Quelles sont les relations entre l’EI et les talibans?
Même s’il s’agit de deux groupes sunnites radicaux, ils ont des divergences en termes de théologie et de stratégie. Ils sont aussi en concurrence pour incarner le jihad. Signe de la forte inimitié qui les oppose, l’EI a qualifié les talibans d’apostats dans des communiqués.
L’ISKP s’est heurté à la répression à laquelle ont procédé les talibans à l’égard de leurs dissidents et s’est révélé incapable d’étendre son territoire, contrairement à ce qu’avait réussi à faire l’EI en Irak et en Syrie.
En 2019, l’armée gouvernementale afghane, après des opérations communes avec les États-Unis, avait annoncé qu’il avait été vaincu dans la province de Nangarhar.
Selon des évaluations des États-Unis et des Nations unies, l’ISKP n’a depuis plus largement opéré qu’au travers de ses cellules dormantes dans les villes, pour des attaques fortement médiatisées.
Dans l’accord conclu en février 2020 avec les Etats-Unis sur le retrait des forces étrangères, les talibans ont promis de ne pas laisser le pays servir de base pour l’organisation d’attaques contre les Américains et leurs alliés.
Ce vendredi 27 août, un porte-parole du nouveau régime taliban a indiqué à l’AFP que celui-ci avait éradiqué l’EI-K de la totalité des 34 provinces afghanes, sauf celle de Kaboul où subsistent certains éléments protégés selon lui par l’ancien gouvernement renversé le 15 août.
Comment l’EI a-t-il réagi à la prise de pouvoir par les talibans?
L’EI s’était montré très critique à l’égard de l’accord de retrait des troupes américaines et étrangères d’Afghanistan conclu en février 2020 à Doha entre Washington et les talibans, accusant ceux-ci d’avoir renié la cause jihadiste.
Après leur entrée dans Kaboul et leur prise du pouvoir le 15 août, les talibans ont reçu les félicitations de plusieurs groupes jihadistes, mais pas de l’EI.
Mais celui-ci pourrait profiter de l’effondrement de l’Etat afghan. “Mr. Q”, un spécialiste occidental de ce groupe qui publie sous ce pseudonyme ses recherches sur Twitter, a ainsi relevé 216 attaques de l’ISKP entre le 1er janvier et le 11 août, contre 34 l’an passé sur la même période.
“Cela fait de l’Afghanistan une des provinces de l’EI les plus dynamiques”, a-t-il déclaré la semaine dernière à l’AFP. “Tout n’est pas directement lié au retrait américain, mais la victoire des talibans donne aussi de l’air à l’ISKP”.
“L’effondrement de l’armée afghane est une étrange réminiscence de ce que nous avons vu en Irak en 2011. Je crains que la même situation ne se reproduise en Afghanistan, avec simultanément le développement de l’EI et la résurrection d’Al-Qaïda”, a approuvé Colin Clarke, le directeur de recherche du Soufan Center, un groupe de réflexion new-yorkais sur la géopolitique.
Comment les Occidentaux ont-ils vu arriver la menace sur l’aéroport de Kaboul ?
Quelques heures avant l’attentat de l’aéroport de Kaboul, les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni avaient appelé leurs ressortissants à s’en éloigner au plus vite, en raison de menaces “terroristes”. Les responsables américains avaient annoncé que l’aéroport, sécurisé par leurs soldats et où sont massés des milliers d’Afghans voulant quitter leur pays, était sous la menace directe de l’ISKP.
Ces derniers jours, des avions de transport militaires ont quitté Kaboul en lâchant des leurres, notamment destinés à détourner des missiles. La zone est aussi exposée à la fois aux tirs de mortier et aux attentats-suicide, estiment des experts.
Plusieurs analystes dont ExTrac, un groupe privé spécialisé dans le traitement de données sur les groupes jihadistes, avaient en effet relevé que l’activité de l’ISKP s’était brutalement arrêtée depuis 12 jours. Or, commentait-il sur Twitter, les filiales de l’EI ont tendance à se faire discrètes lorsqu’elles entrent “en mode survie” ou quand elles préparent une opération d’ampleur. Ex-Trac écartait à priori la première option. “Il y a beaucoup de cibles idéales en ce moment”, estimait le groupe dans une série de tweets.