« West Side Story » n’a jamais été une comédie musicale « légère »
“La raison pour laquelle nous avons fait notre film, c’est parce que des enfants sont arrêtés et mis dans des cages à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, a expliqué le réalisateur de 74 ans au micro de France Inter. Ça s’est passé pendant que l’on filmait. Chaque jour, on se réveillait avec ces mauvaises nouvelles. On s’est dit que notre message était de plus en plus pertinent.”
Le scénario tragique est identique à celui de 1961. Il raconte comment, dans le New York des années 1950, une jeune femme d’origine portoricaine et un jeune homme d’origine polonaise sont tombés amoureux alors même qu’ils sont tous les deux issus de deux gangs rivaux.
Découvrez ci-dessous la bande-annonce du nouveau West Side Story:
“La xénophobie est une part très importante de West Side Story, continue le cinéaste américain. Nous pensons que le public est prêt à découvrir aujoutd’hui la pertinence de ses créateurs originaux.”
Un casting renouvelé
Contrairement au premier film, Steven Spielberg a mis un point d’honneur à ce que les personnages hispaniques soient joués par des acteurs et des actrices hispaniques. “Notre époque exige de nous que l’on soit beaucoup plus honnêtes avec nos propres valeurs. C’était à nous d’assurer que personne ne pouvait jouer un Shark s’il ne venait pas de Porto Rico”, concède-t-il.
De nombreuses répliques entre les Sharks sont prononcées en espagnol, avec le choix assumé de ne pas les sous-titrer, ni en anglais aux États-Unis, ni en français dans les salles tricolores. “La langue espagnole devait exister (à l’écran) dans les mêmes proportions que l’anglais”, a souligné Steven Spielberg.
Une autre nouveauté a été apportée au personnage d’Anybodys. Dans la version d’origine, celui qui rêve de rejoindre les rangs virils et bagarreurs des Jets était présenté sous les traits d’une jeune femme au look masculin. Or, c’est “un homme né dans un corps de femme”, comme l’a confirmé à Insider le garant de l’œuvre du scénariste du film de 1961.
Pas question de caster à nouveau une actrice cisgenre. C’est l’interprète non-binaire Iris Menas qui a repris le flambeau. Cinq pays du Golfe ont, pour cette raison, refusé de distribuer le film chez eux.
Le spectacle musical, créé à Broadway en 1957 et interprété depuis à d’innombrables reprises aux États-Unis et ailleurs, est resté célèbre par sa première adaptation cinématographique, signée Robert Wise et Jerome Robbins. Elle avait remporté dix Oscars, dont deux pour l’interprétation, à George Chakiris (Bernardo) et Rita Moreno (Anita), première actrice hispanique à recevoir la statuette. Cette dernière, qui rempile ce mercredi dans un autre rôle, estime que la nouvelle version est “plus politique” que la précédente.
Une comédie musicale pas comme les autres
Ceci étant, West Side Story était déjà, en 1961, bien moins insouciante que les autres comédies musicales de son époque. En plus de la question raciale, la question du genre, sur laquelle l’industrie du cinéma et du divertissement est en pleine introspection, était elle aussi, d’une certaine façon, déjà présente dans l’œuvre originale. Certains personnages féminins forts peuvent en témoigner. C’est le cas de Maria, qui s’oppose au racisme et au conservatisme des siens. Ou d’Anita, la petite amie de Bernardo, le chef des Sharks, qui est une femme indépendante.
Avec le film de Robert Wise, “on a eu l’impression que la comédie musicale était descendue dans la rue”, renseigne à l’AFP Patrick Brion, spécialiste du cinéma qui vient de publier une Encyclopédie de la comédie musicale aux éditions Télémaque. D’après lui, “les gens étaient habitués à des jolis garçons et filles qui dansaient et partaient ensemble à la fin”. ”Là, poursuit l’expert, c’était tout à fait surprenant de voir des acteurs chanter puis se battre avec des couteaux à cran d’arrêt.”
Dans les années 1940-1950, les comédies musicales entretenaient “une volonté d’enchanter le monde, d’insouciance, qui tient aussi au contexte d’après-guerre”, au besoin “de remonter le moral de la population”, ajoute l’universitaire Fanny Beuré, dont la thèse That’s Entertainment! Musique, danse et représentations dans la comédie musicale hollywoodienne classique a été publiée en 2019.
Dix ans plus tard, cette veine est en cours d’extinction, même si Hollywood produit encore La Mélodie du Bonheur (1965) ou Mary Poppins (1964). Rien à voir avec l’ambiance de West Side Story, ses luttes de clans sur fond de misère à New York. Et sa fin tragique. Un héritage que Spielberg avait à cœur de prolonger.
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