ÉDUCATION – Je suis mère depuis plus de six ans, j’ai deux enfants. J’ai longtemps été extrêmement exigeante envers moi-même pour cocher toutes les cases possibles dans leur éducation. Allaiter, porter, ne pas crier, ne pas commettre ces fameuses VEO qu’on nous rabâche sans cesse sur les réseaux sociaux. Maternité s’accordait avec dévotion, avec sacrifice, avec perfection. Il fallait toujours faire mieux, toujours réfléchir à mes paroles, toujours intellectualiser, tout, tout le temps. Parler sans utiliser la négation parce que forcément l’enfant n’est pas censé la comprendre. Même dans ma parole, la spontanéité n’était plus.

C’était le prix à payer pour être une bonne mère, pour élever mes enfants de la meilleure des façons, pour faire d’eux des êtres sans blessures intérieures. Et, en appliquant cette parentalité, bienveillante, positive, respectueuse (choisissez le mot qui vous convient) j’étais sûre de bien faire. Après tout il y a une logique là-dedans, respecter son enfant, le considérer comme un être humain, cela coule de source.

J’en étais au point où, je pouvais attendre quarante minutes pour que mes enfants acceptent de s’attacher en voiture et donc arriver en retard forcément, mais il fallait qu’ils entendent l’obligation. J’en étais au point, où la moindre frustration déclenchait (en particulier chez ma grande) des crises de colères (pardon dans ce milieu-là on parle de tempêtes émotionnelles) terribles dès lors qu’elle n’obtenait pas ce quelle souhaitait, ou s’il allait partir du parc, ou si je refusais d’acheter un bonbon, une glace, un jouet. Je ne parle pas d’un enfant qui insiste un peu, je parle d’un enfant qui se met à hurler, à se rouler par terre, à frapper, à appeler au secours et dire que je n’étais pas sa mère et que j’essayais de l’enlever. Tout ça dehors, dans la rue, en plein parc, dans les magasins. Mais, c’était normal, tout était normal. Un enfant ne sait pas gérer ses émotions, et lorsque j’allais me confier auprès de ces groupes de parents, je ne recevais qu’une réponse: c’était une tempête émotionnelle, je devais évaluer si la situation était risquée ou non pour l’enfant sinon lâcher prise, et peu à peu le laxisme arrivait à grands pas. Parce que c’est plus simple de dire oui, d’attendre une heure de plus au parc que de subir ces tensions énormes.

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Comme lorsqu’on écoute l’enfant celui-ci est capable de comprendre ses besoins intrinsèques, mes enfants choisissaient l’heure du coucher, ou plutôt tombaient de fatigue après des phases d’excitation intense le soir, choisissaient lorsqu’ils souhaitaient manger tant est si bien que même si les repas étaient à heures plutôt fixes, ils mangeaient ce qu’ils voulaient quand ils voulaient. Mais tout était normal, ils apprendraient à s’autoréguler, et puis, qui suis-je moi adulte pour juger de s’ils ont faim ou sommeil?

Je n’étais plus qu’une maman

On m’a vendu cette méthode, de livres en groupes Facebook, puis de comptes Instagram en études neuroscientifiques mal comprises et mal interprétées. J’ai joué le jeu. Il y avait deux clans, les bons, qui appliquaient ces préceptes à la lettre et dont je faisais partie, et les autres qui forcément considéraient leurs enfants comme des subalternes et se posaient face à eux en position de supériorité. J’ai toujours voulu bien faire avec mes enfants, j’ai été maman à vingt ans et je savais que mon âge ne me laissait pas droit à l’erreur.

À cet instant de ma parentalité, je n’étais plus qu’une maman, j’allaitais deux enfants, dont la grande allait sur ces cinq ans et le petit sur ses deux ans, je dormais avec eux, je vivais à travers eux. Mon quotidien, mon corps, mon lit, tout leur appartenait. J’étais tellement enfoncée dans ces convictions, engluées dans ce dogme, parce qu’à ce stade on peut parler de dogme, que je ne me rendais pas compte de la réalité. Des dégâts éducatifs que j’étais en train d’engendrer.

