OUTREMER – Alors que la contestation sociale gronde en Guadeloupe depuis une semaine, un appel à la grève générale a été lancé en Martinique, à partir de ce lundi 22 novembre.
Signé par 17 syndicats, le préavis de grève, déposé le 15 novembre, détaille dix points de revendications, parmi lesquels la fin de l’obligation vaccinale et des suspensions pour les soignants, mais aussi la hausse des salaires et des minima sociaux, le prix des carburants et du gaz. Il est aussi question de la prise en charge totale des tests de chlordéconémie, maladie liée au chlordécone, ce pesticide largement utilisé dans les champs de banane entre 1972 et 1993, et suspecté d’être responsable de nombreuses maladies comme le cancer de la prostate.
Ruée vers les hypermarchés et stations-service
D’autres corporations ont d’ores et déjà annoncé qu’elles suivraient également le mouvement, comme à la SARA (Société Anonyme de la Raffinerie des Antilles), ou au centre pénitentiaire de Ducos, où quelques agents pourraient entrer en grève.
Si l’intersyndicale donne rendez-vous à la population à la maison des syndicats le matin, elle reste très floue sur les actions qui pourraient être menées, mais sur les réseaux sociaux, plusieurs messages évoquent des blocages sur les routes, comme en Guadeloupe.
Dans l’attente de cette grève générale, une partie de la population s’est ruée dès vendredi dans les hypermarchés et les stations-service. Si samedi matin encore, les automobilistes faisaient la queue aux abords des pompes à essence, le phénomène s’est tari au fil du week-end.
Écoles fermées ce lundi en Guadeloupe
Du côté de la Guadeloupe, le démantèlement des barrages bloquants a commencé dimanche sur l’île où sont arrivés les renforts de forces de l’ordre partis de la métropole. Toutefois, la poursuite “des violences urbaines, exactions et autres entraves à la circulation”, a conduit le rectoral à suspendre lundi l’accueil des élèves “dans les écoles, collèges et lycées” de la Guadeloupe continentale. “La situation reste incertaine concernant le trafic routier et la possibilité pour les personnels et les élèves de se déplacer sans encombres et en toute sécurité semble compromise à ce stade”, indique-t-il dans un communiqué.
“Une première partie de nettoyage” a pu avoir lieu dimanche “et ça va se poursuivre demain”, a indiqué à l’AFP Eric Dethelot, cadre d’astreinte de Route de Guadeloupe.
“Grâce aux forces de l’ordre présentes et aux réquisitions de la préfecture, nous avons pu dégager les axes avec des moyens plus importants comme des camions grappins, des camions bennes avec plus de tonnage”, a expliqué Eric Dethelot. “Le tout était aussi de pouvoir stocker quelque part ce qu’on ramassait, pour que cela ne se retrouve pas de nouveau sur la route juste après”.
Certains barrages persistent
Les renforts de policiers et de gendarmes envoyés de métropole, notamment 50 membres des unités du GIGN et du Raid, sont arrivés samedi soir dans l’île.
Certains axes ont été dégagés, comme “la route des Mamelles”, qui traverse le Parc national au centre de la Basse-Terre. Mais une dizaine de barrages “renforcés dans l’après-midi” restaient en place, en plusieurs points stratégiques de l’archipel.
Ces barricades faites d’objets hétéroclites, comme des tôles, des conteneurs de poubelles, ou d’arbres, sont tenues par “15 à 50 personnes” souligne le colonel Jean-Pierre, du commandement de la Gendarmerie de Pointe-à-Pitre. Des groupes qui peuvent “se reformer” quelques heures après avoir été dispersés, selon la même source.
Magasins et pharmacies pillés
Trente personnes seront jugées ce lundi en comparution immédiate à Pointe-à-Pitre, soupçonnées d’avoir participé aux violences urbaines qui agitent l’île depuis une semaine, a indiqué dimanche soir le procureur de la République, Patrick Desjardins.
La nuit de samedi à dimanche est restée agitée dans les rues et sur les routes de l’île, entre barrages routiers, incendies et pillages qui ont débouché sur 38 interpellations dans la nuit et fait deux blessés chez les forces de sécurité. Ces incidents ont eu lieu malgré le couvre-feu qui court jusqu’à mardi matin, chaque nuit de 18 heures à 5 heures.
Dans plusieurs communes de l’île, des magasins alimentaires ont été pillés, mais aussi des pharmacies. “A chaque fois, une barricade placée en amont nous empêchait d’avancer”, selon les gendarmes qui témoignent aussi de soupçons de “faux appels pour nous attirer ailleurs, tout comme les pompiers”. Dans la commune de Morne-à-l’Eau, un poste de police a été incendié. Selon la préfecture, quatre pharmacies ont été ainsi fracturées.
La “radicalisation” d’une “petite minorité”
La réponse de l’État se veut d’abord celle de “la fermeté”, a affirmé dimanche le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, en qualifiant la situation d’“intolérable et inacceptable” en Guadeloupe.
“Cette petite minorité qui bloquait par les mots, par les paroles (la vaccination), aujourd’hui elle s’est radicalisée et elle essaie de les bloquer, de les intimider par la violence”, a-t-il dénoncé, évoquant des “soignants menacés”, “des pharmacies empêchées d’ouvrir” et “les ambulances bloquées sur les barrages”.
Depuis l’été, le taux de vaccination a progressé en Guadeloupe, avec désormais un taux de près de 90% des soignants vaccinés, et approchant 50% dans la population générale.
Le Premier ministre Jean Castex, accompagné du ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu et du ministre de la Santé Olivier Véran, doit parallèlement recevoir lundi soir des élus de l’île afin, a déclaré Matignon à l’AFP dimanche, de leur permettre “d’exposer leur analyse de la situation sur place”. La réunion doit aussi permettre “un dialogue sur les conséquences de l’obligation de vaccination pour les soignants et les pompiers.”
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