Image : Anton Petrus via Getty Imagesl
À plus d’un milliard de kilomètres de la Terre, sur les géantes glacées que sont Neptune et Uranus, les diamants sont éternels. Ce n’est pas de la poésie cosmique, mais bien une conclusion scientifique raisonnable. On connaissait le processus classique de fabrication ; à des kilomètres sous la surface d’une planète, sous des pressions extrêmes et des températures élevées, les hydrocarbures sont transformés en joyaux fort convoités.
Mais sur les lointaines Neptune et Uranus, la naissance des diamants est un peu différente. Depuis les années 1970, les scientifiques pensent que sur ces planètes majoritairement gazeuses, les diamants pourraient en fait couler à l’intérieur du sol rocheux — une pluie interne de diamants, si vous préférez.
En 2017, des chercheurs allemands et californiens ont trouvé un moyen de reproduire en laboratoire ces conditions planétaires, fabriquant de minuscules diamants à partir de polystyrène alors appelés nanodiamants. Une étude publiée vendredi dans Science Advances nous apprend qu’ils ont remis ça cinq ans plus tard, cette fois-ci en utilisant du bon vieux polyéthylène téréphtalate (PET). Si cette recherche a des implications pour notre compréhension de l’espace, elle ouvre également la voie à la création de nanodiamants utilisables dans toute une série de contextes, et ce à partir de simples déchets plastiques.
Mais pourquoi diable fabriquer des diamants à partir du même plastique que celui utilisé pour les emballages alimentaires et les bouteilles d’eau ? Il y a bien sûr une bonne raison à cela, comme nous l’a expliqué par mail Dominik Kraus, scientifique au laboratoire de recherche allemand Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf et auteur principal de l’étude.
« Il existe des prédictions montrant que la présence d’oxygène favorise [la séparation du carbone et de l’hydrogène et] la formation de diamants. D’autres qui indiquent l’inverse. »
Lorsque Kraus et ses collègues ont tenté pour la première fois de fabriquer des nanodiamants avec du polystyrène — qui contient les mêmes éléments de carbone et d’hydrogène que ceux que l’on trouve sur Neptune et Uranus — ils ont bombardé le matériau avec un laser à rayons X très puissant, le LCLS ou Linac Coherent Light Source, qui se situe au SLAC National Acceleratory Laboratory en Californie. Ce processus a rapidement chauffé le polystyrène à 5 000 kelvins (environ 8 540 degrés Fahrenheit) et l’a comprimé de 150 gigapascals, ce qui correspond aux conditions observées à environ 9 600 kilomètres à l’intérieur des planètes glacées.
Si les chercheurs sont parvenus à créer ce microscopique diamant en deux rapides flashs de laser, ils ont ensuite réalisé qu’il manquait un ingrédient chimique essentiel : l’oxygène. Ils se sont donc tournés vers le PET, qui présente un bon équilibre entre le carbone et l’hydrogène, mais aussi l’oxygène, ce qui en fait un substitut chimique plus proche des géants de glace que le polystyrène.
« Dans de telles conditions, la chimie est très complexe et la modélisation extrêmement difficile. Quand on discute de tels scénarios avec les théoriciens, “tout peut arriver’ est une phrase que l’on entend souvent », a déclaré Kraus. « Il existe en effet des prédictions montrant que la présence d’oxygène favorise [la séparation du carbone et de l’hydrogène et] la formation de diamants, et d’autres qui indiquent l’inverse. »
« Nous avons découvert que la présence d’oxygène favorisait la formation de diamants au lieu de l’empêcher, ce qui donne du poids à l’hypothèse de cette “pluie de diamants” au cœur des planètes de glace. »
Afin de mettre la théorie en pratique, Kraus et ses collègues ont pris un morceau de PET, l’ont soumis aux mêmes mouvements expérimentaux de 2017, mais ont également inclus une technique appelée « diffraction des rayons X aux petits angles » pour voir à quelle vitesse et à quelle taille les diamants se développaient.
