Depuis mon test trouillard de la campagne solo de Modern Warfare, j’ai investi plusieurs centaines d’heures dans son multijoueur et dans Warzone. J’ai débloqué le damas, quelques obsidiennes et tous les défis d’officier pour les cinq dernières saisons. Autrement dit, j’ai poncé ce jeu comme je ne pensais plus jamais poncer un jeu. Aujourd’hui, je peux vous le dire : Modern Warfare est clairement l’un des meilleurs FPS auquel il m’ait été donné de jouer, et je ne joue quasiment qu’à des FPS depuis mon enfance. Les maps sont (pour la plupart) excellentes, les armes uniques et équilibrées, le gameplay d’une profondeur rare. Cold War est en train de relativiser tout ça.

Permettez-moi une comparaison douteuse pour illustrer mon ressenti : quand j’ai migré sur Cold War après Modern Warfare, j’ai eu l’impression de me consoler avec une crasseuse du Relais de Belleville après m’être fait bazarder par une copine casse-couilles mais connue par cœur. Le changement est intéressant, c’est marrant et visqueux, on oublie le passé malgré sa richesse. Et finalement, malgré la violence de la transition, ça marche.

Alimenter la pompe à contenu

Premier élément frappant au lancement du multijoueur de Cold War : le manque de contenu. Une vingtaine d’armes, secondaires comprises, huit maps 6v6, et trois nouveaux modes de jeu qui ne sont pas près de casser trois pattes à un canard : VIP Escort, un mode de jeu tactique dans lequel une cible prioritaire doit être exfiltrée ou éliminée, Fireteam, un affrontement battle-royaloïde aux règles alambiquées, et Combined Arms, qui fait s’affronter deux équipes de douze joueurs pour le contrôle de points stratégiques. C’est léger. 

Pourtant, cette légèreté ne me semble pas être un motif légitime de pleurnicherie : nous sommes en 2020, les jeux vidéo ne sont plus vendus comme des monolithes complets à leur sortie mais plutôt comme des services que les éditeurs engraissent au fil du temps. Est-ce une chance ou un drame pour le secteur ? À vous de nous le dire, mais la première saison de Cold War commence le 10 décembre prochain et l’on peut parier sans trop de risque qu’elle saura entretenir la dépendance des joueurs en introduisant du nouveau contenu. À moins que le jeu ne manque réellement de corps, conséquence d’un développement mouvementé dans un contexte de pandémie ? Nous verrons bien. Pour le moment, parlons plutôt de ce sans quoi ce contenu ne vaut pas tripette : le gameplay.

Sweats just wanna have fun

Les cartes de Cold War sont simples, voire simplettes. Leurs angles sont francs, leur construction claire et leurs lignes de mire nombreuses mais ludiques. Surtout, elles limitent les jeux de cache-cache et de verticalité : quand les maps urbaines de Modern Warfare grouillent de fenêtres et de recoins haut-perchés depuis lesquels les campeurs ont tout le loisir de perforer les passants en restant quasiment intouchables, celles de Cold War encouragent un gameplay nerveux et bien accroché au plancher des vaches. Les duels sont donc moins frustrants et plus équitables : on cavale, on se croise, il tire, je tire, le plus skillé (ou chanceux) l’emporte à force de glissades et de petits sauts. C’est simple et rafraîchissant.

Parlons maintenant des armes de Cold War. Avec ses animations foireuses et ses bruitages mous, la beta ne présageait rien de bon pour elles. Force est de constater que Treyarch a relevé la barre en quelques semaines : les flingues font du boucan et tressautent avec un réalisme certain, les sensations sont bonnes, on se sent lourd et dangereux. Exception faite du MP5, cette arme de noskill qui mérite un nerf aussi rapide que brutal, tous demandent des efforts de prise en main. (Sérieusement, les joueurs MP5 mangent leurs morts.) Tous semblent également uniques dans leur comportement, ce qui relativise la « petite » taille de cette armurerie de lancement. Les snipers se distinguent particulièrement par leur maniement exigeant : le réticule gigote, les balles mettent un peu de temps à cogner, il faut être vif, compter sur son instinct. C’est plaisant.

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Dans la guerre froide mais pas si rétrograde

Cold War est déjà dénoncé comme un retour en arrière pour la licence d’un point de vue graphique. C’est vrai, ce jeu est assez moche. Mais à mon humble avis, on s’en fout. Call of Duty est une licence nerveuse : plus que la beauté de ses graphismes, c’est leur limpidité qui compte, et de ce point de vue le jeu tient la route. Dans Modern Warfare, j’utilise un opérateur tout maigre et tout habillé de noir car je sais qu’il est plus difficile à distinguer. Dans Cold War, ce genre d’embrouille ne fonctionne pas : tous les personnages apparaissent clairement à l’image. Signalons aussi que la faible qualité visuelle du jeu lui permet de tourner sur des bécanes aux portes de la mort, ce qui est une bonne chose pour les gamers de pays moins riches que le nôtre. Tout le monde n’as pas les mailles pour une Playstation 5.

