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Une file d’attente de personnes immigrées attendant un titre de séjour le 3 novembre 1989 en France.

Interminables files d’attente, suppression de guichets d’accueil, méandres administratifs: loin des ambitions affichées par le gouvernement en matière de qualité du service public, tel est le quotidien vécu en France par des milliers d’étrangers qui souhaitent mener à bien leurs démarches d’obtention ou de renouvellement de titre de séjour.

Malgré le soutien et les efforts sans relâche des associations qui les accompagnent, le droit fondamental qu’est l’accès à l’administration est ainsi bafoué. Quelle que soit l’opinion de chacun d’entre nous en matière de politique migratoire, une telle maltraitance administrative est inadmissible: tous les usagers du service public, y compris les étrangers, devraient pouvoir initier et suivre les procédures qui les concernent, et obtenir une réponse dans un délai raisonnable, que cette dernière soit positive ou négative.

Guichets fermés

Or, dans de nombreuses préfectures, les guichets permettant d’accueillir les étrangers ont tout simplement fermé. Sans accès Internet, impossible d’obtenir un rendez-vous relatif à un titre de séjour. Cette tendance à la réduction de l’accueil physique n’est pas nouvelle, mais s’est fortement aggravée avec la crise sanitaire. Ces décisions ont de graves conséquences s’agissant d’usagers parfois hébergés dans des conditions précaires, dans des gymnases ou même à la rue, a fortiori sans accès aisé à Internet et dont le français n’est souvent pas la langue maternelle.

Le 18 février dernier, le tribunal administratif de Rouen a pourtant jugé illégal un arrêté de la Préfecture de la Seine-Maritime qui imposait aux personnes étrangères d’effectuer leurs démarches en ligne. Le 12 mars, plus de 200 étrangers sans papiers ainsi que des associations se sont rassemblés devant la Préfecture de Paris pour dénoncer cette situation indigne de notre pays.

Les délais

La dématérialisation n’a en outre fait que masquer le principal problème: les délais. Si les longues files de personnes patientant devant la Préfecture la nuit et dans le froid ne sont plus visibles, l’attente, elle, reste toujours une réalité, implacable, pour les demandeurs. Pire, elle s’est grandement accentuée depuis le début de la crise sanitaire. La situation est telle que les associations conseillent désormais aux étrangers de se connecter en pleine nuit pour espérer obtenir le précieux sésame. Car pour celles et ceux qui, malgré la précarité de leur situation, arriveraient à se connecter, la désillusion est grande: aucun créneau n’est proposé, faute de disponibilités. Ce blocage, profitant de la détresse des individus concernés, alimente alors un odieux marché de revente de créneaux. Comment peut-on se résoudre ainsi à la marchandisation d’un droit administratif basique et essentiel?

Ces étrangers, souvent arrivés en France après un long parcours, dangereux et éprouvant, sont ainsi une nouvelle fois livrés à leur sort, sans même la simple possibilité d’accéder à un interlocuteur institutionnel. Cette situation se répercute aussi sur les associations qui doivent apporter une aide à un nombre croissant de migrants en détresse sociale et psychologique.

Comment peut-on tolérer que des situations kafkaïennes perdurent durant des mois voire des années?

L’organisation administrative, même en période de crise sanitaire, ne doit pas conduire à fragiliser encore plus des publics déjà vulnérables. Comment peut-on tolérer que des situations kafkaïennes perdurent durant des mois voire des années? Les étrangers ne doivent pas être les laissés-pour-compte de la crise. Il est du devoir du gouvernement de garantir un accès aux services préfectoraux afin que tous les usagers puissent faire valoir leurs droits et obtenir une réponse -quelle qu’elle soit- dans des délais raisonnables.

La politique migratoire fait partie du débat démocratique, mais la maltraitance administrative des étrangers est intolérable. Pourtant, devant l’ampleur de cette dernière, difficile de croire qu’elle ne procède pas d’une volonté délibérée. Le gouvernement doit d’urgence y mettre fin, et assumer ses choix en matière de politique migratoire.

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