Sur le papier, l’hôpital Saint-Ouen Grand Paris Nord a tout pour plaire : une structure des plus modernes tout en transparence et en végétalisation, une offre de soins abondante dans un département qui en a cruellement besoin.

« L’objectif de ce campus est de construire la santé de demain, de moderniser le parc hospitalier du nord de Paris et rééquilibrer l’offre de soins et de formation sur le territoire », avançait Didier Petitjean, début février, le directeur général des services adjoints de l’AP-HP.

Construit sur 7 hectares à l’extrême sud-ouest de la Seine-Saint-Denis pour un coût estimé à 1,3 milliard d’euros, le nouveau campus hospitalo-universitaire sera le plus grand d’Europe, selon ses promoteurs. Il pourra accueillir 12 500 étudiants et abritera les activités médico-chirurgicales des hôpitaux Bichat-Claude Bernard (Paris 18e) et Beaujon (Clichy).

Pourtant, des syndicats et collectifs de soignants sont vent debout contre ce projet qui, imaginé il y a plus de dix ans, prévoit moins de compléter l’offre de soins que de remplacer les deux hôpitaux voisins, voués à disparaître. Et dans le département le plus pauvre de France, également premier désert médical, le nombre de lits d’hospitalisation sera réduit.

« Un projet du monde d’avant »

Le futur complexe disposera certes de 986 lits d’hospitalisation complète et de 288 places en ambulatoire, soit 1 274 au total, mais les deux hôpitaux qu’il doit remplacer comptaient 116 lits de plus, alors que la population du 93 augmente et vieillit.

« Cet hôpital est un projet du monde d’avant, dénonce le médecin au SAMU 93 Christophe Prudhomme. Nous portons un autre projet : celui d’un hôpital de 400 lits doté d’un plateau technique et la rénovation concomitante de Bichat et Beaujon. » Une alternative jugée trop onéreuse et complexe.

Le taux d’occupation de ce nouveau CHU passerait directement à 87 % en moyenne. Selon Christophe Prudhomme, un taux supérieur à 85 % entraînera nécessairement une saturation des urgences, alors que dans les services des deux hôpitaux existants, mieux dotés, la tension est déjà réelle.

« Ce matin, aux urgences de Beaujon, 18 personnes étaient en attente d’hospitalisation. Parmi eux, la moitié ont plus de 75 ans et attendaient depuis plus de 20 heures sur un brancard, notamment une femme de 104 ans. C’est ça, la réalité », témoignait Pierre Schwob, infirmier et président d’Inter-urgences, lors de l’enquête publique.

Une étude publiée en novembre dernier a révélé qu’une personne âgée passant une nuit sur un brancard présente un risque de mortalité accru de 40 %… En outre, un Français sur deux a déjà subi un retard de soins à l’hôpital au cours des cinq dernières années, en raison de la surcharge de travail du service ou du médecin, ou de la difficulté à obtenir un rendez-vous.

Entre 2003 et 2022, 82 000 lits d’hospitalisation ont été supprimés au nom du virage ambulatoire. Pourtant, la prise en charge ambulatoire n’est pas adaptée à de nombreuses procédures, encore moins pour les personnes âgées, isolées ou ne disposant pas d’une habitation décente – un profil très fréquent en Seine-Saint-Denis.

Premier désert médical de France

L’hôpital doit aussi pallier les carences de la médecine de ville. Selon la FHF, plus de la moitié des Français (54 %) avouent s’être rendus aux urgences pour des raisons qui ne relevaient pas d’une urgence médicale, et pour 30 % d’entre eux, faute de trouver un rendez-vous en médecine de ville.

Concrètement, près des deux tiers des Franciliens (62,4 %) n’ont pas accès à une offre de soins suffisante. En Seine-Saint-Denis, ils sont 92,8 % ! La situation devrait encore se dégrader puisque 41 % des médecins ont plus de 60 ans et partiront à la retraite dans les prochaines années.

S’ajoute l’important recul de l’offre en secteur 1 (sans dépassements d’honoraires), privant de solution les familles les plus modestes. « La pénurie en santé est partout dans notre département, témoigne la présidente de l’association Fleurs d’aurore, qui vient en aide aux patients en mal de soignants en Seine-Saint-Denis, Dalila Noomane.

« Pour les consultations de généralistes, les gens se lèvent le matin à 6 heures pour aller faire la queue devant les centres qui ouvrent à 9 heures ! C’est honteux. Et certaines spécialités manquent : aucun pneumopédiatre, par exemple, alors que de nombreux enfants souffrent d’asthme. »

Elle dénonce aussi des renoncements aux soins forcés par l’absence d’offre. « Pour les maladies chroniques et le dépistage du cancer, attendre plusieurs mois, c’est catastrophique », insiste-t-elle. Une tendance qui s’observe aussi à l’échelle nationale.

Plus de six Français sur dix ont déjà renoncé à au moins un acte de soin au cours des cinq dernières années. La situation alarme le président de la FHF Arnaud Robinet, qui qualifie la situation de « bombe à retardement de santé publique », et avertit que les tensions sur les hospitalisations sont trop importantes.

Source

Share this post

Articles similaires

24 OCTOBRE 2024

Quel est ce carburant...

<p><img width="1500" height="1000"...

0

23 OCTOBRE 2024

Changement d’heure : ce...

<p><img width="1400" height="932"...

0

22 OCTOBRE 2024

Streaming PSG PSV : comment...

<p><img width="1400" height="932"...

0