver 2022, des bombardements frappent les bureaux de son entreprise à Kharkiv, l’obligeant à se cacher pendant quatre jours avec sa fille cadette dans un parking souterrain. Quatre de ses conducteurs sont morts au combat, deux autres sont toujours capturés.
La guerre a ouvert la voie à plus d’égalité et d’indépendance pour les femmes, mais l’émancipation progressé indépendamment en Ukraine, souligne Anna Colin Lebedev, chercheuse à l’université de Paris Nanterre :
« Les femmes ukrainiennes ont toujours été actives dans la société. Il n’y a pas eu du jour au lendemain plus de cheffes d’entreprise : il y en avait déjà un bon nombre avant la guerre. Puisque toute la société est mobilisée pour la guerre, les femmes jouent forcément un rôle prépondérant ».
Tetyana Pashkina, économiste ukrainienne spécialisée dans le marché du travail, acquiesce : « Pour nous, le féminisme, c’est la défense de notre pays ».
La tournure a commencé en 2014 lors de l’agression russe dans le Donbass. Des femmes sont montées au front, sans salaire ni pension, car le métier de combattant, comme 450 autres jugés « dangereux pour la santé reproductive » des femmes – par une idéologie héritée de l’ère soviétique – leur était interdit.
À la suite d’une campagne de sensibilisation menée par la soldate volontaire Maria Berlinska et son film Le Bataillon invisible, le gouvernement a progressivement ouvert ces métiers aux femmes. Depuis 2022, elles peuvent notamment travailler dans les mines.
« Vous pouvez fabriquerez un drone qui détruira un char russe depuis votre cuisine », affirme Maria Berlinska, qui organise une formation gratuite à la fabrication de drones à laquelle des milliers d’Ukrainiens ont participé. Parmi eux, Violetta Oliynyk. Cette artiste bijoutière de 29 ans a réalisé plus de 123 « drones de la victoire », avec environ dix fabriqués chaque semaine.
« En Ukraine, quand on souhaite défendre son pays, il faut en acquérir les moyens », explique cette jeune femme originaire de Ternopil, dans le sud-ouest du pays.
En 2022, elle vend ses bijoux pour financer l’achat de munitions. Et en décembre 2023, lorsque son père l’appelle avec une demande particulière – peut-elle se procurer cinq drones pour son unité près de Kherson ? – elle se met en action.
« Ici, il n’y a que deux options : faire la guerre ou travailler pour elle, déclare Violetta Oliynyk. Il est crucial de comprendre que si la Russie occupe ma ville, ma famille ne survivra pas. »
L’engagement des Ukrainiennes dans la guerre leur a ouvert des opportunités. Natalya Kolisnickenko a ainsi, à 52 ans, réalisé son rêve d’enfance de conduire des camions. Un rêve mêlé à un cauchemar : « Au-delà de la beauté de notre pays et de ses forêts luxuriantes, je fais face à des destructions, des voitures calcinées, des ambulances surchargées de soldats blessés. »
« Cela fait mal, mais je suis convaincue que si chacun y met du sien, nous parviendrons à tout reconstruire, espère-t-elle. J’ai de la valeur, c’est ma fierté ! »
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