Puis, j’ai fait une formation petite enfance, j’y suis allée à reculons, persuadée que j’allais être entourée de personnes qui n’étaient absolument pas bienveillantes/positives/respectueuses vu que la norme est une éducation plus traditionnelle. Là, je suis tombée sur des formatrices merveilleuses et de superbes camarades de promo. Et à ma grande surprise, le centre de tout était le bien-être de l’enfant. Cette formation dans laquelle j’arrivais plongée dans mes certitudes m’a ouvert les yeux. En particulier grâce à l’étude de Winnicott et de sa théorie sur “la mère suffisamment bonne”. Parce qu’une mère n’a pas à être une professionnelle de la petite enfance. Une mère parfaite, renvoie une image horrible à ses enfants qui se sentent amoindris parce qu’eux ont des défauts. Une mère maltraitante est une mère qui heurte aussi ses enfants profondément de par ses agissements envers eux. Mais, une “bonne” mère se doit d’avoir des failles, parce qu’elle est humaine tout simplement. Et que ses limites, son bien-être, son bonheur comptent tout autant que celui de ses enfants. Aujourd’hui je suis convaincue qu’un parent bien dans ses baskets fera un enfant bien dans les siennes.

Être soi-même avec ses enfants

Pour ma part, une bonne mère veille sur ses enfants, elle s’adapte, non pas en fonction de livres, de théories, de méthodes, ou de listes de VEO à ne surtout pas commettre. Mais, une bonne mère fait avec son bagage, avec sa personnalité, avec l’enfant qu’elle a en face et elle fait au mieux. Parfois en se trompant. Parce qu’aucun parent n’est en capacité d’avoir toujours tout juste. Parce qu’éduquer un enfant (en latin du verbe, educare grandir, faire pousser) est une tâche bien difficile, avec aucun mode d’emploi. En bref, soyons nous-mêmes avec nos enfants, pour qu’ils puissent plus tard, eux aussi être eux-mêmes.

À l’issue de ma formation, je commençais peu à peu à me détacher de ces méthodes éducatives, puis, je me suis séparée du père de mes enfants. Je me suis rapidement retrouvée seule, au RSA (parce que bien sûr j’avais arrêté de travailler pour m’occuper d’eux) dans un appartement. C’était la débandade, je me raccrochais aux théories bienveillantes, je mettais le moindre de leurs agissements sur le dos de la séparation. Après tout, c’est un sacré traumatisme pour des enfants. Non?

Seule, c’était tellement difficile. J’attendais avec impatience qu’ils soient chez leur père pour pouvoir recharger mes batteries. Je donnais tout, je laissais tout, et je ne les supportais plus, mais avec le sourire en réprimant toutes mes émotions négatives pour ne surtout pas les traumatiser et blesser à sang leur enfant intérieur.

Puis, j’ai rencontré quelqu’un, qui lui-même n’avait pas d’enfants. On a fini par vivre tous ensemble. Il passait d’une vie de célibataire à une vie de famille avec deux monstres âgés de moins de six ans qui avaient tous les droits, qui jetaient leur assiette par terre s’ils n’aimaient pas, qui mangeaient tout et n’importe quoi, qui piquaient des crises terribles, qui refusaient de dormir dans leur lit, qui sautaient dans l’appartement à toute heure. Qui cassaient à peu près tout ce qui leur passait sous la main (son ordinateur, son casque Bluetooth, sa PlayStation, les placards du buffet et j’en passe).

À ce moment-là, on a failli se séparer. Il y a eu un électrochoc. Au cours d’une dispute je lui ai dit que “l’éducation, ça ne doit pas marcher” phrase récurrente dans le dogme qui permet de dire à un parent qui n’en peux plus du comportement de ses enfants que c’est une fois de plus de sa faute, qu’il ne comprend rien, que l’éducation n’a pas de résultats à avoir. Suite à ça, il m’a balancé “Tu sers à quoi alors? Si ça ne doit pas marcher, tu sers à quoi? Pourquoi tu es leur mère?” Ce soir-là il a dormi au salon.

