J’en étais au point où, je pouvais attendre quarante minutes pour que mes enfants acceptent de s’attacher en voiture et donc arriver en retard forcément, mais il fallait qu’ils entendent l’obligation. J’en étais au point, où la moindre frustration déclenchait (en particulier chez ma grande) des crises de colères (pardon dans ce milieu-là on parle de tempêtes émotionnelles) terribles dès lors qu’elle n’obtenait pas ce quelle souhaitait, ou s’il allait partir du parc, ou si je refusais d’acheter un bonbon, une glace, un jouet. Je ne parle pas d’un enfant qui insiste un peu, je parle d’un enfant qui se met à hurler, à se rouler par terre, à frapper, à appeler au secours et dire que je n’étais pas sa mère et que j’essayais de l’enlever. Tout ça dehors, dans la rue, en plein parc, dans les magasins. Mais, c’était normal, tout était normal. Un enfant ne sait pas gérer ses émotions, et lorsque j’allais me confier auprès de ces groupes de parents, je ne recevais qu’une réponse: c’était une tempête émotionnelle, je devais évaluer si la situation était risquée ou non pour l’enfant sinon lâcher prise, et peu à peu le laxisme arrivait à grands pas. Parce que c’est plus simple de dire oui, d’attendre une heure de plus au parc que de subir ces tensions énormes.
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Comme lorsqu’on écoute l’enfant celui-ci est capable de comprendre ses besoins intrinsèques, mes enfants choisissaient l’heure du coucher, ou plutôt tombaient de fatigue après des phases d’excitation intense le soir, choisissaient lorsqu’ils souhaitaient manger tant est si bien que même si les repas étaient à heures plutôt fixes, ils mangeaient ce qu’ils voulaient quand ils voulaient. Mais tout était normal, ils apprendraient à s’autoréguler, et puis, qui suis-je moi adulte pour juger de s’ils ont faim ou sommeil?
Je n’étais plus qu’une maman
Puis, j’ai fait une formation petite enfance, j’y suis allée à reculons, persuadée que j’allais être entourée de personnes qui n’étaient absolument pas bienveillantes/positives/respectueuses vu que la norme est une éducation plus traditionnelle. Là, je suis tombée sur des formatrices merveilleuses et de superbes camarades de promo. Et à ma grande surprise, le centre de tout était le bien-être de l’enfant. Cette formation dans laquelle j’arrivais plongée dans mes certitudes m’a ouvert les yeux. En particulier grâce à l’étude de Winnicott et de sa théorie sur “la mère suffisamment bonne”. Parce qu’une mère n’a pas à être une professionnelle de la petite enfance. Une mère parfaite, renvoie une image horrible à ses enfants qui se sentent amoindris parce qu’eux ont des défauts. Une mère maltraitante est une mère qui heurte aussi ses enfants profondément de par ses agissements envers eux. Mais, une “bonne” mère se doit d’avoir des failles, parce qu’elle est humaine tout simplement. Et que ses limites, son bien-être, son bonheur comptent tout autant que celui de ses enfants. Aujourd’hui je suis convaincue qu’un parent bien dans ses baskets fera un enfant bien dans les siennes.
Être soi-même avec ses enfants
Seule, c’était tellement difficile. J’attendais avec impatience qu’ils soient chez leur père pour pouvoir recharger mes batteries. Je donnais tout, je laissais tout, et je ne les supportais plus, mais avec le sourire en réprimant toutes mes émotions négatives pour ne surtout pas les traumatiser et blesser à sang leur enfant intérieur.
Puis, j’ai rencontré quelqu’un, qui lui-même n’avait pas d’enfants. On a fini par vivre tous ensemble. Il passait d’une vie de célibataire à une vie de famille avec deux monstres âgés de moins de six ans qui avaient tous les droits, qui jetaient leur assiette par terre s’ils n’aimaient pas, qui mangeaient tout et n’importe quoi, qui piquaient des crises terribles, qui refusaient de dormir dans leur lit, qui sautaient dans l’appartement à toute heure. Qui cassaient à peu près tout ce qui leur passait sous la main (son ordinateur, son casque Bluetooth, sa PlayStation, les placards du buffet et j’en passe).
À ce moment-là, on a failli se séparer. Il y a eu un électrochoc. Au cours d’une dispute je lui ai dit que “l’éducation, ça ne doit pas marcher” phrase récurrente dans le dogme qui permet de dire à un parent qui n’en peux plus du comportement de ses enfants que c’est une fois de plus de sa faute, qu’il ne comprend rien, que l’éducation n’a pas de résultats à avoir. Suite à ça, il m’a balancé “Tu sers à quoi alors? Si ça ne doit pas marcher, tu sers à quoi? Pourquoi tu es leur mère?” Ce soir-là il a dormi au salon.
On a décidé de se donner une chance. On a discuté des règles à appliquer à deux avant d’en parler aux enfants. On a appliqué une tolérance zéro, accompagnée de câlins, d’explications, mais un non était un non. On est passé à travers des crises affreuses. On a tenu bon. J’avais le soutien dont j’avais besoin, le relais nécessaire. Peu à peu, ils ont intégré les règles. Lorsque les situations dégénèrent, maintenant j’ai franchi un grand interdit de cette éducation bienveillante/positive/respectueuse. Je punis. Je les envoie réfléchir dans leur chambre. Je prive d’écrans si les limites sont plus que dépassées. Et je ne culpabilise plus de cela.
Parce que ça a un sens. Parce que finalement dans leur chambre ils jouent le temps de se calmer. Lorsque je prive d’écrans pas plus d’une journée, ils remplacent ce temps devant Netflix par des dessins, des puzzles et j’en passe et jouer n’est pas un traumatisme.
Désormais, chez nous, il y a des règles pour les heures de repas, s’ils ont faim, mais que ce n’est pas l’heure ils demandent pour prendre un fruit ou un yaourt. Si on mange dans dix minutes c’est non, si c’est dans une heure c’est OK. Ils vont se coucher à l’heure fixée et s’endorment seuls en quelques minutes après câlins et histoires. Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, mais après un an de remise en question de mon mode d’éducation je peux le dire, je suis désormais moins fatiguée, moins irritable, moins culpabilisée par le moindre de mes actes. Et mes enfants vont mieux, et ça, je ne le tiens même pas de moi, c’est le psy du CMP qui nous suit qui l’a confirmé. Parce que oui, en parallèle à tout ça on a fait appel à de vrais professionnels. Parce qu’en cas de besoins, c’est important d’accepter de se faire suivre par des pros qualifiés (Psy, EJE, Psychomotricien, Educ Spé… la liste est longue).
Ferme lorsque c’est nécessaire, souple lorsque c’est possible
Parce que oui, si respecter son enfant, l’accompagner, l’écouter est une base solide dans l’éducation. Se respecter en tant que personne lorsqu’on est parent l’est tout autant.
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