Briefing sur la guerre en Ukraine : des soldats nord-coréens « se battant dans des unités d'élite russes »

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Briefing sur la guerre en Ukraine : des soldats nord-coréens « se battant dans des unités d’élite russes »

Le député sud-coréen du comité du renseignement dit que le Nord a également expédié davantage d’armes en Russie ; les États-Unis et le Royaume-Uni condamnent la rhétorique nucléaire ‘irresponsable’ de la Russie. Ce que nous savons au jour 1 001 Continue reading…

Les États-Unis et l'Europe craignent une escalade de la guerre hybride russe au milieu des attaques de missiles en Ukraine.

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Les États-Unis et l’Europe craignent une escalade de la guerre hybride russe au milieu des attaques de missiles...

Des responsables « incroyablement préoccupés » alors que Moscou promet une réponse à l’utilisation par Kyiv de missiles fabriqués aux États-Unis sur des cibles en RussieAtacms : quels sont les missiles que l’Ukraine a tirés en Russie pour la première fois ?Le département d’État américain a déclaré qu’il était « incroyablement » préoccupé par la campagne de guerre hybride de la Russie contre l’Occident, au milieu des craintes qu’elle ne s’intensifie après la première utilisation par l’Ukraine de missiles à longue portée fabriqués aux États-Unis sur des cibles en Russie, après que l’administration Biden a levé les restrictions sur leur utilisation.La Russie a promis une réponse « appropriée » à la nouvelle politique, et s’est engagée dans des menaces nucléaires en modifiant sa doctrine nucléaire ces derniers jours. Cependant, les responsables occidentaux pensent que l’essence de la réponse russe pourrait ne pas se faire sur le champ de bataille en Ukraine, mais ailleurs dans le monde. Continuer la lecture…

La puissance publique a-t-elle laissé de côté les territoires ?

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La puissance publique a-t-elle laissé de côté les territoires ?

Est-il vrai qu’environ 1 925 écoles primaires pourraient être prochainement supprimées en France ? Ce tableau est en tout cas clairement établi dans un rapport élaboré au printemps dernier par deux inspections ministérielles. Dans le cadre d’une « révision des dépenses », elles suggéraient alors « une méthode pour rationnaliser la distribution des ressources » face à une diminution du nombre d’élèves.

Ces « révisions des dépenses » représentent un exemple typique de la manière dont les autorités appréhendent les services publics. Ceux-ci, souvent perçus comme onéreux, sont régulièrement poussés à se réorganiser et, autant que possible, à fusionner pour réaliser des économies. « Cette approche s’inspire du “nouveau management public” des Etats-Unis, par lequel des pratiques de gestion issues du secteur privé sont appliquées au secteur public, telles que l’optimisation des coûts via des tableurs Excel », souligne le géographe François Taulelle, qui a récemment coordonné, avec Thibault Courcelle et Ygal Figalkov, un ouvrage saisissant sur ce sujet.

Cette transition, qui a marqué les politiques publiques depuis les années 1990, a connu une accélération durant la présidence de Nicolas Sarkozy, notamment grâce à sa révision générale des politiques publiques (RGPP). « À ce moment-là, les autorités adoptent une perspective très sectorielle (écoles, hôpitaux, défense…) sans se rendre compte de l’effet d’accumulation : certaines villes perdent alors plusieurs services essentiels simultanément », ajoute le chercheur.

Les données parlent d’elles-mêmes. Dans un article de l’ouvrage cité plus haut, quatre chercheurs ont analysé l’évolution de la présence des services publics et privés en France sur les quarante-cinq dernières années. Ils notent que « la tendance observée pour les services publics traditionnellement associés à l’Etat témoigne d’une nette régression ». Entre 1980 et 2015, le nombre de communes avec une école primaire a par exemple chuté de 23 %. Un phénomène similaire se retrouve pour les maternités (- 47 %) et les gendarmeries (- 12 %). Pendant ce temps, la population en France métropolitaine a… augmenté de 20 %.

