Bien que vous ayez peut-être lu des variantes de l’expression « very online bf / chronically only gf » (ou « petit copain très déconnecté/petite amie toujours connectée »), le couple déconnecté/connecté est neutre en termes de genre. Sans oublier que la personne déconnectée ne doit pas avoir eu de présence en ligne auparavant (comprenez : elle n’a pas « quitté les réseaux pour des raisons de santé mentale »). Non, le partenaire déconnecté est juste naturellement déconnecté, comme d’autres personnes sont rousses ou polyamoureuses. Il ou elle pense toujours que TikTok est réservé à ceux qui aiment la danse et vous regarde d’un air absent lorsque vous faites une blague en évoquant un mème Twitter. Quand vous lui expliquez tant bien que mal le principe des mèmes en faisant maladroitement défiler des exemples sur votre écran de portable, cette personne vous répondra toujours par une phrase aussi construite et enthousiaste que « ah bon ». En gros, vous parlez deux langues différentes.
Cependant, comme les tops et les bottoms, les dominants et dominés, le couple offline/online a toujours fonctionné en symbiose. Le partenaire connecté peut montrer à son partenaire déconnecté des vidéos virales ou lui expliquer pourquoi son pote n’arrête pas de dire « Appelodon » dès que vous croisez le visage de Valérie Pécresse. Pendant ce temps, le partenaire déconnecté peut rappeler à l’autre qu’il existe un monde avec des arbres, des oiseaux et de délicieux repas qui ne sont pas destinés à être pris en photo, juste à être dégustés puis oubliés. Le premier partenaire sert de pont vers un type de vie que le second ne connaît pas et vice-versa, sans qu’aucun ne juge l’autre.
Une fois que vous faites plus attention, les couples en ligne/hors ligne sont partout. Phebe May, 29 ans, designer numérique et directrice artistique, en fait partie. Elle a « toujours été connectée » et a, selon ses propres termes, « créé un espace de communication en ligne avec d’autres créatifs ». Son petit ami, en revanche, « travaille dans la construction et ne possède pas de smartphone. Il est vieux jeu et croit à la valeur de la photo et à l’expérience de la vie de manière organique ».
D’après Phebe, la dynamique de leur couple fonctionne mieux que s’ils étaient tous les deux constamment connectés. « Je préfère avoir un partenaire qui est hors ligne afin que nous puissions profiter à fond de moments authentiques. Ça nous permet aussi de ne pas succomber aux pressions sociales, à cette obligation de s’afficher ensemble en tant que couple ou d’impliquer d’autres personnes dans nos affaires », dit-elle. « Ça nous offre un point de divergence et une raison pour moi de déconnecter de temps à autre. »
Harry Hitchins, 26 ans, réalisateur et scénariste, est « aussi connecté qu’il est possible de l’être, vraiment. Je suis sans doute muté par pas mal de gens, je sais que j’envoie trop de messages. Mais c’est comme ça, j’adore être en ligne ; je trouve ça génial de pouvoir jouir de cette communauté ». Son partenaire, quant à lui, « ne voit aucun intérêt à se présenter au monde de cette manière… il s’en fiche complètement ! »
Si Harry n’y trouve pas forcément d’avantages, il considère le caractère déconnecté de son partenaire comme attrayant. « Je mentirais si je ne me disais pas attiré par le fait que mon partenaire ne ressente pas le besoin d’être super présent en ligne », dit-il. « Être heureux avec ce que l’on a devant soi, plutôt que de chercher plus derrière son écran, c’est sexy ».
En discutant avec plusieurs couples connectés/déconnectés, un thème revient souvent : l’idée que si être connecté peut être fun ou utile pour les individus, en particulier lorsque c’est nécessaire pour leur vie professionnelle, ça peut aussi être préjudiciable aux relations. Une personne peut se sentir obligée d’afficher son partenaire sur internet, par exemple, ou laissera d’autres personnes entrer dans sa vie privée. Une paranoïa surgit alors, distincte de la réalité. Les occasions de tensions ou de conflits sont plus nombreuses. Lorsqu’une personne est déconnectée, bon nombre de ces problèmes sont éliminés.
