Touche pas à mon libraire
« Le livre n’est pas un produit comme un autre », affirme la pétition lancée fin octobre par l’animateur François Busnel et un collectif d’éditeurs, d’écrivains et de libraires. Pourquoi en effet les tabacs sont-ils autorisés à rester ouverts pendant le confinement et pas les librairies ? Pourquoi le livre est-il considéré comme un bien essentiel en Belgique et pas en France ? Pourquoi faire un tel cadeau à Amazon, qui a multiplié ses bénéfices lors du premier confinement ? La fermeture des librairies, suivie, pour éviter les distorsions de concurrence, de l’interdiction de vendre des livres dans les Fnac, hypermarchés, supermarchés et maisons de la presse, a soulevé un torrent de critiques. Et les jurys du Goncourt, du Renaudot et de l’Interallié notamment ont même repoussé la date de remise de leurs prix pour faire pression sur le gouvernement.
Les professionnels du secteur sont nombreux à souhaiter une réouverture
Certes, quelques voix dissonantes se sont exprimées, comme cette « libraire fâchée » qui déclare sur twitter que « les employé.es des librairies sont fatiguées par un travail physique épuisant et ne veulent pas être exposé.es inutilement au virus ». Mais malgré la mise en place rapide du « click and collect » permettant de commander ses livres à distance, les professionnels du secteur sont nombreux à souhaiter une réouverture, si ce n’est maintenant, au moins début décembre. Ils rappellent que la situation n’est pas la même que durant le premier confinement où, bénéficiant du chômage partiel, ils avaient préféré rester fermés. « Nous disposons désormais de masques, de gels, de Plexiglas autour des caisses », rappelle Wilfrid Séjeau, propriétaire du Cyprès, à Nevers, et membre du Syndicat de la librairie française (SLF). Les libraires, dit-il, se sont également habitués à un certain nombre de gestes pour « limiter le nombre de personnes présentes et nettoyer entre chaque client ».
« Click and collect »
Seules 400 librairies sur les 3 300 existantes avaient eu recours au « click and collect » lors du premier confinement et celui-ci s’était mis en place tardivement vers la mi-avril. Ils sont aujourd’hui près de 1 500 et les librairies qui n’ont pas de site Internet restent disponibles par téléphone. Aussi, une libraire comme Amanda Spiegel, de Folies d’encre, à Montreuil, « n’arrête pas de courir », notamment grâce aux commandes du site librairies93.fr. Certes, « cela prend beaucoup plus de temps de traiter une commande en ligne, notamment parce que les magasins ne sont pas organisés comme des entrepôts », mais c’est aussi l’effet d’une vraie fidélité du public. Amanda Spiegel, tout en précisant qu’elle n’est pas représentative, estime ainsi que son chiffre d’affaires a chuté de 30 % « seulement » depuis le 30 octobre.
Des aides
A la fin du premier confinement, un fonds de soutien de 25 millions d’euros a été confié au Centre national du livre (CNL) pour les librairies indépendantes, auquel s’est ajoutée une enveloppe de 12 millions pour les aider à moderniser leurs plates-formes de vente à distance. Les libraires peuvent aussi bénéficier d’un prêt garanti par l’Etat à hauteur de 25 % du chiffre d’affaires.
La chute du chiffre d’affaires enregistrée au printemps a été rattrapée par « l’explosion de la fréquentation » à la sortie du confinement
Wilfrid Séjeau estime qu’il avait vu son chiffre d’affaires chuter de 80 % entre mars et mai . Une chute néanmoins rattrapée par « l’explosion de la fréquentation » à la sortie du confinement. « Beaucoup de gens venaient nous dire à quel point on était importants pour eux », se souvient Wilfrid Séjeau. Certains libraires avaient mis en place des systèmes de bons d’achat et le Cyprès a ainsi collecté 10 000 euros d’avance durant le premier confinement, dépensés rapidement après le déconfinement. Julie Remy, libraire de la Cour des grands, à Metz, a quant à elle même vu arriver dans cette « ruée vers la librairie » des publics nouveaux. Une euphorie que le deuxième confinement a stoppée net.
Des mois essentiels
Certes, depuis début novembre, le gouvernement prend en charge les frais d’envoi de livres pendant la durée du confinement. Les frais de port sont désormais à un centime d’euros, tarif dont bénéficie Amazon pour son abonnement « prime ». Néanmoins, le « click and collect », rappelle Wilfrid Séjeau, reste un « pis-aller » : « Même si nous prodiguons des conseils de lecture via les réseaux sociaux, on perd la plus-value de la médiation en librairie qui nous permet notamment de faire la promotion d’éditeurs indépendants. » Surtout, les pertes de chiffre d’affaires restent importantes alors que la libraire demeure, comme le rappelle en outre Julie Remy, une activité où les marges sont faibles et la masse salariale importante.
Les mois de novembre et décembre représentent plus d’un quart du chiffre d’affaires des librairies
Les mois de novembre et décembre représentent en outre plus d’un quart du chiffre d’affaires des librairies. Cette période est d’autant plus importante pour le secteur du livre que les éditeurs, espérant de grosses ventes, impriment des stocks importants, rappelle Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition (SNE).
En attendant une hypothétique réouverture début décembre, vous pouvez vérifier si votre libraire habituel n’a pas un site Internet sur lequel passer commande ou vous rendre par exemple sur leslibraires.fr, le plus gros regroupement de libraires indépendants, ou encore sur librairiesindependantes.com
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