Recul « quasi généralisé »

Contrairement à une idée reçue, ce déclin ne touche pas seulement les zones rurales. Les auteurs signalent un retrait « quasi généralisé, affectant toutes les régions françaises ». Cependant, il « fragilise surtout les petites communes rurales et les petites agglomérations ». Le département très rural du Cantal, par exemple, a enregistré une perte de 82 % de ses écoles maternelles entre 1980 et 2015, suivie d’une diminution de 22 % entre 2015 et 2020 !

Plus préoccupant encore que l’école, le secteur de la santé génère le plus d’inquiétudes. Cela dit, entre 1980 et 2015, le nombre de communes avec un professionnel de santé a augmenté pour les médecins généralistes (+ 17 %), les infirmiers (+ 25 %), les pharmaciens (+ 19 %) ou les laboratoires d’analyses médicales (+ 28 %).

Cependant, cette augmentation n’a pas satisfait tous les besoins, car la population a crû tout en vieillissant. De plus, une inadéquation entre l’offre et les besoins émerge, car de nombreux professionnels choisissent leur lieu d’exercice. Le dernier atlas de la démographie médicale, diffusé par l’Ordre national des médecins, confirme que l’augmentation récente du nombre de médecins n’empêche pas « l’aggravation des inégalités territoriales ».

Il est donc indéniable que les services publics traditionnels sont en déclin. Néanmoins, les chiffres, surtout quand ils concernent des communes spécifiques, doivent être nuancés. En effet, certains services publics n’ont pas complètement disparu mais ont été regroupés dans des centres (maisons France services, maisons médicales pluridisciplinaires…).

D’autres ont été transformés, comme certains services postaux, qui sont désormais pris en charge par des commerces privés. Ainsi, bien que le nombre de communes détenant un bureau de poste ait chuté de 34 % entre 1980 et 2015, seulement 4 % d’entre elles ont perdu toute présence postale. Cela pose un problème, note François Taulelle, « ce nouveau réseau concerne surtout les services administratifs de l’Etat, mais très peu l’école et la santé, secteurs qui suscitent le plus d’inquiétudes chez les usagers ».

Entre polarisation et numérisation

Cette logique de polarisation engendre également des problèmes pour les publics les plus vulnérables. Grâce à une enquête menée dans des intercommunalités isolées de cinq départements ruraux, Ygal Fijalkow et Madlyne Samak, sociologues à l’université d’Albi, ont constaté que plus de la moitié des répondants ignoraient l’existence du bureau France services sur leur territoire. Parmi ceux-ci, on trouve en majorité des catégories sociales populaires et des personnes âgées.

Ces usagers sont pourtant ceux qui pâtissent le plus de la transition massive vers le numérique des services publics : la recherche scientifique confirme ce qui était prévisible. Il existe de fortes disparités entre ceux qui maîtrisent les outils numériques – pour qui cela représente un progrès – et les catégories plus fragiles.

En conséquence, en raison des difficultés de déplacement, de la méconnaissance des nouveaux services et des limitations numériques, de nombreux usagers précaires ne peuvent profiter ni de la polarisation ni de la numérisation. Cela pousse l’Etat à se rapprocher d’eux en instaurant des services itinérants, tel que le bus France services qui sillonne les petits villages. En somme, déconcentrer après avoir centralisé…

Le malaise ressentie par de nombreux habitants des zones peu denses n’est donc pas à prendre à la légère. Il devient encore plus explicite si l’on examine le secteur privé.

Dans la première étude référencée dans cet article, les quatre chercheurs révèlent qu’entre 1980 et 2015, le nombre de communes avec un magasin d’alimentation généralisé a chuté de 47 %. On observe une tendance semblable pour les boulangeries (- 13 %), les agences bancaires (- 67 %) ou encore les magasins de vêtements (- 5 %), au profit en particulier des supermarchés et des hypermarchés (+ 116 %). Cette évolution a un visage tristement connu : celui des centres-villes avec des volets fermés.

Cette situation fait dire à l’économiste Laurent Davezies, spécialiste des dynamiques territoriales, que « ce n’est pas l’Etat qui abandonne les territoires [en crise]. Au contraire, ce sont les entreprises et les populations ». Il est évident que les difficultés démographiques et économiques d’une grande partie du territoire sont étroitement liées à la sphère privée, entre un solde migratoire négatif (plus de départs que d’arrivées) et des problèmes économiques (notamment dans les anciens territoires industriels).

