(IL SOL DELL’AVVENIRE) Nanni MORETTI – Italie 2023 1h35mn VOSTF – avec Nanni Moretti, Margherita Buy, Silvio Orlando, Barbora Bobulova, Mathieu Amalric… Scénario de Francesca Marciano, Nanni Moretti, Federica Pontremoli et Valia Santella.
Du 26/07/23 au 29/08/23
On ne pouvait pas rêver mieux : il y a dans Il Sol dell’avvenire tout ce qu’on aime chez Nanni Moretti. Il y a son humour, incisif et tendre à la fois. Il y a son goût spontané pour le commentaire politique des petits actes individuels comme des grandes évolutions de son pays. Il y a le cinéma, ses travellings, sa ville de Rome, des airs populaires (souvent chantés, parfois dansés), des histoires de famille, sa troupe d’acteurs fidèles, notamment la magnifique Margherita Buy et l’excellent Silvio Orlando… Et puis il y a Nanni Moretti lui-même dont la présence à l’écran, comme toujours, décuple l’adresse directe et personnelle que représentent ses films aux spectateurs que nous sommes. Voir un film de Nanni Moretti, c’est entrer dans son monde, s’amuser de ses névroses, partager ses espoirs, ses colères contre la bêtise humaine. C’est rire et pleurer avec lui au gré des événements qui surgissent. Moretti, c’est un peu la conscience du cinéma italien : tous ses films peuvent être vus comme des états des lieux politiques et émotionnels de la société. Et on a le sentiment que ce nouveau film tient lieu de bilan : définitivement, les temps ont changé, Nanni a délaissé sa légendaire Vespa pour une trottinette électrique, et prépare un tournage auquel personne ne semble rien comprendre. Tout fout le camp et notre cinéaste et son double à l’écran entrent dans une difficile quête créatrice et intime dans ce film drôle, poignant et gorgé d’autodérision.
L’alter ego du cinéaste s’appelle ici Giovanni, le vrai prénom de Moretti, et tente de réaliser un film historique sur le parti communiste italien à travers le cas de conscience d’un couple à la tête d’une antenne locale du parti qui, en 1956, accueille une troupe de cirque hongrois au moment où Moscou envoie les chars dans Budapest pour réprimer l’insurrection populaire. En filmant ce couple tiraillé entre indignation sincère et fidélité à la ligne du parti, Giovanni est persuadé de tenir un moyen d’exprimer l’erreur fondamentale de toute la gauche italienne. Pour lui, c’est comme si c’était maintenant : du politique à l’intime, cet épisode historique condense à lui seul les enjeux qui traversent toute l’Italie d’aujourd’hui !
Mais voilà, Giovanni s’en désole : la jeune génération ignore tout de l’importance du parti communiste dans l’histoire de son pays, l’actrice principale conteste sa vision du script, y voyant davantage une comédie romantique qu’un grand film politique. Plus encore, la femme de Giovanni cherche le meilleur moment pour le quitter, sa fille a un mystérieux amant (on vous laisse découvrir…) et son producteur français au bord de la faillite (l’extravagant Mathieu Amalric) veut vendre son film à Netflix… Bref, Giovanni est au bout du rouleau et c’est l’occasion pour Nanni Moretti de se croquer volontairement en personnage un peu vieux jeu, volontiers imbu de lui-même, déversant avec une articulation exagérément détachée ses obsessions personnelles et ses visions moralistes à qui passe par là. Rien ne va, donc, mais il va pourtant bien falloir mener à bout ce tournage où – de l’Histoire à sa propre famille, de la politique aux sentiments – tout semble se confondre à la vie comme à l’écran.
Ce qui frappe, c’est l’absolue cohérence avec laquelle conduit son récit et sa mise en scène, ne cédant rien à la facilité, maîtrisant avec exactitude le moindre des effets qu’il produit. Et on peut le dire sans rien gâcher : réinvention, il y aura, jusqu’à un final absolument virtuose, généreux et déchirant à la fois.