La lecture de la presse du matin du 24 décembre a dû être difficile pour François Bayrou. En effet, les titres des journaux reflètent un ton moqueur face à l’annonce d’un gouvernement censé impressionner par la présence de nombreux anciens ministres, dont deux anciens Premiers ministres, Élisabeth Borne et Manuel Valls.
Le quotidien Le Figaro, traditionnellement aligné à droite, évoque sobrement un « gouvernement d’expérience », tout en ajoutant qu’il s’agit d’une tentative de « durer », ce qui ne présage rien de bon. De son côté, L’Opinion, journal libéral, ironise sur un « passé recomposé ». Libération parle d’un « gouvernement fantôme », tandis que Mediapart va plus loin en qualifiant cette nouvelle équipe de « zombie ».
Pour les Français qui se souviennent, l’alignement de ces figures politiques ne suscite pas l’effet « waouh » escompté. En effet, leur expérience rappelle davantage des échecs que des succès. Élisabeth Borne, à la tête du ministère de l’Éducation, et Gérald Darmanin, en charge de la Justice, ne pourront pas faire oublier les controverses autour de la loi sur l’immigration, adoptée avec le soutien du Rassemblement National (RN), ni la réforme des retraites passée par le biais de l’article 49.3. Manuel Valls, quant à lui, est le symbole de l’échec avec sa non-candidature à l’élection présidentielle de 2017 et ses déconvenues électorales successives, tant en Catalogne qu’en France. Amélie de Montchalin, responsable des Comptes publics, revient sur le devant de la scène après avoir été rejetée par les électeurs de sa circonscription.
En examinant les ministres reconduits, tels que l’inoxydable Rachida Dati, il apparaît que les « grands noms » mis en avant cachent une continuité au sein d’un gouvernement qui semble figé, comme si le gouvernement Barnier, pourtant censuré, continuait de fonctionner malgré tout.
François Bayrou sous étroite surveillance
La formation de l’équipe par François Bayrou met en lumière une négation des résultats électoraux et des choix du Parlement. Le Premier ministre, en effet, n’a pas réussi à élargir sa base politique vers la gauche à l’Assemblée, un engagement initial sur lequel beaucoup fondaient leurs espoirs. En refusant de geler la réforme des retraites, symbole fort du pouvoir macronien, il renvoie les socialistes dans l’opposition. La présence de François Rebsamen, ancien proche de François Hollande, à l’Aménagement du territoire, ou d’Éric Lombard, ex-associé de Michel Sapin, à Bercy, ne parviendra pas à masquer cette réalité, d’autant plus qu’ils ont tous deux rallié Emmanuel Macron depuis longtemps.
De plus, François Bayrou semble perdre du soutien à sa droite, Laurent Wauquiez étant mécontent de ne pas avoir été nommé au ministère de l’Économie, ce qui réduit le soutien des Républicains. Malgré la présence de Bruno Retailleau à l’Intérieur, le président du groupe républicain à l’Assemblée nationale a annoncé que son groupe « votera texte par texte ».
Crise de régime
Par ailleurs, ce nouveau gouvernement marque une nouvelle défaite face au Rassemblement National. Ce dernier a réussi à influencer la composition du gouvernement en empêchant la nomination de personnalités comme Xavier Bertrand et Roland Lescure, qui se sont engagés à lutter contre l’extrême droite. Ainsi, François Bayrou se retrouve encore plus sous la surveillance du Rassemblement National que son prédécesseur.
Le macronisme semble s’enliser, se répétant à travers une rotation de son personnel à la tête de l’État, sous prétexte que la tripartition de l’espace politique empêcherait toute alternative. Cependant, cette situation ne fait qu’aggraver la crise de régime. Cette dynamique n’échappe pas aux observateurs étrangers, comme le grand quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui titre : « Die Agonie der Fünften Republik ». Pas besoin de traduction.
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