Naturellement, le déclin des services publics ne facilite pas la situation. « Il est difficile de déterminer si c’est le privé ou le public qui a initié la spirale du déclin », admet François Taulelle. « En revanche, une chose est certaine, sans un socle minimal d’équipements publics, aucun redémarrage n’est envisageable pour un territoire fragile. »

Dans cette optique, les mandats de Hollande et Macron ont envoyé des messages ambivalents. Entre la crise des gilets jaunes et la pandémie, le gouvernement a bien saisi que la gestion brutale et quantitative des services publics avait ses limites. Il a également mis en place plusieurs programmes de soutien très ciblés, comme le programme « Action cœur de ville » destiné aux villes moyennes les plus fragiles. Sans pour autant renverser les grandes initiatives de la RGPP comme les réformes hospitalières ou scolaires.

Fortes répercussions redistributives

Les territoires fragiles sont-ils donc complètement négligés ? Pas nécessairement. Car certaines évolutions plus positives viennent compenser les tendances négatives expliquées précédemment. Celles-ci proviennent notamment de la Sécurité sociale et des collectivités locales (régions, départements, communautés de communes et communes).

Commençons par les collectivités. Depuis les années 1980, l’Etat leur a transféré de nombreuses compétences (mobilités, logement, social…), permettant à leur influence sur leurs territoires de croître. Par exemple, entre 2002, date où les régions ont obtenu la gestion des Trains express régionaux (TER), et 2023, l’offre a augmenté de 37 %. De même, le nombre de crèches collectives, majoritairement gérées par des communes ou des intercommunalités, a crû de 58 % en France entre 1995 et 2022.

Plus généralement, face au retrait de l’Etat, « les collectivités locales ont rivalisé d’ingéniosité pour préserver certains services publics, notamment en les mutualisant et en élaborant des structures administratives et financières associant public et privé », remarque François Taulelle.

Moins perceptible mais d’une importance cruciale, la protection sociale représente un puissant mécanisme de redistribution en France. D’une part, elle prélève des richesses, principalement dans les pôles économiques les plus florissants. D’autre part, elle redistribue ces richesses, de manière plus significative dans les territoires où résident des populations plus vulnérables. L’économiste Eric Dor a ainsi évalué, dans une étude de 2021, que l’Ile-de-France supportait, en 2017, un prélèvement net (prestations sociales – prélèvements sociaux) de 77 milliards d’euros. Une somme dont les habitants des régions plus rurales et moins riches bénéficiaient.

D’autres économistes, dans une étude de 2020, avaient montré que les inégalités de revenu entre départements avaient « atteint en 2015 leur plus faible niveau depuis cent ans » et soulignaient « le rôle des transferts publics dans l’atténuation des disparités de niveau de vie ». Mais il est clair que, sur le long terme de la vie humaine, ces effets ne sont pas immédiatement visibles.

À la lumière de tous ces éléments entremêlés, est-il possible de dresser un tableau objectif de la situation ? Ce n’est pas aisé.

« Il est difficile d’y voir clair car nous avons tendance à homogénéiser les habitants des territoires peu densément peuplés », indique Ygal Fijalkow. En réalité, une différence significative de perception existe entre ceux qui ont eu la possibilité de choisir leur lieu de vie et ceux qui se retrouvent plutôt contraints. Les premiers (CSP+, diplômés…) savent où trouver les services disponibles. Les autres (ouvriers, employés, retraités…) se sentent plus souvent isolés, abandonnés ou entravés dans leurs démarches. » Un défi qui ne peut être résolu à partir d’un simple tableur Excel.

Retrouvez ici notre dossier « Manuel de défense des services publics »

Briefing sur la guerre en Ukraine : Zelenskyy déclare que la guerre « se terminera plus tôt » une fois Trump entré à la Maison Blanche.

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Briefing sur la guerre en Ukraine : Zelenskyy déclare que la guerre « se terminera plus tôt » une fois Trump entré...

