Mais avant cela, elle doit tout de même réussir son marathon de confirmation pour atteindre l’un des neuf sièges de la Cour suprême. Ketanji Brown Jackson a commencé mardi 22 mars au Sénat américain pour plusieurs jours d’examen de sa candidature que les sénateurs doivent valider pour finaliser sa nomination.
Devant les élus, celle que Barack Obama a qualifié de “source d’inspiration pour les femmes noires” a dû subir les nombreuses critiques des Républicains qui ont creusé le passé de la magistrate pour la mettre en difficulté.
Un laxisme supposé face aux “prédateurs sexuels”
Au cours d’une audition pourtant qualifiée de “ronronnante” par la presse américaine, Ketanji Brown Jackson a été pointée par les élus conservateurs sur la question sensible d’un supposé “laxisme” de sa part concernant des décisions de justice sur des cas de pédopornographie.
Pour appuyer leurs propos, les républicains ont fait plusieurs fois référence à la clémence supposée de la juge dans des affaires de pornographie infantile, alors même que les personnes en causes dans ses affaires ont toutes été condamnées par la juge. Le sénateur du Texas Ted Cruz a notamment accusé la candidate de Joe Biden de “militer pour les prédateurs sexuels” après avoir retenu des “peines inférieures aux réquisitions dans 100% des dossiers de pédopornographie”.
Ted Cruz pulls out his white board to illustrate how in child pornography cases, Ketanji Brown Jackson gave the defendants an average 47.2% less sentence than what the prosecutors recommended. pic.twitter.com/7VUnbdAg2E
— Greg Price (@greg_price11) March 22, 2022
“Ted Cruz sort son tableau blanc pour illustrer comment, dans les affaires de pédopornographie, Ketanji Brown Jackson a infligé aux accusés une peine moyenne de 47,2 % inférieure à celle recommandée par les procureurs”
Attaquée depuis plusieurs semaines sur cette question, Ketanji Brown Jackson a fait de cette audition la tribune idéale pour répondre. “J’en fais encore parfois des cauchemars”, a ainsi répondu l’ancienne avocate de 51 ans, indiquant avec émotion qu’“en tant que mère, ces affaires [l]’ont horrifiée” et “en tant que juge, elles furent parmi les plus difficiles”. Les élus démocrates qui la soutiennent n’ont pas manqué de rappeler qu’aux États-Unis, 70% des peines prononcées dans ce type d’affaires étaient inférieures aux barèmes fixés par le Congrès.
“Je les ai toujours traitées très sérieusement, comme tous les autres crimes qui m’ont été soumis”, a ajouté Ketanji Brown Jackson, après une nouvelle attaque de l’élu trumpiste Josh Hawley sur une décision de justice de la juge concernant la condamnation à trois mois de prison d’un homme arrêté en possession d’images pédopornographiques, alors que les procureurs réclamaient au moins deux ans de détention.
“Si vous regardiez plus largement la centaine de décisions que j’ai rendues, et celles des autres juges, vous verriez que nous essayons tous de prendre en compte l’ensemble des facteurs pertinents pour rendre la justice de manière individualisée”, a également répliqué Ketanji Brown Jackson sur ce sujet sensible.
La défense de pensionnaires de Guantánamo en question
L’ex-candidat à la Maison Blanche Ted Cruz n’a pas jugé ces réponses suffisantes. Soutenant que la juge Jackson était une partisane de la “théorie critique de la race”, il a dégainé l’un arguments de guerre culturelle utilisés par son parti à l’approche des élections de mi-mandat. Pourtant, pas de quoi déstabiliser Ketanji Brown Jackson qui a balayé d’un revers de la main ce sujet porté par les conservateurs. Selon cette théorie, l’école apprend et oblige les enfants blancs à se voir comme des oppresseurs et les enfants noirs comme des victimes aux États-Unis. “C’est une théorie académique qui analyse le racisme au niveau institutionnel” et elle “n’est enseignée qu’en faculté de droit”, a-t-elle rappelé. “Mais je ne l’ai jamais étudiée ni utilisée dans mon travail de juge et je ne le ferai pas si je suis confirmée à la Cour suprême”, a-t-elle conclu.
D’autres élus conservateurs ont reproché à la juge Jackson d’avoir “travaillé comme avocate pour plusieurs terroristes”, parmi lesquels quatre détenus de Guantanamo quand elle était avocate dans les services d’aide juridictionnelle à Washington entre 2005 et 2007, comme le souligne AP.
Cette fois encore, c’est avec des mots simples que Ketanji Brown Jackson a défendu son passé en soulignant le fait que sur le sol américain tout accusé a droit à un avocat. “C’est ce qui fait notre grandeur”, a-t-elle déclaré, selon CNN. Elle a également rappelé que ce rôle de “défenseur public” -un fait unique pour une candidate à la Cour suprême- ne lui permettait pas de choisir ses clients, qui lui étaient assignés. “Après le 11 septembre, il y avait aussi des avocats qui ont reconnu que les valeurs de notre nation étaient attaquées. Que nous ne pouvions pas laisser les terroristes gagner en changeant qui nous étions, fondamentalement”, a-t-elle ajouté.
Ketanji Brown Jackson speaks on defending Guantanamo detainees in the past.
“After 9/11, there were also lawyers who recognized that our nation’s values were under attack. That we couldn’t let the terrorists win by changing who we were, fundamentally.” https://t.co/yQUyZI0Uv7pic.twitter.com/M54EZJfRzW
— ABC News Politics (@ABCPolitics) March 22, 2022
Les auditions de l’actuelle juge américaine doivent se poursuivre jusqu’au 24 mars avant un vote des sénateurs attendu pour le début du mois d’avril. Cependant, les offensives républicaines sur la carrière de Ketanji Brown Jackson, ne devrait pas aller à l’encontre du choix de Joe Biden et donc sur l’issue de ce vote au Sénat.
Son arrivée en remplacement du juge progressiste Stephen Breyer ne changera en rien l’équilibre au sein de la plus haute juridiction américaine. Sur les neuf sièges de la Cour suprême, six sont occupés par des juges conservateurs. Cela fait dire à Larry Sabato, professeur de sciences politiques à l’Université de Virginie que cette majorité “devrait suffire pour faire baisser la température et assurer un processus de confirmation assez serein” pour la juge Jackson.
À voir également sur Le HuffPost: Après un an au pouvoir, Biden reconnaît “la frustration du pays” et demande patience