Tous écologistes! avez-vous récemment proclamé. Je n’ose y croire. J’aimerais me sentir libre de penser qu’enfin, au plus haut sommet de l’État, est venue s’ancrer cette conviction que notre avenir passe par une profonde transformation écologique et sociale de nos sociétés, de notre économie.
Mais il faudra plus qu’une tribune et qu’un #TousEcologistes dans vos tweets pour m’en persuader. Les faits sont têtus. Depuis l’élection du président Emmanuel Macron, les indicateurs permettant de mesurer la réalité de l’action menée sont restés dans le rouge. Ce n’est pas moi qui le dis mais le Haut conseil pour le climat mis en place par le chef de l’État: “La réduction des émissions de gaz à effet de serre continue à être trop lente et insuffisante pour permettre d’atteindre les budgets carbone actuels et futurs”. Cette même instance, placée sous votre tutelle, pointe également “des instruments de politique climatique en place actuellement insuffisants pour atteindre les objectifs de la France”.
Aujourd’hui, la France est loin d’être exemplaire en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Emmanuel Macron a d’ailleurs choisi de baisser les objectifs fixés dans la Stratégie nationale bas carbone plutôt que rehausser son action réelle. Résultat: au rythme où va la France, la neutralité carbone visée pour 2050 sera atteinte en 2093. Preuve s’il en fallait qu’on ne gouverne pas avec des slogans.
Mais au fond, votre tribune est avant tout politicienne. Elle souffre d’une absence totale de proposition structurante pour changer la donne. Vous l’entamez avec une diatribe contre les tenants de l’écologie “moralisatrice, voire sectaire”. Vous dites même que votre propre conviction écologique aurait été “retardée” par leur faute. Quel culot monsieur le Premier ministre! Ainsi, si pendant vos longues années de service, dans les ministères ou à l’Élysée, vous n’avez pour ainsi dire jamais œuvré pour endiguer la crise environnementale, ce serait uniquement la faute de celles et ceux qui tiraient déjà la sonnette d’alarme? Les scientifiques, les chercheurs, les militant·es qui appellent depuis des décennies à repenser notre économie et à protéger la nature de la voracité des multinationales, seraient coupables de votre prise de conscience tardive? Ce serait notre faute, en somme, si vous n’avez pas saisi plus tôt la réalité de l’urgence climatique.
Tous les éléments que vous mettez en avant dans votre tribune -rénovation thermique, circuits courts, pistes cyclables, économies d’énergie, énergies renouvelables-, tous, ont été au mieux largement ignorés voire moqués par les gouvernements successifs auxquels vous avez appartenu.
Ces derniers jours, nous avons pu mesurer, une fois de plus, le décalage entre vos discours et les actes. Le conseil de défense écologique a affaibli le travail mené contre la précarité énergétique avec une mesure qui concerne seulement 2% des 7 millions de passoires thermiques que compte la France. Et quand les 150 de la Convention citoyenne pour le climat demandent “des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines” pour lutter contre l’artificialisation des sols et soutenir les petits commerces de centres-ville, vous proposez une simple circulaire de rappel aux préfets.
Alors tant mieux si vous vous sentez prêts désormais à travailler sur ces sujets essentiels. Mais nous ne sommes pas dupes. Nous avons vu la majorité parlementaire à l’oeuvre pour empêcher toute conditionnalité écologique sérieuse aux milliards d’euros d’aides publiques consenties aux multinationales dans les différents plans de sauvetage.
La transition écologique ne s’organisera pas autour d’une bannière conciliante. On ne peut pas défendre à la fois les intérêts de la planète et les privilèges de ceux qui tirent profit de la destruction de notre environnement depuis des années. L’écologie est aussi une lutte politique. Elle fait l’objet d’arbitrages permanents et ne peut s’accommoder de la recherche constante du consensus avec des lobbys sans scrupules. Les “jeunes” que vous brandissez dans votre texte comme un trophée ne s’y trompent pas. Dans leurs manifestations, leurs grèves menées depuis trois ans maintenant, ils expriment clairement leurs attentes et leurs revendications vis-à-vis du gouvernement. Ils exigent des comptes et n’acceptent pas les tentatives de récupération par des secrétaires d’État ou des ministres à coups de selfies au milieu de la foule.
Vous prônez une écologie de l’apaisement. Cela viendra plus tard, peut-être. Aujourd’hui, nous sommes en colère. Le rôle d’un Premier ministre n’est pas d’écrire des tribunes paternalistes et donneuses de leçons mais de rendre des arbitrages réglementaires et législatifs. Vous appelez à une écologie de l’innovation et de la croissance. Nous ne sommes pas d’accord. Si l’innovation, c’est le nouveau nucléaire, le mythe de l’avion vert ou du captage de carbone, vous nous trouverez sur votre chemin. Quant à la croissance mesurée à l’aune du PIB, aucun expert sérieux ne pense encore qu’elle est compatible avec la sauvegarde du vivant, ainsi que l’a récemment souligné l’Agence européenne pour l’environnement.
Enfin, vous dites croire à une écologie de “l’action plutôt que de l’incantation”. C’est beau comme un slogan dans une marche climat. Nous aussi, nous serons dans l’action, comme nous le sommes depuis plusieurs décennies. Et nous viendrons vous demander des comptes régulièrement. Parce qu’en écologie comme en amour, ce sont les preuves qui comptent.
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