Ses petits fourgons électriques blancs sillonnent les alentours de Quimper depuis bientôt deux ans. La Navette de Cornouaille est un service de transport domicile-travail à la demande, singulier en France. Huit chauffeurs, salariés en insertion, assurent le transport des travailleurs d’une trentaine d’entreprises, principalement dans le secteur de l’agroalimentaire et situées dans des zones industrielles.

Les entreprises règlent 3 euros (HT) par salarié par trajet et les salariés 1,50 euro (TTC) par trajet. Le service fonctionne 24h/24h, du lundi au samedi, et jusqu’à 20 kilomètres autour Quimper. À l’origine de ce projet : Mobil’emploi, une association qui se mobilise pour l’emploi et la mobilité depuis une vingtaine d’années dans le Pays de Cornouaille et en centre-ouest Bretagne.

« Mobil’emploi propose des solutions de transport à la demande pour les publics précaires. À partir du début des années 2020, de plus en plus de personnes, dont des salariés en CDI, se sont mises à solliciter ces services », raconte Céline Laurent, gestionnaire de La Navette de Cornouaille, auparavant salariée de Mobil’emploi.

« Cela nous a amenés à imaginer un service de transports dédié aux salariés, par le biais d’une nouvelle association. » Des subventions publiques, obtenues à la suite d’appels à projet, ont permis de tester et de lancer le dispositif.

Horaires atypiques

« La Navette est un moyen pour les entreprises de fidéliser leurs salariés et d’augmenter leur attractivité, explique Céline Laurent. Grâce à ce service, certains intérimaires sont désormais en CDI. »

Pour les salariés, utiliser ce service plutôt que sa voiture personnelle est un moyen de « gagner en pouvoir d’achat », en cette période de tarifs élevés du carburant, auxquels s’ajoute le coût d’entretien des véhicules. La solution permet aussi de se libérer du stress de la conduite tout en passant un moment convivial avec ses collègues.

Une grande partie des utilisateurs de la Navette travaillent en rotation sur des horaires de nuit ou tôt le matin

Une grande partie des utilisateurs de la Navette travaillent en rotation sur des horaires de nuit ou tôt le matin, qui ne permettent pas d’utiliser les transports en commun. C’est d’ailleurs sur ces horaires atypiques que la navette est la plus sollicitée.

Sur les créneaux où la demande est moindre, la Navette assure du transport d’utilité sociale (TUS) en zone rurale, en partenariat avec des collectivités. Ce service vise à faciliter les déplacements du quotidien (courses, rendez-vous médicaux, etc.) pour les personnes ne disposant pas de solution de mobilité.

Après un démarrage en douceur, le dispositif a pris son rythme de croisière. « Les véhicules sont bien remplis. Nous comptons embaucher plus de chauffeurs », se réjouit Céline Laurent. Entreprise d’insertion, la Navette recrute des personnes auparavant éloignées de l’emploi, auxquelles elle propose un travail et un accompagnement. Elle perçoit, pour le salaire de ces derniers, une aide de l’Etat.

Prise de conscience des employeurs

« Nous sommes beaucoup sollicités par des collectivités et associations d’autres régions qui aimeraient répliquer notre modèle », rapporte la gestionnaire. Il n’a d’ailleurs pas été simple de trouver un moment pour échanger : « Nos plannings sont pleins. »

Si la Navette de Cornouaille fonctionne, c’est justement parce que les entreprises du territoire ont compris l’intérêt d’investir dans une solution de mobilité pour leurs salariés. Or, sur ce plan, beaucoup reste à faire à l’échelle nationale, estime Francis Demoz, délégué général du Laboratoire de la mobilité inclusive, placé sous l’égide de la Fondation agir contre l’exclusion (Face) :

« Il y a un enjeu de prise de conscience des employeurs. Une personne en insertion sur deux a déjà refusé un emploi en raison de problèmes de mobilité. 60 % des salariés ont un site de leur entreprise plus près de chez eux que là où ils travaillent. Mais les entreprises ont du mal à faire le lien entre mobilité et frein à l’emploi. »

« Les solutions de covoiturage ou de navettes créent de la valeur économique, de la valeur écologique et du lien social. »

Elles ont pourtant tout intérêt à se pencher sur cette question. « Les solutions de covoiturage ou de navettes créent de la valeur économique, de la valeur écologique et du lien social. »

La loi d’orientation des mobilités de 2019 oblige toute entreprise de plus de 50 salariés à mettre en place un plan de mobilité qui favorise les transports durables : transports en commun, covoiturage, vélo, etc.

Les régions, quant à elles, doivent assurer la mise en place de plans d’action en faveur de la mobilité solidaire (Pams) à destination des plus précaires, à l’échelle de chaque bassin de mobilité. On ne peut qu’espérer voir ces dispositifs légaux faire émerger de nouvelles « navettes » ailleurs qu’en Cornouaille.

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