Et si je te disais que ce n’était même pas la première fois que je me trouvais face à face avec une réplique de dinosaure grandeur nature dans la propriété d’un retraité ? Il s’avère que les champs brumeux qui s’étendent aux confins de la péninsule de Mornington abritent ce genre de spécimen.
Si tu n’en as toujours rien à foutre, laisse-moi te présenter Mark Pottinger, un « marchand de dinosaures » qui vend des répliques taille réelle de ces sauropodes disparus depuis longtemps dans sa propriété de quatre hectares à Langwarrin. Mark est un homme à la fois robuste et souple, exactement le genre de type que l’on s’attend à voir transformer une propriété privée en un parc à thèmes rempli jusqu’à la gueule de divers animaux.
Dès que j’ai débarqué, Mark – vêtu d’une tenue de travail poussiéreuse et d’un Akubra, évidemment – m’a fait monter dans son buggy VTT pour me faire visiter son palais des dinos. Un mirage tout en fougères de forêt tropicale à l’ancienne, sorti du Queensland, parcouru de chemins de gravier, d’arbres fruitiers, d’un chemin de fer miniature, d’une petite piscine et de dinosaures. Tout un tas de dinosaures.
« Je suis allé en Chine chercher un autre dino et je suis revenu avec 15 spécimens dans deux conteneurs de 10 mètres. À partir de là, c’est devenu une drogue. Je les adore ces bêtes. »
« Tout a commencé par accident », confie Mark. « À Ballarat, j’ai mis la main sur un dinosaure d’occasion. Après avoir convaincu le propriétaire de me laisser le ramener ici, je l’ai retapé, les gens l’ont vu et ont fait ‘wow, pas mal’. La semaine suivante, je suis allé en Chine chercher un autre dino et je suis revenu avec 15 spécimens dans deux conteneurs de 10 mètres. À partir de là, c’est devenu une drogue. Je les adore ces bêtes. »
Si jamais vous doutez encore de leur pouvoir de séduction, sachez que j’ai un petit faible pour les reproductions de dinosaures grandeur nature. Il y a quelques mois seulement, j’étais hypnotisée par les mâchoires abyssales d’un lézard à collerette dans la Crystal Warehouse, propriété de Tom Kapitany qui abrite encore aujourd’hui Rosie le requin, un grand blanc empaillé, sauvé d’une réserve naturelle abandonnée et transporté par avion jusqu’à la maison de ce « botaniste, géologue et entrepreneur ».
Quand je demande à Mark s’il connait Tom, il me répond : « Ce type est génial. Comme Indiana Jones » tout en se dirigeant vers une gueule de squale géante immédiatement familière. « J’ai eu ces mâchoires grâce à Tom ».
Mark a fait irruption dans l’actualité culturelle lorsque son annonce pour « Jack », une réplique grandeur nature d’un Titanosaure de 19 mètres de long et de 4 mètres de haut, est devenue virale sur Facebook Marketplace. Le dinosaure de Mark, dont le prix d’achat a été fixé à 58 000 dollars, est le candidat précoce et idéal pour la vente la plus folle de l’année.
Ce n’est pas tous les jours que l’on peut se plonger dans les coulisses du commerce international de dinosaures. Mark, qui est retraité, achète ses spécimens en Chine, les fait expédier et les revend pour des milliers de dollars. Les ventes génèrent suffisamment d’argent pour alimenter son business et Mark continue d’acheter des dinosaures. Il capitalise aussi sur un autre de ses loisirs qui consiste à vendre des plantes tropicales qu’il cultive à partir de graines.
« Les grands parcs à thème raffolent de ce genre de trucs. Et puis c’est un aimant à gosse. Les enfants sont irrémédiablement attirés par les dinosaures. »
Alors qu’on déambule sur ses terres, je demande à Mark si la fabrication de dinosaures grandeur nature représente un gros marché pour la Chine. « C’est le cas, surtout pour des exportations vers l’Amérique – les grands parcs à thème raffolent de ce genre de trucs. Et puis c’est un aimant à gosse. Les enfants sont irrémédiablement attirés par les dinosaures. »
Mark deale des dinosaures depuis cinq ans. Ce qui était au départ un passe-temps est devenu une entreprise avec un site web consacré à l’envoi des bêtes. Mais Mark les collectionne aussi pour lui-même. Les dinosaures sont éparpillés partout dans la propriété, et côtoie des tigres, des gorilles, des vaches et même un cheval. Toutes des répliques stoïques, bien sûr.