Le président élu des États-Unis déclare que la guerre doit “s’arrêter” alors que le chancelier allemand appelle Poutine à entamer des pourparlers avec Kyiv lors d’un appel téléphonique rare. Ce que nous savons au jour 997Volodymyr Zelenskyy a déclaré que la guerre de la Russie contre son pays se terminera “plus tôt” qu’elle ne l’aurait fait autrement une fois que Donald Trump deviendra président des États-Unis l’année prochaine.Dans une interview radiodiffusée samedi, le président ukrainien a reconnu que la situation sur le champ de bataille en Ukraine orientale était difficile et que la Russie faisait des avancées. Il a déclaré que son homologue russe, Vladimir Poutine, n’était pas intéressé à convenir d’un accord de paix.Zelenskyy a critiqué un appel téléphonique entre le chancelier allemand, Olaf Scholz, et Poutine, déclarant qu’il a ouvert une “boîte de Pandore” en sapant les efforts pour isoler le leader russe. “Maintenant, il peut y avoir d’autres conversations, d’autres appels. Juste beaucoup de mots,” a déclaré Zelenskyy dans son discours du soir vendredi. “Et c’est exactement ce que Poutine a longtemps voulu : il est extrêmement important pour lui de réduire son isolement et de mener des négociations ordinaires.” Selon Reuters, Zelenskyy et d’autres responsables européens avaient mis en garde Scholz contre cette approche.Scholz a déclaré que Donald Trump avait en privé “une position plus nuancée que ce qui est souvent supposé” sur l’Ukraine. La réélection de Trump lors de l’élection présidentielle américaine de la semaine dernière a soulevé des inquiétudes qu’il puisse retirer le soutien significatif de Washington à l’Ukraine une fois de retour à la Maison-Blanche. Scholz, qui a parlé à Trump par téléphone dimanche, a déclaré au journal Süddeutsche Zeitung vendredi que son appel avec le président élu était “peut-être surprenant, une conversation très détaillée et bonne”. Interrogé par le journal sur la possibilité que Trump conclue un accord au détriment des Ukrainiens, Scholz a déclaré que Trump n’avait “aucune indication” qu’il le ferait. L’Allemagne, pour sa part, n’accepterait pas une “paix par diktat”, a déclaré Scholz.Scholz a exhorté Poutine à retirer les forces russes d’Ukraine et à commencer des discussions avec Kyiv qui ouvriraient la voie à une “paix juste et durable”, lors de la première conversation téléphonique entre les deux dirigeants depuis presque deux ans. Le Kremlin a déclaré que la conversation de vendredi avait eu lieu à la demande de Berlin, et que Poutine avait dit à Scholz que tout accord mettant fin à la guerre en Ukraine devait prendre en compte les intérêts de sécurité russes et refléter “de nouvelles réalités territoriales”. Un porte-parole du gouvernement allemand a déclaré que Scholz “a souligné la détermination inébranlable de l’Allemagne à soutenir l’Ukraine dans sa défense contre l’agression russe aussi longtemps que nécessaire”.Des unités de défense aérienne russes ont intercepté une série de drones ukrainiens dans plusieurs régions russes, ont déclaré des responsables, dont beaucoup dans la région de Koursk, où les troupes ukrainiennes ont lancé une incursions majeure en août. Le ministère russe de la Défense a déclaré que les défenses aériennes avaient abattu 15 drones dans la région de Koursk à la frontière ukrainienne. Il a déclaré que des unités avaient abattu un drone chacune dans la région de Bryansk, également à la frontière, et dans la région de Lipetsk, plus au nord. Le ministère a déclaré qu’un drone avait été abattu dans la région centrale d’Oryol. Et le gouverneur de la région de Belgorod, une cible fréquente à la frontière ukrainienne, a déclaré qu’une série d’attaques avaient brisé des fenêtres dans un immeuble et causé d’autres dommages, mais aucun décès n’a été signalé.La Russie suspendra les livraisons de gaz vers l’Autriche via l’Ukraine samedi. La route d’exportation de gaz de la Russie vers l’Europe via l’Ukraine devrait fermer à la fin de cette année. L’Ukraine a déclaré qu’elle ne prolongerait pas l’accord de transit avec le russe Gazprom, afin de priver la Russie des bénéfices que Kyiv dit aider à financer la guerre contre elle. Le chancelier autrichien, Karl Nehammer, a déclaré que l’avis de Gazprom concernant la fin des fournitures était depuis longtemps attendu et que l’Autriche s’était préparée, mais le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andrii Sybiha, a déclaré que l’action de la Russie montrait qu’elle “utilise encore une fois l’énergie comme une arme”.Le groupe de tankers russe de premier plan, Sovcomflot, a déclaré vendredi que les sanctions occidentales sur les tankers russes limitaient ses performances financières, alors qu’il faisait état d’une baisse de ses revenus et de ses bénéfices opérationnels. Les États-Unis ont imposé des sanctions à Sovcomflot en février, dans le cadre des efforts de Washington pour réduire les revenus de la Russie issus des ventes de pétrole qu’elle peut utiliser pour financer sa guerre en Ukraine. Sovcomflot a déclaré avoir enregistré une baisse de 22,2 % de ses revenus sur neuf mois, à 1,22 milliard de dollars, et a indiqué que ses bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement avaient chuté de 31,5 % à 861 millions de dollars. Continue reading…

