Je suis également auteure et je sais l’importance de l’écriture dans la démarche thérapeutique.
Il m’est apparu comme une évidence: je dois aider les enfants et les ados qui n’ont pas confiance en eux ou qui sont en rupture familiale.
En théorie
La thérapie narrative a été développée par deux psychologues australiens, Michael White et David Epston. Elle se déroule selon 3 principes:
- décrire le problème (je manque de confiance en moi, je n’arrive plus à communiquer avec mes parents) (son scénario dominant);
- je cherche des perspectives alternatives à travers la déconstruction des récits actuels;
- le thérapeute aide le patient à créer des récits plus utiles et plus satisfaisants: par exemple écrire une lettre à ses parents, lister toutes ses qualités et ses points forts, écrire des petits défis…
Cette approche permet notamment de mettre le problème à l’extérieur de soi: sur le papier. Cela a une valeur symbolique forte, et cela permet de se réapproprier sa vie.
Il y a aussi l’idée très forte de respecter toutes les personnalités: les plus extraverties, comme les plus timides. On n’a pas tous en nous la capacité d’exprimer ce que nous ressentons.
«En les couchant sur le papier, l’enfant parvient à continuer à les exprimer, comme il le faisait si naturellement quand il était petit»
En pratique
J, 5 ans, est une petite fille extrêmement réservée, et peu expansive. On pourrait la penser froide et distante. Or, lorsqu’elle donne son carton d’anniversaire à Marie, il est noté dessus: “Je t’aime”. Nous pouvons alors être tout de suite rassurés quant à la capacité de J. à éprouver des émotions fortes.
V. 16 ans, me dit qu’elle ne se projette dans une histoire, car elle ne mérite pas d’être aimée, elle ne se trouve pas belle, et pas digne d’intérêt. Je lui demande alors d’écrire sur papier toutes ses qualités. Elle en écrit 4. C’est beaucoup pour quelqu’un qui n’a pas confiance en elle. Je la félicite.
A, 14 ans est en conflit avec son père, elle a beaucoup de colère en elle qu’elle n’arrive pas à exprimer. Je lui suggère d’écrire une lettre à son père, qu’elle décidera de lui donner quand elle le sentira.
P., 10 ans, a perdu sa grand-mère récemment et elle en souffre énormément. Elle lui manque beaucoup. Elle est assommée par le poids de son absence. Je propose à P. d’écrire à sa grand-mère tous les jours, de lui raconter ses journées, ses plaisirs, ses déceptions, comme elle le faisait avant quand elle l’appelait au téléphone. Ainsi, P. peut retrouver le lien symbolique qu’elle avait avec sa grand-mère et qui lui manque tant. Si nous ne pouvons revivre le lien charnel, le lien symbolique lui est éternel, et l’écriture nous aide à le ressusciter.
E, 9 ans est l’aînée d’une fratrie, et c’est compliqué en ce moment avec ses parents. Il y a beaucoup de rébellion et de crises. Nous décidons d’un commun accord avec E d’écrire un petit mot à ses parents qu’elle leur déposera le soir sur leur oreiller, afin de leur expliquer l’objet de sa frustration, le fait qu’elle trouve qu’elle manque d’attention par rapport à ses frère et sœur, mais qu’elle ne sait pas comment l’exprimer autrement que par la colère. De plus, E est très fière et l’écrit l’aide à exprimer ses besoins plus facilement.
Libération par l’écriture
À partir de l’âge de 7- 8 ans, les enfants quittent l’insouciance et peuvent freiner l’expression de leurs émotions. En s’intégrant de plus en plus dans le social (avec l’imitation de ses pairs notamment), il se heurte à 2 dangers: se comparer aux autres et avoir une image de lui-même fragilisée et inhiber des émotions qu’il jugera trop personnelles.
En les couchant sur le papier, l’enfant parvient à continuer à les exprimer, comme il le faisait si naturellement quand il était petit, tout en préservant son intimité et sa pudeur dues à son développement.
Pour les périodes de préadolescence et d’adolescence, la comparaison avec les autres est très forte et le manque de confiance en soi rarement évitable. Apparaît également le sentiment de honte, dû à la pression sociale, et à la pression scolaire.
Écrire sur ses doutes et ses angoisses à cet âge-là est vital et libérateur. Il peut également dénouer des conflits probants avec ses parents.