Gauche : Lantin et. al. Droite : SEBASTIAN KAULITZKI/SCIENCE PHOTO LIBRARY via Getty Images
Les voyages interstellaires prennent du temps. Un groupe d’astronomes et de physiciens tentent de les rendre plus rapides, en passant d’abord par d’énormes lasers et l’un des organismes les plus résistants sur Terre : le tardigrade.
Ces animaux aquatiques microscopiques, parfois appelés « oursons d’eau », sont quasi-indestructibles, capables de survivre à des sécheresses, des températures glaciales, des accidents, des hauts niveaux de radiation, des conditions de forte pression et de gravité, et à la biostase (le ralentissement du fonctionnement biologique sur de longues périodes). Ce qui ne tue pas rendant plus fort, les tardigrades sont les candidats parfaits à des tests qui visent à accélérer la vitesse des voyages dans l’espace, affirment des chercheurs dans un nouvel article publié dans la revue à comité de lecture Acta Astronautica.
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Aujourd’hui, il faut compter plusieurs décennies pour voyager sur 18 milliards de kilomètres jusqu’aux limites de notre système solaire en utilisant la propulsion chimique traditionnelle – la combustion de carburant. Mais, avec le soutien financier de la Nasa, des chercheurs de l’université de Californie à Santa Barbara ont proposé un nouveau mode de propulsion spatiale en utilisant des lasers (« à énergie dirigée » ou système ED) sur Terre. Ces systèmes propulseraient des voiles solaires attachés à des engins spatiaux utilisant des photons pour se déplacer à une vitesse équivalente à 20 à 30 % de celle de la lumière, atteignant ainsi le voyage relativiste. Lancé en 2015 dans le cadre d’une initiative appelée Project Starlight, le projet vise à réduire à quelques jours le temps qu’il faut pour atteindre l’espace interstellaire, qui nécessite actuellement plusieurs décennies. Le tout, en se passant de l’utilisation d’un agent propulseur embarqué.
Aujourd’hui, une équipe de chercheurs, dont fait partie Philip Lubin, professeur de physique à l’université de Californie à Santa Barbara et chercheur principal au sein du Project Starlight, se sont réunis pour proposer une procédure de test de voyage relativiste. Ils suggèrent de mettre des tardigrades, ainsi que d’autres invertébrés résistants voisins comme le C. elegans, sur des plaquettes qui font à peu près la taille d’une main et seraient envoyés dans l’espace à près de 150 millions de kilomètres par heure. Selon l’article, l’énergie requise par le système laser consommerait un dixième de tout le réseau électrique des États-Unis, mais cette énergie ne serait requise que pour quelques minutes, le temps du lancement.
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« Lancer des objets macroscopiques à des vitesses approchant celle de la lumière n’a jamais été fait auparavant », a dit Lubin, co-auteur de l’article, dans un communiqué de presse.
Ils proposent d’effectuer des tests à distance sur les organismes à bord, en analysant comment les tardigrades et autres organismes terriens réagissent aux conditions de vie extrêmes inhérentes aux régions lointaines de l’espace. Lubin et son équipe pourraient ensuite extrapoler leurs conclusions pour jauger les potentiels effets du voyage interstellaire sur les humains.
« On pourrait commencer à penser à la conception de transporteurs interstellaires, quels qu’ils soient, d’une manière qui permettrait d’améliorer les problèmes détectés chez ces minuscules animaux », explique Joel Rothman, co-auteur de l’article et professeur émérite de science biomoléculaire et d’ingénierie à l’université de Californie à Santa Barbara.
Les auteurs ont soupesé les questions éthiques qui surviennent dans le fait de propager la vie terrestre dans l’espace – et, de la même façon, les risques de ramener sur Terre des formes de vie provenant d’autres systèmes solaires, un phénomène appelé la « contamination inversée ». Lubin et Rothman proposent, de manière cruciale, de rendre les engins spatiaux remplis de tardigrades à sens unique, en faisant toutes leurs analyses à distance pour s’assurer qu’aucun microbe extraterrestre ne revienne sur Terre.
Les considérations éthiques forment une part entière du processus de conception de la vie au-delà de la Terre, et au-delà des modes de transport que l’on imagine aujourd’hui. Ces questions font partie d’un vaste panel de considérations que Lubin et Rothman envisagent volontiers. Effectivement, si l’ambition est de commencer à petite échelle, les auteurs soulignent dans l’article que la propulsion laser pourrait être utilisée sur de plus gros engins, et que les systèmes pourraient être mis en place sur des objets dans l’espace, pas seulement sur Terre.
« Je pense que continuer à explorer fait partie de notre destin », a dit Rothman. « On explore à des niveaux de plus en plus petits, jusqu’à des niveaux subatomiques, et on explore aussi à des échelles toujours plus grandes. Une telle volonté d’exploration incessante se trouve au cœur de qui nous sommes en tant qu’espèce ».
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