La démythification de la droitisation française, et 3 autres recommandations de lecture

ECONOMIE

La démythification de la droitisation française, et 3 autres recommandations de lecture

Chaque samedi, Alternatives Economiques met en avant des livres qui méritent votre attention. Cette semaine, nous vous suggérons : La droitisation française, par Vincent Tiberj ; Le jardin et la jungle, par Edwy Plenel ; Quand les travailleurs sabotaient, par Dominique Pinsolle ; Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle, par un collectif de chercheurs.

1/ « La droitisation française. Mythe et réalités », par Vincent Tiberj

A l’époque où Cnews triomphe, le Rassemblement national (RN) affiche des résultats historiques et Bruno Retailleau devient ministre de l’Intérieur, il est difficile de penser que la France ne s’oriente pas vers la droite. Pourtant ! Dans son dernier livre, Vincent Tiberj démontre, en utilisant un indicateur statistique inédit – les indices longitudinaux de préférence –, que les citoyens sont de plus en plus culturellement ouverts, de moins en moins xenophobes, et qu’ils ne deviennent pas plus libéraux.

Comment peut-on alors expliquer les résultats électoraux, clairement en faveur de la droite ? En s’appuyant sur ses études sur l’abstention électorale, le sociologue met en évidence les faiblesses de la démocratie française. Il décrit une « grande démission » des citoyens qui, loin d’être apolitiques, rejettent le système institutionnel et partisan. Une bonne nouvelle pour la gauche, ces citoyens de plus en plus progressistes sont bien présents.

Cependant, des réformes institutionnelles et politiques profondes seront nécessaires pour persuader ces électeurs de retourner aux urnes par choix, et non par obligation quand la situation l’exige.

Vincent Grimault

La droitisation française. Mythe et réalités, par Vincent Tiberj, PUF, 2024, 310 p., 15 €.

2/ « Le jardin et la jungle. Adresse à l’Europe sur l’idée qu’elle se fait du monde », par Edwy Plenel

Le haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, a comparé l’Europe à un jardin et le reste du monde à une jungle, ce qui a choqué Edwy Plenel, journaliste et cofondateur de Mediapart. En rappelant à quel point la violence est une composante essentielle de l’histoire européenne, à travers la colonisation, les guerres mondiales, les génocides perpetrés sur le continent ou encore la répression des étrangers, l’auteur remet en question l’idée que le Vieux Continent serait un espace de sérénité.

Face à l’humanité sélective des dirigeants européens, Edwy Plenel propose le droit international comme guide. On ne peut pas défendre le peuple ukrainien tout en ignorant les droits du peuple palestinien, car ce sont les mêmes principes en jeu. En négligeant les droits des Palestiniens, on renforce l’extrême droite et les fascistes, qui sont les principaux opposants à l’égalité des droits.

Le livre, qui aborde en profondeur la question du colonialisme et fait quelques allusions à la Nouvelle-Calédonie, propose une analyse très pertinente des relations entre l’Europe et le reste du monde.

Eva Moysan

Le jardin et la jungle. Adresse à l’Europe sur l’idée qu’elle se fait du monde, par Edwy Plenel, La Découverte, 2024, 216 p., 18 €.

