En 2002, la biologiste avait publié ses premiers travaux sur l’instinct parental dans le cerveau de la souris. Une percée qui aidera peut-être un jour à mieux comprendre les rôles adoptés par les mammifères, dont les hommes et les femmes.
La professeure et directrice de laboratoire à Harvard a identifié les circuits de neurones du cerveau qui, instinctivement, dictent à une souris femelle de généralement prendre soin des souriceaux, et au mâle de les attaquer, selon les circonstances (le comportement infanticidaire est typique des mâles).
Des pistes pour l’humain
Sa contribution majeure? Avoir montré que mâles et femelles ont chacun en eux les circuits comportementaux des deux sexes: la différence est que leurs hormones activent l’un ou l’autre des circuits, comme un interrupteur. Parfois, c’est l’autre circuit qui s’active, conduisant par exemple une mère stressée à tuer ses petits ou un mâle à s’occuper de sa progéniture.
“On pense que ce qu’on a trouvé peut s’étendre à d’autres espèces” dont les humains, a déclaré à l’AFP Catherine Dulac, 57 ans, installée depuis 25 ans aux États-Unis. “Il y a un instinct, et l’instinct, c’est justement le fonctionnement de ces neurones, qui sont, je parie, dans le cerveau de tous les mammifères et disent à l’animal, quand il y a des signaux sur la présence de nouveaux-nés: “Tu dois t’en occuper”, poursuit la scientifique.
Questions transgenres
Ces travaux de recherche fondamentale, bien que limités pour le moment à la souris, intéressent évidemment tous ceux qui travaillent sur les questions transgenres, puisque la découverte de Catherine Dulac confirme que le câblage masculin et féminin existe (du moins chez les souris). Familles ou alliés de personnes transgenres l’interpellent régulièrement pour la remercier. “Je suis une scientifique, je regarde les données, je suis neutre”, dit-elle, mais elle admet: “Ca me touche énormément”.
Originaire de Montpellier, passée par Normale Sup, elle était partie aux États-Unis après son doctorat avec la ferme intention de revenir ensuite en France. “Mais mon post-doc a très bien marché, et j’ai eu des opportunités pour avoir mon propre laboratoire aux États-Unis, et je n’ai eu aucune opportunité d’avoir mon propre labo en France. Là, je me suis vraiment heurtée à une espèce de comportement paternaliste à la con, si je puis m’exprimer ainsi, où les gens disaient: “Oh, vous êtes beaucoup trop jeune pour avoir votre propre budget, vous n’avez pas assez d’expérience pour être indépendante”.
Catherine Dulac a donc choisi Harvard et fait sa vie là-bas, obtenant in fine la double nationalité. Pour elle, les États-Unis ont des années d’avance sur la France pour promouvoir activement l’égalité hommes-femmes, mais régulièrement, dans les conférences, elle raconte être sous-estimée, ou prise de haut, dans des conversations, par des collègues hommes.
“C’est agaçant, on ne s’attend pas à ce que moi, j’ai quelque chose d’intéressant à dire”, relève-t-elle, soupirant face à ce qui ressemble fort à un instinct de ses collègues mâles. Elle compte donner une partie du montant de son prix à la santé et à l’éducation des femmes et populations défavorisées.
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