Katawa Shoujo : le jour où 4chan a eu du cœur
Croyez-le : il y a dix ans, 4chan, la bouche des enfers du web, a fait preuve de sensibilité. Le site, surtout connu pour faire montre de créativité quand il s’agit d’insulter son prochain ou de réveiller des fétiches improbables, a été la source d’un objet ayant marqué une génération d’otakus. Katawa Shoujo (verbatim « filles estropiées ») est un visual novel, un livre interactif. Ça va de l’histoire enrichie en sons et images au jeu culte rempli de choix et d’embranchements — dont la promesse est, comme tout eroge, des scènes de sexe. Elles concluent un long parcours avec une waifu vers qui on se sera organiquement dirigé après une série de décisions. Intervient alors ce qui « vend » le jeu, disponible gratuitement, à tout le monde. Dans l’intro de Katawa Shoujo, vous incarnez Hisao, un lycéen neuneu et générique comme un héros de visual novel – et faites une crise cardiaque. Après ce moment bizarroïde de jeu vidéo, vous voilà diagnostiqué d’une arythmie et expédié dans un simili-Sendai, à Yamaku (ça ne veut rien dire), l’académie pour jeunes personnes handicapées. Vous allez rencontrer, tour à tour : Shizune la sourde-muette, Lilly l’aveugle, Hanako la grande brûlée et traumatisée, Rin l’amputée des bras et Emi, des jambes. Chacune correspond à un archétype de japanime de l’époque, et après quelques entrechats et une intro d’une poignée d’heures, vous finirez par débloquer votre histoire d’amour avec votre nouvelle cyberchérie. Venez pour le sexe, restez pour les sentiments C’est nettement moins racoleur que ça en a l’air. Pour un projet occidental et amateur mené par une bande de vingtenaires, Katawa Shoujo est léché (illustrations, décors, écriture, musique) et assez averti sur son sujet. Cette intro voit le jour en anglais en 2009, et devient rapidement un petit phénomène international, traduit en plusieurs langues et repéré…