« Nous avons découvert que la présence d’oxygène favorisait la formation de diamants au lieu de l’empêcher, ce qui donne du poids à l’hypothèse de cette “pluie de diamants” au cœur des planètes de glace », a déclaré Kraus. « Nous constatons [également] que les diamants grossissent sous des pressions plus élevées et en fonction du temps qui passe. »
Ils ont réussi à extraire beaucoup de petits diamants après un seul flash de rayons X, de l’ordre de quelques milliards de cristallites (ou quelques microgrammes si l’on parle du poids total). Toutefois, Kraus a déclaré que cela n’était pas suffisant, du moins pour le moment, à des fins d’applications comme les capteurs quantiques en diamant, qui sont utilisés pour détecter les flux magnétiques, ou les catalyseurs chimiques, qui nécessitent quelques milligrammes au minimum. Mais cette technologie pourrait être mise à l’échelle afin de répondre à ces besoins et constituer la première étape d’une méthode de recyclage du plastique plus chic et sophistiquée.
« Si la mise à l’échelle industrielle du processus de formation fonctionne effectivement comme indiqué ci-dessus, et que les nanodiamants deviennent nécessaires en très grandes quantités pour certains processus, par exemple la catalyse pour les réactions de réduction du CO2 induites par la lumière qui contribuent à lutter contre le réchauffement climatique, cela pourrait devenir un moyen potentiel de recycler de grandes quantités de PET », a ainsi déclaré Kraus.
« Nos expériences ne nous ont pas encore apporté de preuve directe d’un lien entre la formation d’eau superionique et celle de diamants. »
Si la fabrication de microbilles étincelantes est une excellente chose, il est important de ne pas perdre de vue l’intention scientifique : mieux comprendre comment les conditions environnementales extrêmes de nos voisines planétaires peuvent littéralement donner lieu à des pluies de diamants. À cette fin, Kraus et son équipe pensent également avoir trouvé davantage de preuves d’une phase d’eau bizarre, d’abord théorisée, puis définitivement découverte en 2019.
Appelée eau superionique, elle se comporte comme un croisement étrange entre état solide et liquide, tel que rapporté par le New York Times en 2018. Les scientifiques pensent qu’elle remplit les manteaux glacés de Neptune, d’Uranus et potentiellement d’innombrables autres planètes. Si elle n’a peut-être pas d’applications pour nous sur Terre, sa présence peut expliquer pourquoi certains corps célestes possèdent des champs magnétiques particuliers. D’après Kraus, la découverte de la formation de nanodiamants à l’intérieur des géantes de glace rendait plus probable l’apparition des conditions nécessaires à la formation d’eau superionique.
« Nos expériences ne nous ont pas encore apporté de preuve directe d’un lien entre la formation d’eau superionique et celle de diamants », a déclaré Kraus. « Mais elles ont démontré que le carbone se sépare de l’hydrogène et de l’oxygène, ce qui permet la formation de régions d’eau pure à l’intérieur des planètes. Ainsi, en rendant encore plus réaliste l’hypothèse de précipitations de diamants, la formation d’eau superionique sur ces planètes devient elle aussi plus probable. »
L’eau superionique mise à part, Kraus et ses collègues ont encore un peu de travail concernant les nanodiamants. Ils cherchent pour le moment des moyens de fabriquer de grandes quantités de ces minuscules pierres précieuses en quelques minutes et avec des systèmes laser plus accessibles, mais toujours à haute énergie. Ils pourraient même tenter d’ajouter des éléments comme l’azote afin de voir comment cela affecterait la forme du nanodiamant. (L’azote est assez courant dans les diamants — environ 98 % des diamants naturels contiennent des dizaines à plusieurs centaines de ppm d’atomes d’azote.)
Si après avoir lu ceci, votre amour des gros cailloux vous donne l’idée d’un remake de Breaking Bad mais avec de vieilles bouteilles d’eau et des diamants à la place de la meth, un conseil : laissez plutôt les experts s’occuper de tous ces trucs compliqués.
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