Pour compenser ses graphismes datés, Cold War fait montre de personnalité. Les opérateurs ont du caractère et les environnements sont variés : les tueurs de la CIA en blue jeans qui se cartonnent entre les débris d’un satellite écrasé, dans l’ombre des plantations de narco-trafiquants ou contre les marbres démocratiques du Moscou soviétique, ça claque assez. Cependant, troisième millénaire oblige, une foultitude de stickers fluo et d’amulettes pour pistolet-mitrailleur en forme de sourcils de Léonid Brejnev devraient bientôt transformer cette soirée eighties en carnaval par la grâce des micro-transactions. Profitons du calme : pour le moment, la catégorie « Store » du jeu est déserte. 

Crève, campeur, crève

Le seul véritable « pas en arrière » de Cold War tient peut-être à sa mobilité. Les mouvements de mon personnages semblent lourds et peu précis, comme si je pilotais une créature mi-homme, mi-engin de chantier. Je me suis habitué mais une petite rallonge de vitesse et de maniabilité ne serait pas de refus, surtout dans un jeu qui tient tant à vous faire remuer. Car Cold War ne se contente pas proposer des maps sans trop de recoins pour lutter contre le camping.

Premier choix fort et dénoncé par certains puristes comme un retour en arrière : contrairement à son prédécesseur, cet épisode ne permet pas de « monter » une arme sur un coin d’environnement pour stabiliser ses tirs. Cependant, cette soi-disant rétrogradation est plutôt judicieuse, car elle ne restreint les options tactiques des joueurs que pour les pousser au mouvement : tous ceux qui ont fréquenté Modern Warfare savent que monter son arme est un truc de campouze misérable dans 99% des cas.

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Cold War a pris une autre décision radicale pour forcer les joueurs à gambader : remplacer les killstreaks par des scorestreaks. Désormais, pour décrocher le bombardement au napalm ou la voiture radiocommandée explosive, pas question de faire cinq ou dix kills : il faut obtenir un certain nombre des points. Et pour obtenir ces points, rien de tel que de jouer les objectifs. Toujours dans une logique anti-campeurs, ces scorestreaks ne sont pas remis à zéro lorsque le joueur se fait descendre. Il n’est donc plus nécessaire de jouer comme un lâche pour protéger son streak et obtenir une récompense. (Dieu sait que je me suis planqué mille fois pour obtenir les deux kills qui me séparaient du mastodonte dans Modern Warfare.) Plus vous serez actif, plus vous ferez de points, plus vous aurez de bonus. C’est une bonne idée.

Pour le moment, cette recette semble fonctionner. Mes parties de Cold War ont toutes été dynamiques, plaisantes et bizarrement « justes ». Quand je me fais buter, c’est parce que je n’ai pas su viser ou me placer intelligemment, pas parce que xXxDre4mKill4xXx campe comme un enfant de chien dans l’embrasure d’une porte. Il m’est arrivé de me sentir frustré, mais toujours par mes propres performances, jamais par le jeu lui-même. Ce sentiment de justice découle aussi du bon équilibrage de Cold War (sauf pour le MP5, cette arme de mange-pierre) : le TTK est ni trop court, ni trop long, les spawns sont bien faits, les scorestreaks sont courants mais pas envahissants et encore moins invincibles. Bref, on s’amuse bien.

À gauche de Gorbatchev

J’ai oublié de vous parler de la campagne solo. Conformément à son titre, Cold War nous plonge dans l’affrontement des blocs soviétiques et de l’Ouest, avec tout ce que cela suppose de clichés : tour en hélicoptère au-dessus des rizières vietnamiennes sur fond de guitare électrique, balade dans les locaux du KGB, assassinats discrets d’officiers de la Stasi dans les couloirs de Berlin-Est, détour par Cuba. Entre deux massacres de soldats russes, on croise Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev. Cependant, l’aventure propose un peu plus que cette succession de cartes postales guerrières. 

Pour une fois, une campagne solo de Call of Duty vous laisse le choix. Bien que cela ne change pas grand-chose la plupart du temps, nombre de dialogues vous permettent de choisir vos réponses. Au terme de l’aventure, surtout, il vous sera offert de mentir ou de dire la vérité. Votre décision aura une influence majeure sur la dernière mission de la campagne et sa conclusion. Vous aurez également la possibilité de résoudre de petites énigmes pour influencer cette conclusion au fil de mission secondaires. Ce n’est pas encore Fallout : New Vegas niveau libre-arbitre et conséquences de vos actes, mais c’est tout de même agréable.

Reste à savoir ce que Treyarch et Activision ont prévu pour les joueurs au fil des mois à venir, notamment vis-à-vis du mode zombies et de Warzone. J’ai confiance. Car Cold War a beau être moins élégant que Modern Warfare, il est aussi plus fun. 

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