Trump savoure sa victoire à retardement sur la fin du droit à l’avortement aux États-Unis
Durant sa présidence, il est parvenu à ancrer à droite la Cour suprême et ainsi imprimé durablement la marque des conservateurs sur les questions de société les plus clivantes dans une Amérique profondément divisée.
“J’ai tenu mes promesses”
Dans un communiqué, Donald Trump a estimé que la décision historique sur l’avortement, après celle de jeudi consacrant le droit au port d’armes en public, a été rendue possible “seulement car j’ai tenu mes promesses”, “en nommant et installant trois constitutionnalistes très respectés et solides à la Cour suprême des États-Unis”. Ses détracteurs partagent son constat, estimant que les revirements de jurisprudence en série sont bien à imputer au milliardaire républicain.
“Ces victoires majeures montrent que même si la gauche radicale fait tout ce qui est en son pouvoir pour détruire notre pays, vos droits sont protégés, le pays est défendu et il y a toujours un espoir et du temps pour sauver l’Amérique”, a-t-il ajouté dans son communiqué.
Former Pres. Trump’s statement on the Supreme Court overturning Roe v. Wade:
“Today’s decision, which is the biggest WIN for LIFE in a generation, along with other decisions that have been announced recently, were only made possible because I delivered everything as promised.” pic.twitter.com/fxzk8LYBuQ
— Alex Salvi (@alexsalvinews) June 24, 2022
Pourtant, Donald Trump n’a pas toujours été dans le camp des opposants au droit à l’avortement, qu’il avait même publiquement défendu en 1999. Peu connu pour sa foi et sa fréquentation des églises, deux fois divorcé, l’ex-magnat de l’immobilier peut difficilement être classé parmi les représentants de la droite religieuse.
C’est donc en se pinçant le nez que de nombreux chrétiens évangéliques votent pour lui lors de l’élection de 2016. Dans l’espoir qu’en échange de leur soutien, Donald Trump se fasse le champion de leur cause sur le terrain judiciaire. Pari gagné: l’homme n’est plus à la Maison Blanche, mais l’Amérique chrétienne a enfin décroché son Graal avec la remise en cause du droit à avorter.
“Comme c’est le cas pour presque toutes les décisions politiques de Trump, son entente avec les conservateurs religieux est strictement transactionnelle, pas théologique”, explique à l’AFP Mark Bayer, président du cabinet de conseil Bayer Strategic Consulting.
“En échange du soutien des conservateurs, Trump a nommé des juges déterminés à supprimer le droit des femmes à contrôler leur propre corps, un objectif majeur de la droite religieuse”, ajoute cet ancien conseiller parlementaire d’élus démocrates. Le candidat de 2016 avait rallié cet électorat clé en choisissant Mike Pence, un conservateur sourcilleux, pour la vice-présidence, et en publiant avant même sa victoire la liste des personnes qu’il envisageait de nommer à la Cour suprême.
Les ambitions de Trump pour la présidentielle de 2024
Caleb Verbois, politologue au Grove City College, une université chrétienne conservatrice de Pennsylvanie, raconte d’ailleurs avoir reçu ce message d’un ami juste après l’arrêt de vendredi: “mon marché avec Trump vient de porter ses fruits.”
D’autant que les juges de la Cour suprême sont nommés à vie, et l’âge relativement jeune de ceux choisis par Donald Trump laisse penser que “cette décision”, comme d’autres, “durera longtemps”, prédit Mary Frances Berry, professeure d’histoire à l’Université de Pennsylvanie.
Cette victoire pour son camp arrive en tout cas au bon moment pour l’ex-président, alors qu’il caresse l’ambition de se représenter en 2024 mais est vilipendé par une commission d’enquête parlementaire l’accusant d’avoir tout fait pour se maintenir au pouvoir après sa défaite à l’élection de 2020. “La droite chrétienne va l’aimer encore plus qu’avant, car il tranche avec l’image des politiques qui ne tiennent pas leurs promesses”, estime Mary Frances Berry.
Pour Mark Bayer toutefois, ce succès est à double tranchant car il va “motiver” la gauche à aller massivement aux urnes “aux législatives de novembre puis à nouveau à la présidentielle de 2024 pour renverser la tendance droitière”.
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