CONSO – Le défi “février sans supermarché” est relancé en pleine crise sanitaire, et cela n’a jamais autant fait sens. Préférer des produits frais et locaux achetés au plus près du milieu paysan et des commerces indépendants pour soutenir une profession en crise, plébisciter des méthodes de production plus vertueuses, se maintenir en meilleure forme, tout en faisant des économies… est tout sauf anecdotique en pleine pandémie. La crise que nous vivons est sans doute le point de départ d’un basculement collectif: nous avons réalisé notre vulnérabilité, mesuré l’ampleur des dépendances de notre système alimentaire, mais aussi notre capacité à la résilience.

Ce nouvel élan citoyen est encouragé par le défifévrier sans supermarché”. Cet appel vise en effet à créer une émulation collective pour que chacun s’interroge sur sa façon de se nourrir, remette en cause certaines habitudes et privilégie au maximum un approvisionnement local via les réseaux indépendants. Le but n’est pas de boycotter les supermarchés mais de sensibiliser à une consommation réfléchie. Pour ce faire, les personnes relevant le défi s’encouragent mutuellement, s’échangent leurs adresses, recettes et bonnes astuces sur les réseaux sociaux tout au long du mois via le #SansSupermarché et au travers de plus de 80 groupes régionaux sur Facebook mis en place par les initiant-e-s du défi.

Agriculture en crise

En tant que journalistes, experts de la transition écologique, nous savons l’impasse dans laquelle nous sommes, et nous ne pouvons que soutenir une alternative durable à un modèle intenable, dont la crise a révélé les failles.

L’agriculture, déjà en crise, pâtit en effet de la mise à l’arrêt des restaurants depuis plusieurs mois. Elle a aussi été affaiblie par la fermeture des frontières, la privant d’une main-d’œuvre étrangère dont elle ne peut plus se passer. Ces infortunes affectent encore un peu plus un système aux abois où les agriculteurs appartiennent à la catégorie socio-professionnelle qui accuse le plus haut taux de pauvreté, selon l’Insee. Près de 20% des agriculteurs n’ont pas pu se verser de revenu en 2017. Le nombre de fermes diminue et la population active agricole a été divisée par deux en moins de trente ans. Les difficultés financières du milieu paysan accélèrent son déclin et expliquent aussi le recours à la main-d’œuvre bon marché des travailleurs détachés pour les récoltes saisonnières. La crise sanitaire a tristement mis en lumière les incohérences du système de la grande distribution où les prix d’achat des produits agricoles sont fixés indépendamment de leurs coûts de production.

Redonner du sens et du goût dans nos assiettes

À rebours de ce modèle dominant, les circuits courts ont été renforcés par la crise sanitaire. Ce mode de distribution compte un intermédiaire maximum entre la clientèle et le producteur (selon la définition du ministère de l’Agriculture) et les producteurs déterminent leurs prix, gage d’une rémunération décente. Ainsi, les ventes directes à la ferme, en AMAP (où les adhérents s’engagent à recevoir un panier de produits sur une période déterminée), en épiceries paysannes ou coopératives, auprès des producteurs sur les étals des marchés ont vu affluer de nouveaux clients. Des citoyens, collectivités, municipalités partout en France ont imaginé des solutions pour permettre aux agriculteurs, privés de leurs débouchés habituels, d’écouler leur production. Une manière aussi de redonner du sens dans nos assiettes, mais aussi du goût!

Les citoyens ont privilégié un système de distribution à taille humaine où l’on connaît la provenance des produits. “C’est comme si les gens s’étaient rendu compte de la fragilité de nos approvisionnements… Il y a eu une prise de conscience de l’importance de privilégier une alimentation plus locale”, analyse Yuna Chiffoleau, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Par ailleurs, l’alimentation joue un rôle majeur sur la santé et sur l’environnement, elle a été un refuge pendant les confinements. Soutenir des paysans de plus petites fermes aux méthodes de production plus vertueuses, sans suremballage a donc été un réflexe pour bon nombre d’entre nous.

En pleine pandémie – où les contacts sont réduits au maximum pour limiter les contaminations – cette organisation de proximité est aussi plus rassurante. Elle maintient des contacts essentiels, brise la solitude des agriculteurs et des consommateurs et préserve l’activité encore possible dans des centre-villes.

Entre 10 et 12% moins cher

D’autant que les prix ne sont pas plus élevés, à qualité comparable. Nos expériences mutuelles de vies sans supermarchés le confirment: s’approvisionner intégralement en circuits courts coûte entre 10 et 12% moins cher. De fait, la réduction du nombre d’intermédiaires allège les prix et l’absence d’incitation à faire des achats superflus réduit le gaspillage.

Il faut toutefois être prêt à cuisiner davantage des fruits et légumes locaux et de saison. Mieux vaut aussi s’organiser à l’avance et accepter le changement. Pour ces raisons, l’initiative “février sans supermarché” est utile. Le défi solidaire crée en effet du lien et un réseau d’entraide pour faciliter le passage à l’acte. Le but n’est pas nécessairement de chambouler les habitudes mais d’intégrer de nouveaux gestes, comme l’achat de pain en boulangerie artisanale plutôt qu’en supermarché.

Plus nous serons nombreux à voter pour un mode de distribution plus durable, plus nos décisions auront du poids. Aujourd’hui, moins de 20% des achats alimentaires se font en circuits courts. Pourtant les arguments ne manquent pas: plus de relations humaines, des prix justes, moins d’emballages, la santé préservée et le soutien des commerces de proximité. Le “monde d’après” s’écrit incontestablement dans notre assiette et c’est une bonne nouvelle. Alors chiche?! Dégustez, discutez, partagez sur les réseaux #SansSupermarché. Ensemble, faisons du bruit pour que les circuits courts gagnent du terrain!

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