3/ « Quand les travailleurs sabotaient. France, Etats-Unis (1897-1918) », par Dominique Pinsolle

Il fut un temps où la CGT avait envisagé d’intégrer la pratique du sabotage dans ses méthodes d’action. Ici, le sabotage est à entendre comme un mauvais travail intentionnel : une lenteur excessive, laisser tomber ses outils dans la machine, etc., tout ce que la classe ouvrière pouvait imaginer comme « ruses de guerre » contre les capitalistes pour améliorer leurs conditions. Bien que ce phénomène ait été observé en Écosse dès 1889, il a été théorisé en France par l’anarchiste Emile Pouget. Cette pratique a traversé l’Atlantique pour se retrouver dans l’IWW, un syndicat révolutionnaire américain.

Le livre présente de nombreuses théories, mais la pratique est demeurée limitée, même si les adversaires des syndicats ont souvent exagéré cette question pour l’assimiler à la violence, la destruction et le crime. Les réflexions de Taylor sur l’organisation scientifique du travail ont émergé de cette problématique : comment éviter tout ce qui pourrait ralentir la production. Dès la fin des années 1910, l’idée même tombe en désuétude. Une partie méconnue de l’histoire économique.

Christian Chavagneux

Quand les travailleurs sabotaient. France, Etats-Unis (1897-1918), par Dominique Pinsolle, Agone, 2024, 455 p., 25 €.

4/ « Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle », par un collectif de chercheurs

S’il existe un domaine à l’interface de la sociologie et de l’histoire qui a connu un essor considérable récemment et où le débat est particulièrement vif, c’est celui des études décoloniales. Ce néologisme un peu particulier a établi une doxa selon laquelle il serait nécessaire de décoloniser tous les domaines (l’art, la connaissance, le droit…) au motif que les imaginaires et la culture occidentale sont fondamentalement coloniaux et donc porteurs de logiques racistes.

Comme le souligne Mikaël Faujour dans la préface de ce précieux livre collectif (écrit par des contributeurs d’Amérique latine) : « Bien que la théorie décoloniale se soit développée à partir de la spécificité de l’Amérique, considérant 1492 comme un tournant dans l’histoire, elle a dès son origine vocation à être transposée dans d’autres contextes géographiques et culturels, offrant ainsi un cadre d’analyse plus large du monde contemporain […]. »

De nos jours, il est évident que les thèses décoloniales sont de plus en plus acceptées par les jeunes et les étudiants militants. Ce livre, grâce à ses multiples éclairages puisant aux racines de ces théories, facilite la compréhension de leurs linéaments, de leurs complexités et des raisons de leur popularité dans presque toutes les régions du monde.

Christophe Fourel

Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle, par Collectif, Coll. Versus, L’échappée, 2024, 255 p., 19 €.

Paris 2024 a transformé le « nettoyage social » en une véritable discipline olympique.

ECONOMIE

Paris 2024 a transformé le « nettoyage social » en une véritable discipline olympique.

« Médaille d’or pour le social washing, médaille d’argent pour le nettoyage social, médaille de bronze pour le déni démocratique » : le collectif Le Revers de la médaille n’a pas hésité à établir son propre podium des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024. Il a justifié son intitulé : pas question de succomber à l’euphorie estivale en balayant sous le tapis les vérités dérangeantes.

Il s’agit en fait de cela : l’effacement des personnes indésirables – sans-abri, réfugiés, mineurs non accompagnés – et de leurs « lieux de vie informels » (bidonvilles, regroupements de tentes et de caravanes, squats ou abris précaires), afin que la ville lumière apparaisse sous son meilleur angle.

Dans son rapport final concernant les interventions des pouvoirs publics envers les personnes vivant dans la rue et en habitat instable, en lien avec l’organisation des Jeux depuis mai 2023, le collectif met en lumière une stratégie en deux temps.

La première phase a consisté à éloigner les personnes migrantes loin de la capitale afin que, dans un second temps, il y ait des places disponibles dans les structures d’accueil à l’approche de l’événement :

« D’abord, pendant plusieurs mois, un système rigoureux de délocalisation de Paris vers d’autres régions françaises ; ensuite, dans les dernières semaines précédant l’ouverture des Jeux, des solutions d’hébergement en Ile-de-France pour faire disparaître les derniers campements dans la rue. »

Entre le 3 et le 25 juillet (veille de la cérémonie d’ouverture), seize opérations d’évacuation et/ou de « mises à l’abri » ont été recensées, notamment des campements situés le long du canal Saint-Denis que la flamme olympique allait traverser.