On a décidé de se donner une chance. On a discuté des règles à appliquer à deux avant d’en parler aux enfants. On a appliqué une tolérance zéro, accompagnée de câlins, d’explications, mais un non était un non. On est passé à travers des crises affreuses. On a tenu bon. J’avais le soutien dont j’avais besoin, le relais nécessaire. Peu à peu, ils ont intégré les règles. Lorsque les situations dégénèrent, maintenant j’ai franchi un grand interdit de cette éducation bienveillante/positive/respectueuse. Je punis. Je les envoie réfléchir dans leur chambre. Je prive d’écrans si les limites sont plus que dépassées. Et je ne culpabilise plus de cela.

Parce que ça a un sens. Parce que finalement dans leur chambre ils jouent le temps de se calmer. Lorsque je prive d’écrans pas plus d’une journée, ils remplacent ce temps devant Netflix par des dessins, des puzzles et j’en passe et jouer n’est pas un traumatisme.

Désormais, chez nous, il y a des règles pour les heures de repas, s’ils ont faim, mais que ce n’est pas l’heure ils demandent pour prendre un fruit ou un yaourt. Si on mange dans dix minutes c’est non, si c’est dans une heure c’est OK. Ils vont se coucher à l’heure fixée et s’endorment seuls en quelques minutes après câlins et histoires. Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, mais après un an de remise en question de mon mode d’éducation je peux le dire, je suis désormais moins fatiguée, moins irritable, moins culpabilisée par le moindre de mes actes. Et mes enfants vont mieux, et ça, je ne le tiens même pas de moi, c’est le psy du CMP qui nous suit qui l’a confirmé. Parce que oui, en parallèle à tout ça on a fait appel à de vrais professionnels. Parce qu’en cas de besoins, c’est important d’accepter de se faire suivre par des pros qualifiés (Psy, EJE, Psychomotricien, Educ Spé… la liste est longue).

Ferme lorsque c’est nécessaire, souple lorsque c’est possible

Aujourd’hui, notre éducation est finalement ferme lorsque c’est nécessaire, et souple lorsque c’est possible. Ils n’ont pas le droit de courir partout dans les magasins, mais on n’hésite pas à faire sauter l’heure du coucher si le lendemain il n’y a pas école pour une soirée film/pizza/popcorn ou une soirée jeux de société/bonbons. Tout est une question de mesure.

Un an plus tôt, j’aurais vu ma façon de faire comme maltraitante, mais finalement, si les enfants pouvaient tout gérer seuls, pouvaient comprendre tous leurs besoins, ils n’auraient pas besoin de parents, ils seraient des lombrics autonomes à la sortie de l’œuf. Le bon sens nous a sauvés. La maltraitance intervient, elle quand la sécurité affective, physique, psychologique de l’enfant est atteinte. La maltraitance, c’est aussi laisser son enfant choisir l’heure de se coucher sachant qu’il ne sait pas se réguler, la maltraitance reste aussi les coups, les humiliations répétées. Finalement peu importe le type d’éducation que nous choisissons, il y a ce qui marche avec nos enfants, ce qui ne marche pas en gardant bien en tête que chaque extrême est une forme de maltraitance ou de négligence. Mais entre ces extrêmes-là, il y a plein de zones de gris. Nous on a trouvé notre nuance qui nous est propre et qui n’est la même pour personne. Parce que s’il y a bien une chose d’unique, c’est l’équilibre de chaque famille. Cet équilibre se trouve entre les caractères de chacun, le mode de vie, l’âge, le rythme, le type d’habitations, la composition de la famille. Rien n’est immuable, encore moins en éducation. Ce qui convient à la voisine ne convient pas chez moi et vice versa.

Parce que oui, si respecter son enfant, l’accompagner, l’écouter est une base solide dans l’éducation. Se respecter en tant que personne lorsqu’on est parent l’est tout autant.

Vous pouvez retrouver Mariza sur son compte Instagram.

À voir également sur Le HuffPost: C’est quoi être une bonne mère?

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