Écrit et réalisé par Adilkhan YERZHANOV – Kazakhstan 2022 1h30mn VOSTF – avec Azamat Nigmanov, Aleksandra Revenko, Nurbek Mukushev…
Du 12/07/23 au 18/07/23
Après le magnifique La Tendre indifférence du monde et le très noir A dark dark man, tous deux sortis sur nos écrans, Adilkan Yerzghanov nous revient avec l’étonnant Assault, dont le titre hommage au film de John Carpenter n’est pas le fruit du hasard. Il s’agit d’évidence d’une référence explicite même si le postulat de départ diffère quelque peu.
Quelque part au milieu d’un espace-temps incertain, en plein cœur du Kazakhstan dans un décor enneigé, se trouve une école. Des hommes armés s’introduisent dans l’établissement avec une facilité déconcertante et prennent en otage une classe. A l’extérieur, devant la situation inhabituelle, vu l’éloignement géographique et la passivité des autorités locales, les adultes s’organisent et décident d’intervenir par leurs propres moyens. Pour cela, ils commencent par s’entraîner et élaborer un plan d’attaque.
Cinéaste prolifique et important de son pays, Adilkan Yerzghanov enchaîne les tournages signant plus de 10 films en moins de 10 ans. Une urgence se dégage de son cinéma viscéral et pourtant distancié, toujours emprunt d’un humour décalé, parfois proche de celui de Takeshi Kitano. Assault ne déroge pas à cette impression. La galerie de bras cassés devant intervenir dans l’école est absolument irrésistible confirmant ses qualités de portraitistes par un sens très sur du détail et de la scénographie. Ce petit théâtre de l’absurde est composé d’un professeur de mathématiques responsable en partie de la prise d’otage, de son ex-femme, d’un chômeur alcoolique, d’un prof de sport qui se la raconte, d’un ancien combattant et de l’idiot du village. On vous laisse deviner quelle est la seule personne qui manie les armes à feu à la perfection.
La singularité du film tient aussi à l’intelligence d’un scénario qui immerge ces figures ubuesques dans une configuration de pur film de genre. Assaut peut se voir comme un détournement ludique, véritable hold-up jouissif, du cinéma d’action américain le plus ouvertement commercial avec un scénario calibré en apparence, jusque dans ses implications douteuses, à savoir une justification de la loi du talion, de l’intervention brutale sans concession, remise en cause in extremis par un plan génial, d’une ambiguïté troublante.
Ce jeu de dupe entre proie et prédateur, mis en scène avec une très grande rigueur, magnifiée par une lumière splendide, est aussi un terrible réquisitoire contre la corruption généralisée d’un système vicié. Drôle, désespéré et constamment lucide sur la situation économique et social du pays, le film a aussi le mérite de ne pas contourner son sujet, d’offrir un véritable thriller dynamique et tendu, atteignant son climax lors d’une libération qui impressionne tant par son découpage filmique que par le rythme insufflé. Une réussite totale.
Emmanuel Le Gagne
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