« Ce qui est bien, c’est que j’ai des tas de terrains disponibles. J’essaie d’en tirer parti en les thématisant. Il faut juste placer les différents spécimens au bon endroit », assure-t-il alors qu’on arrive au bout du chemin de gravier estampillé « Chemin de fer ». Un ptérodactyle monte la garde, suspendu au-dessus du visiteur dans les arbres.
« J’ai construit cette gare pour le fun », indique Mark d’un geste, tandis que le chemin mène à une petite vallée. Il y a là un horrible dinosaure rose et rouge avec un mohawk menaçant et, à côté de lui, une gare, avec un tourniquet et un quai. À côté du quai se trouve une forêt tentaculaire de palmiers et plusieurs figurines de gorilles grandeur nature.
En remontant, la voie ferrée miniature disparait dans un tunnel, où l’on distingue dans la pénombre une locomotive Thomas le Petit Train dont les yeux continuent de me hanter. Au sommet du tunnel se tient un imposant tricératops.
Mark me décrit son plan d’installer une tête de T-Rex géante de l’autre côté, de sorte que lorsqu’il conduira les gens à travers le tunnel, ils auront l’impression d’entrer dans le ventre humide du carnivore. Petit écueil, le Jurassic Park gonzo qui semble lentement prendre forme sur sa propriété n’est pas ouvert au public.
« Je suis assez égoïste, concède-t-il. Mais je pense que le public peut l’être aussi parfois ». Mark promet que si des parents d’enfants malades, handicapés ou des enfants de groupes marginalisés veulent venir profiter des dinosaures, ils peuvent l’appeler.
« La personne qui l’achètera doit être un passionné, qui aime les animaux préhistoriques et qui veut partager cet intérêt. Pour que les enfants puissent vraiment voir à quoi ressemble le passé. »
On finit par remonter sur le quad direction l’entrée, marquée par une longue allée, tandis que Mark me raconte comment ils vont « recueillir des palmiers » que leurs propriétaires veulent abattre pour décorer les lieux. « Ils ajoutent vraiment quelque chose de particulier à l’atmosphère de l’endroit. Comme un voyage de 60 millions d’années en arrière ».
Mark me montre ensuite ses vaches – de chair et de sang à en croire leur meuglement – avant de finir par les colosses. « À droite, on aperçoit King Kong. Avant, il régnait sur les lieux. Tous ceux qui montent l’allée doivent passer devant lui », dit-il en faisant un geste vers l’énorme statue de gorille qui me fixe avec un regard sincèrement désapprobateur. « Mais maintenant, on a un nouveau roi. Le Titanosaurus. Et King Kong fait la gueule. »
J’ai lève les yeux et je le vois. Il est là : le Titanosaurus à 58 000 dollars. La fierté et la joie de Mark. « Ce truc est énorme ! », s’écrie-t-il en sautant du véhicule et en tapant sur un des membres de la bête.
« La personne qui l’achètera doit être un passionné, qui aime les animaux préhistoriques et qui veut partager cet intérêt. Pour que les enfants puissent vraiment voir à quoi ressemble le passé. Cela donne de l’espoir pour l’avenir. Ces types ont duré des millions d’années, c’est un témoignage de là d’où nous venons. »
Le dinosaure est, en effet, énorme. Il est difficile de donner une idée de sa taille par écrit, mais disons qu’il mesure 19 mètres de long et 4 mètres de haut. Alors peut-être qu’à cet instant, vous vous posez la question : pourquoi ? Pourquoi les dinos ? Pourquoi tout ça ? Eh bien, Mark « adore ça » en fait.
« Les dinosaures attirent tout simplement les gens ! Pourquoi Jurassic Park est si populaire ? Pourquoi tous les enfants connaissent les dinosaures ? Ce sont les secrets du passé qui ressortent. On ne peut pas imaginer à quoi ressemblait la Terre il y a 65 millions d’années ? Bah regardez derrière moi ! C’est lui le roi de la jungle. »
« Quand j’ai commencé avec les dinosaures, je les considérais juste comme les pièces d’une collection, mais tous mes amis sont venus les voir et ont voulu les acheter. Maintenant, c’est un business », sourit-il fièrement.
« Ce type vaut 58 000 dollars et il sera parti dans quelques semaines. C’est un animal unique et magnifique qui m’a beaucoup apporté en retour. »
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