« On ne ressent aucune sorte de pression à faire la publicité de notre couple en ligne », explique Mena Sachdev, 26 ans. Iel est musicien et passe beaucoup de temps sur TikTok et Instagram et « sur FaceTime avec des potes, très souvent ». La personne avec qui iel entretient une relation n’utilise qu’occasionnellement son téléphone pour lire des articles ou vérifier ses e-mails.
Le fait d’être non monogame et d’avoir plusieurs partenaires peut également compliquer les choses sur les réseaux sociaux. « Nous sommes récemment passés du statut de monogame à celui de polyamoureux », ajoute Mena. « Du coup ça a été super chouette de ne pas avoir à considérer les réseaux sociaux comme un facteur important lorsque nous équilibrons d’autres dynamiques relationnelles. »
Pour vraiment comprendre comment fonctionne la dynamique online/offline, il suffit de jeter un coup d’œil à ces couples qui sont toujours connectés. Effy Smith, 21 ans, qui nous a demandé de changer son nom de famille pour protéger l’identité de son ex, déclare qu’elle « ressentait une pression énorme à être constamment sur mon téléphone et à répondre à tous les messages qu’il m’envoyait sur n’importe quelle plateforme ».
C’était néfaste pour Effy d’un point de vue personnel, mais également pour la relation en elle-même. « C’était épuisant », se souvient-elle. « J’avais l’impression que nos personnalités commençaient à tourner autour d’internet et des mèmes. Au bout d’un certain temps, ça ne nous semblait même plus naturel de nous asseoir pour discuter de nos sentiments ou d’avoir une conversation qui n’impliquait pas la terminologie d’internet. »
La relation a pris fin et Effy est maintenant en couple avec quelqu’un qui est tout le contraire de son ancien partenaire. Ces derniers temps, aucun d’eux n’est « très connecté ». Ils font des allers-retours entre les deux mondes. « Ça m’a aidé à surmonter ma dépendance à internet », dit-elle. « Maintenant que je suis connectée environ deux heures par jour maximum, j’ai le recul nécessaire pour voir à quel point ça a affecté ma vie, à tous les niveaux. »
Callisto Adams, experte et coach relationnelle, affirme qu’en général, les réseaux sociaux alimentent les insécurités (spoiler : c’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont été créés), et cela s’étend évidemment aux relations. « Quand l’un des partenaires n’est pas présent sur les réseaux, il y a un sentiment de soulagement », dit-elle.
Lee Wilson, également expert en relations et coach, ajoute que lorsque l’un des deux partenaires n’est pas constamment en train de scroller, le couple est plus susceptible de sortir et de faire autre chose à la place. Vous ne restez pas allongés sur le canapé à errer sur TikTok. « Si l’autre partenaire n’est pas distrait par son téléphone, il y a de la place pour une activité qui peut renforcer l’intimité, comme une conversation, une relation sexuelle ou un autre moment partagé », explique-t-il.
Cela dit, si vous êtes tous les deux ultra-connectés, il faut peut-être penser à vous fixer des limites, un peu comme vous le feriez dans la vie réelle. « Il est important pour un couple d’avoir une conversation pour clarifier ce qui est considéré comme un comportement blessant et ce qui est considéré comme acceptable », conseille Adams. L’expert donne l’exemple d’un partenaire qui like beaucoup de photos d’inconnus : si ça vous dérange, même un peu, il faut le lui dire.
Notre monde regorge de messages contradictoires en ce qui concerne la façon dont nous devrions passer notre temps libre. D’un côté il faut se tenir au courant de l’actualité et des tendances — qui changent toutes les heures — mais d’un autre, il est considéré comme dangereux et gênant de poster tout le temps et d’être coupé du monde réel.
Il est évidemment impossible de satisfaire ces deux injonctions. On ne peut pas à la fois être connecté et déconnecté. Sauf, bien sûr, si vous êtes deux.
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