Les voix de la justice
Assise en tenue de ville au dernier rang d’une des salles d’audience du tribunal judiciaire de Marseille, elle détonne un peu au milieu des avocats aux longues robes. Pourtant, Ibtesam est parfaitement à sa place. Interprète en langue arabe auprès de la justice, elle attend son tour pour assister un prévenu. Ce jour-là, les comparutions immédiates s’enchaînent. Coups de couteau, larcins, agression sexuelle. À la suspension, cette ancienne universitaire tutoie les avocats et plaisante avec les policiers de l’escorte. Au bout de deux heures et six audiences, c’est son tour. Un ressortissant tunisien, 40 ans, grand et baraqué, est déferré dans le box. Elle devra traduire ses déclarations, la plaidoirie de son conseil, les propos de la juge et du ministère public. Une affaire de cambriolage. La défense du bonhomme est bancale. « Je voulais seulement entrer dans ce local pour dormir », lance-t-il à la présidente par la voix d’Ibtesam. Quand la sentence tombe, il part pour six mois de prison. Avec détachement, Ibtesam lui annonce son maintien en détention. Derniers mots, pas d’au revoir, elle tourne les talons vers son banc. Le prévenu, lui, retourne dans les geôles avant d’être ramené aux Baumettes. Un moment froid, à l’image de la grosse machine judiciaire. « Une fois, j’ai refusé de parler à la mère d’une personne que j’assistais… » – Ibtesam « On doit faire preuve de réserve, de neutralité. On est là pour interpréter et c’est tout. C’est notre métier et c’est ce que demande la justice », assure-t-elle. Pas de sentiment devant un mis en cause ou un proche désespéré qui vient l’alpaguer. « Une fois, j’ai refusé de parler à la mère d’une personne que j’assistais… », ajoute sèchement Ibtesam, forte de ses nombreuses années d’exercice. Mais même cachée derrière son serment, celui d’apporter son concours à la justice de manière impartiale, la carapace…