La tragédie, qui repose l’éternelle question de la limitation des armes à feu aux États-Unis, a assommé de douleur cette petite ville de 16.000 habitants en majorité hispaniques. Un millier de personnes se sont réunies mercredi 25 mai au soir pour une veillée dans une salle de rodéo d’Uvalde.
“J’ai le cœur brisé”, sanglotte Ryan Ramirez, qui a perdu sa fille Alithia, 10 ans, lors de la tuerie. À ses côtés, son épouse Jessica pleure doucement, leur autre fille dans les bras.
“Je ne serai plus jamais heureux comme avant”
“Elle était une très bonne artiste” et aspirait à la grandeur, raconte Ryan Ramirez en feuilletant un portfolio des peintures colorées d’Alithia et des cartes d’anniversaire qu’elle dessinait pour sa mère. “Ma fille aurait voulu que toutes les personnes touchées soient fortes, qu’elles restent unies. C’est ce que nous essayons de faire”.
Esmeralda Bravo, pour sa part, tient une photo de Nevaeh, sa petite-fille décédée. “Il n’y a pas d’explication”, dit-elle. “C’était une bonne petite fille, très timide et très jolie. (…) Avoir le soutien de la communauté compte beaucoup pour moi, mais je préférerais que ma petite fille soit ici à mes côtés”.
via Associated Press
“Mon petit amour vole maintenant haut dans le ciel avec les anges au dessus”, a écrit sur Facebook Angel Garza, dont la fille Amerie Jo venait juste de fêter son dixième anniversaire. “Je t’aime Amerie Jo”, a-t-il ajouté. “Je ne serai plus jamais heureux ou plus jamais comme avant”.
Angel Garza a également témoigné à la télévision. “J’étais en train d’aider une petite fille couverte de sang des pieds à la tête. Elle était hystérique et me disait qu’il avaient tiré sur sa meilleure amie, qu’il l’avait tuée, qu’elle ne respirait plus”, raconte-t-il des larmes dans la voix. “J’ai demandé le nom et elle a dit ‘Amerie’”, poursuit-il avant se s’effondrer. “Comment pouvez-vous regarder à cette petite fille et lui tirer dessus? Oh mon bébé.”
Angel Garza, whose ten year old daughter Amerie was murdered, holding her photo to his heart:
“How do you look at this girl and shoot her? Oh, my baby. How do you shoot my baby?” pic.twitter.com/TKGDp81Pze
— Brian Stelter (@brianstelter) May 26, 2022
Le tueur a d’abord tiré sur sa grand-mère
Depuis la tuerie, des détails troublants n’ont cessé d’apparaître. Il aurait raconté le tir sur sa grand-mère de 66 ans, chez qui il vivait depuis quelques mois, puis son intention de se rendre dans une école à une jeune fille de 15 ans vivant en Allemagne avec qui il avait commencé à discuter sur Internet le 9 mai, selon CNN.
Avant la tuerie, il l’aurait appelée alors qu’il était dans un magasin pour acheter l’arme du crime, un fusil AR-15, précise le New York Times. Jamais elle n’aurait cru qu’il était sérieux, ajoute-t-elle, culpabilisant de ne pas avoir prévenu les autorités plus tôt.
Le tueur avait également annoncé sur Facebook son intention d’attaquer sa grand-mère laquelle, bien que grièvement blessée, a réussi à alerter la police. Il a ensuite publié un nouveau message pour dire qu’il l’avait fait. Puis, au moins 15 minutes avant le massacre, un troisième pour faire savoir que sa prochaine cible était une école. Il s’y est rendu vêtu d’un gilet pare-balles et d’un AR-15, version civile d’un fusil d’assaut militaire conçu pour faire le plus de victimes possible en un temps record.
Les forces de l’ordre ont tenté de l’empêcher d’entrer dans l’école, mais après un échange de coups de feu, il est parvenu à se barricader dans une salle de classe. Outre les 21 morts, la tragédie a fait 17 blessés.
Le jeune homme n’avait pas d’antécédents judiciaires chez les mineurs ou de problèmes psychologiques connus des services de santé locaux, avait précisé le gouverneur, le qualifiant pourtant de “dément”.
Le fléau des fusillades dans les écoles
Il s’agit d’une des pires tueries de ces dernières années aux États-Unis. Dans le pays, les fusillades en milieu scolaire sont un fléau récurrent que les gouvernements successifs ont jusqu’à présent été impuissants à endiguer. Le débat sur la régulation des armes à feu dans le pays tourne pratiquement à vide, étant donné l’absence d’espoir d’une adoption par le Congrès d’une loi nationale ambitieuse sur la question.
“Je suis triste et en colère contre notre gouvernement qui n’en fait pas assez pour limiter l’accès aux armes”, fustige Rosie Buantel, une habitante d’Uvalde, à la sortie de la messe mercredi. “Nous avons vécu cela trop de fois, et rien n’est fait”, assène cette quinquagénaire.
Signe de la tension autour du sujet, la conférence de presse du gouverneur Greg Abbott, un républicain, a été interrompue par son opposant Beto O’Rourke, qui l’a accusé d’avoir sa part de “responsabilité”. “Vous dites que cela n’était pas prévisible, c’était complètement prévisible à partir du moment où vous avez décidé de ne rien faire”, a déclaré cette figure du parti démocrate au Texas.
Le président Joe Biden a annoncé qu’il se rendrait dans cet État avec son épouse “dans les prochains jours”. La veille, il avait livré une allocution émue depuis la Maison Blanche, appelant à “transformer la douleur en action”. “Quand, pour l’amour de Dieu, allons-nous affronter le lobby des armes?”, avait-il lancé, se disant ”écœuré et fatigué” face à la litanie des fusillades en milieu scolaire.
Un fusil AR-15 acheté pour ses 18 ans
Le puissant lobby pro-armes, la NRA, s’est dédouané mercredi de toute responsabilité, dénonçant “l’acte d’un criminel isolé et dérangé”. “Je considère que cette personne était le mal absolu”, a déclaré pour sa part Greg Abbott, exprimant une position courante chez les républicains américains, à savoir que l’accès illimité aux armes n’est pas en cause dans l’épidémie de violence qui frappe le pays.
Le jeune meurtrier, de nationalité américaine et qui avait abandonné l’école, s’était tout récemment acheté deux fusils d’assaut et 375 cartouches, juste après son 18e anniversaire.
Le fusil AR-15, arme extrêmement létale, est funestement connu pour avoir déjà été utilisé dans d’autres fusillades aux lourds bilans, comme la tuerie en 2018 dans un lycée de Parkland en Floride, qui avait fait 17 morts, dont une majorité d’adolescents.
Un ancien ami du tireur, Santos Valdez, a confié au Washington Post que Salvador Ramos avait été harcelé enfant à cause d’un défaut d’élocution, et qu’il s’était un jour entaillé le visage “juste pour s’amuser”.
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