Voter nul à la présidentielle, une « forme d’expression électorale invisibilisée »
“Non à la monarchie élective”, “On m’a dit de “voter utile”, c’est chose faite”, “On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré”… Voilà certains des messages qu’on peut lire sur la soixantaine de bulletins que le chercheur de l’université d’Évry a choisi de mettre en avant sur le réseau social. Tous sont issus de scrutins des années 1970, 1990, 2000 et 2010 pour des présidentielles, municipales, législatives ou même du référendum sur le traité de Maastricht en 1992.
Le but? “Mettre en évidence des formes d’expression électorale invisibilisées, voire disqualifiées (surtout lorsque l’enjeu est fort)” et “montrer l’acte de vote autrement qu’à l’aune de la hiérarchie sociale qui prévaut lorsqu’on parle de comportements politiques”, explique le sociologue. Car pour lui ces bulletins personnalisés – différents des votes blancs où l’enveloppe est vide ou le bulletin vierge – sont bien plus révélateurs qu’on ne le pense.
Reflet de la souffrance sociale
Et si l’on présente souvent ces suffrages comme des bulletins insultants, les insultes sont en fait “très, très minoritaires”. Jérémie Moualek n’en a recensé qu’une centaine sur les 16.000 bulletins nuls conservés par les archives départementales de l’Oise depuis les années 1970 et dont il s’est servi comme matériau de thèse. “Et ce sont rarement de simples insultes gratuites: ce sont plutôt des détournements de slogans ou de partis”.
Outre ces bulletins qui prêtent à sourire, il y a aussi des tickets de caisse en “symbole d’un pouvoir d’achat en berne” ou des “lettres minutieusement pliées dans l’enveloppe”. “On trouve parfois de véritables lettres, de parfois plusieurs pages, dans lesquelles les électeurs racontent leur quotidien. Sur ces bulletins, on a parfois affaire à de vraies personnes qui mettent en avant leur souffrance sociale, leur détresse, leurs difficultés au quotidien”, décrit le sociologue.
Refuser le “vote utile”
Derrière les votes nuls, c’est le rejet du système électoral qu’il pointe: “Les gens tendent de plus en plus à refuser cet aspect utilitaire du vote. À chaque élection, ils sont de plus en plus nombreux à refuser la logique du ‘vote utile’ et à exercer leur droit de ‘ne pas choisir’. Ils ne veulent plus voter à contre-opinion, considèrent qu’on les pousse à voter par défaut, à faire barrage d’élection en élection”.
Au cours du second tour de la présidentielle de 2017, 3% des électeurs qui s’étaient déplacés dans leur bureau de vote avaient glissé un bulletin nul dans l’urne. Combien seront-ils ces dimanches 10 et 24 avril? “Le vote blanc et nul risque, au second tour, d’être bien plus fort que dans les scrutins précédents”, prévient déjà le chercheur.
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