20 000 personnes évacuées, incluant 4 500 mineurs

Le Revers de la médaille pourrait même se réjouir de cette mobilisation inattendue de ressources exceptionnelles. Le collectif évoque également quelques « rares bénéfices sociaux positifs » des Jeux.

Notamment l’ouverture, par la Mairie de Paris, de deux espaces d’accueil de jour pour les mineurs non accompagnés, des 256 places d’hébergement créées pour les personnes en grande précarité ou la mise à l’abri temporaire sur « sites tampons » en Ile-de-France pour des exilés qui, auparavant, auraient été systématiquement délogés hors de la région.

« Ce changement soudain (…) met en lumière la capacité de l’État à fournir ce genre de solutions, mais également sa volonté de ne le faire que dans une logique calculée de libération de l’espace public, à des fins d’événements et de réputation », souligne le rapport.

Car l’objectif de « nettoyage » est indubitable. L’Observatoire des expulsions a comptabilisé, entre le 26 avril 2023 et le 30 septembre 2024, l’éviction de 260 lieux de vie informels touchant 19 526 personnes, dont 4 500 mineurs. Cela représente une hausse de 33 % par rapport à la même période en 2021-2022.

Il s’agissait essentiellement d’évacuer les sites occupés, qui ont ensuite bénéficié d’aménagements (mobilier anti-SDF) et d’une surveillance policière renforcée afin de dissuader toute réinstallation.

Néanmoins, les hébergements créés pour l’occasion sont restés dramatiquement insuffisants par rapport aux 3 500 sans-abri identifiés à Paris lors de la Nuit de la solidarité en janvier 2024, et leur pérennité est incertaine.

En outre, d’après le collectif, les deux tiers des expulsions n’ont pas été précédées du « diagnostic social » pourtant requis depuis 2018. Et seulement 36 % ont été accompagnées d’offres d’hébergement temporaire. Enfin, 32 % des expulsions auraient été menées sans fondement légal tangible et, pour les deux tiers d’entre elles, le temps nécessaire pour se préparer matériellement ou envisager un recours n’aurait pas été alloué.

Fichage et justice d’exception

Le « nettoyage » a également visé les opposants, soulignent les auteurs du rapport. Le collectif dénonce « un abus de la garde à vue et des placements en centres de rétention administrative (CRA) », ainsi que « l’implémentation d’une justice d’exception » : jugements supplémentaires de comparution immédiate et augmentation des peines d’interdiction d’apparaître sur le sol parisien.

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est ainsi félicité de la mise en œuvre de plus de 500 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) en juin et juillet. Émanant des lois antiterroristes et exemptées de tout contrôle juridictionnel, celles-ci ont contribué à restreindre les contestations contre les Jeux.

La semaine précédant cet événement, 70 individus, parmi lesquels des militants d’Extinction Rebellion et des journalistes, ont été placés en garde à vue « sous des prétextes fallacieux ». La grande majorité des procédures a été classée sans suite, mais elles ont permis un « fichage policier sans aucun fondement légal », déplore le collectif, qui redoute « la pérennisation de ces pratiques » visant à « réprimer l’expression politique d’opposition ».

Face à toutes ces critiques, le discours officiel s’en tient à un déni total de cette politique. Cette dernière maintient le statu quo : le système actuel « continue de générer structurellement du sans-abrisme dans la capitale et la région en n’offrant en majorité que des hébergements temporaires », perpétuant ainsi le « cycle infernal des campements et des démantèlements ».

Par conséquent, en ce qui concerne leur coût financier et leur impact environnemental, Paris 2024 s’est seulement avéré légèrement moins mauvais que les éditions précédentes, notamment celle de Rio 2016 qui avait entraîné des expulsions massives de populations précaires ou indigènes, ou celle de Londres 2012 qui avait stimulé un puissant processus de gentrification.

« La France, comme ses prédécesseurs, aura utilisé les Jeux comme une occasion d’accentuer sa politique d’exclusion et de maltraitance sociale envers les plus marginalisés », conclut le rapport.